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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°2 - Octobre 2001 > Le plan hydrologique espagnol

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L’eau au service de la spéculation urbano-touristique

Le plan hydrologique espagnol


Une lutte très importante se déroule à l’heure actuelle en Espagne contre le plan hydraulique. De multiples manifestations, une marche qui a sillonné l’Europe fin août-début septembre pour aller porter les revendications à Bruxelles démontre s’il en était besoin que la lutte contre la marchandisation de la "nature" comme on peut le voir aussi autour de Menhirland à Carnac fait partie intégrante de la lutte contre la mondialisation capitaliste qui veut tout s’offir.


En septembre 2000, le gouvernement espagnol a présenté son Plan Hydrologique National (PHN). Ce plan prévoit la bagatelle de 119 milliards de francs d’investissement durant les huit prochaines années, avec la construction de 118 barrages. 28 milliards de francs supplémentaires serviront pour le transfert de 1050 hectomètres cubes par an depuis l’Ebre vers l’arc méditerranéen. On envisage également le transfert de l’eau du Rhône, condition imposée par le gouvernement catalan pour soutenir le projet.
Ce plan, certainement le chantier hydrologique le plus vaste jamais envisagé en Europe occidentale, a soulevé une énorme polémique en Espagne où des grandes manifestations ont réuni 400 000 personnes à Saragosse, capitale de l’Aragon, 250 000 à Barcelone et à Madrid.
Le PHN aura d’énormes impacts sociaux et environnementaux. L’Espagne est déjà le pays du monde avec le plus grand nombre de barrages par habitant et par km2. Le long de la Méditerranée il y a un processus incontrôlé de spéculation urbano-touristique et de production agricole intensive.Cela profitera à de grandes entreprises qui n’ont pas vraiment soif, sauf d’encore plus de richesses. Les régions concernées sont Murcia, Alicante, Almeria et Valencia ainsi que l’aire de Barcelone. Tout cela pour implanter des golfs au milieu du désert. Il ne s’agit pas d’un aménagement du territoire qui assurerait une urbanisation durable, mais de la spéculation. Derrière le plan on trouve bien sûr les lobbies traditionnels du béton et de l’hydroélectrique.
Le transfert de l’eau de l’Ebre jusqu’en Andalousie coûterait environ 150 pesetas par m3, alors qu’actuellement il ne coûte que 40 pesetas. Ce projet peut seulement se faire avec de l’argent public. Pour le Rhône cela coûterait 120-140 pesetas par m3, soit le double du coût de la désalinisation de l’eau de mer.
L’impact environnemental sera énorme. 100 nouveaux barrages représentent 100 vallées inondées, chacune avec des villages habités, et certaines sont parmi les dernières rivières sauvages en Europe. En octobre dernier, il y a eu une grève générale dans toutes les Pyrénées Centrales. Les gens refusent de quitter leur village, comme dans le temps de Franco "a punta de pistola". Le delta de l’Ebre est le deuxième patrimoine en biodiversité d’Europe. Si on enlevait 1000 hectomètres cubes par année, le désastre serait garanti. Le gouvernement veut avancer très vite avec le PHN. Il vient de faire adopter une loi au parlement qui est complètement contradictoire avec la Directive Cadre sur l’eau de l’Union Européenne qui doit être intégrée dans la législation espagnole en 2004. Pour Madrid, il reste trois ans pour réaliser ce projet sans cette contrainte. C’est très dangereux. Si Bruxelles accepte que des fonds européens soient utilisés pour le PHN, les travaux commenceront, et on verra l’inondation de dizaines de vallées et la destruction des rivières pyrénéennes.
Ce n’est pas un débat seulement espagnol. Madrid attend que Bruxelles finance une bonne partie du projet. C’est pour cela que le débat doit s’élargir à toute l’Europe. Le Congrès Ibérique de Gestion de l’Eau, qui regroupe 70 universités, a transmis à Bruxelles des critiques très sévères, en demandant une nouvelle culture de l’eau qui ne repose pas sur le béton subventionné mais sur une bonne gestion et sur la conservation des ressources.
(d’après un entretien accordé à Radio Zinzine (Forcalquier F-04300) par Pedro Arrojo, professeur d’économie à l’université de Saragosse et président du Congrès Ibérique de Gestion de l’Eau)


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