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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°2 - Octobre 2001 > Souffrance en France - La banalisation de l’injustice sociale

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Souffrance en France - La banalisation de l’injustice sociale


Christophe Dejours, est psychiatre, psychanalyste, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers et directeur de Psychologie de travail.


Depuis les années 1980, C. Dejours s’intéresse au monde du travail et plus précisément aux mécanismes qui poussent à commettre des actes que l’on réprouve. Il a ainsi été amené à se poser la question suivante : pourquoi certains consentent-ils à subir une souffrance que d’autres consentent à infliger ?
Le premier argument que développe le psychanalyste est que la souffrance n’entraîne pas de réactions politiques tant qu’elle est vécue comme " un mal nécessaire " (c’est ce que ne cessent de le clamer les médias) et non comme une injustice sociale. On peut remarquer qu’en ce sens, nos slogans et nos affiches sonnent on ne peut plus juste !
Ensuite, l’auteur reproche notamment aux organisations syndicales et politiques d’avoir délibérément mis de côté le thème de la souffrance engendrée par le travail. Dans les années qui ont suivi mai 68, cette souffrance subjective était accusée de nuire à la mobilisation et à la conscience de classe au profit d’un " nombrilisme petit bourgeois " de nature foncièrement réactionnaire. Il y voit là une des raisons essentielles de la désyndicalisation actuelle.
Il poursuit par une analyse du lexique employé lors des crises économiques("dégraisser, assainir, lutter contre la sclérose ou l’ankylose, etc…") nettement emprunter au langage médical pour découvrir les ressorts subjectifs du consentement. S’appuyant sur les travaux de Hannah Arendt, il compare audacieusement la position du cadre chargé de préparer une charrette de licenciements à l’exercice ordinaire du travail au sein du système nazi, ces deux situations ayant en commun une souffrance consciemment occasionnée à autrui. Il constate alors que la virilité est un levier indispensable pour accepter de participer au système et consentir à infliger une souffrance sans perdre la raison. La reconnaissance et les encouragements des supérieurs sont tout autant nécessaires aux agents, mais ce qu’ils redoutent par dessus tout, c’est d’encourir la honte et le mépris de leurs pairs et de passer pour des " femmelettes ". Il explique en effet, que face à la peur, les stratégies collectives de défense concrétisées dans le cynisme viril (autre nom du machisme) présentent les mêmes caractéristiques structurelles dans la Légion Etrangère, chez les ouvriers du bâtiment ou chez les cadres des entreprises de pointe. Une raison supplémentaire de combattre le patriarcat !!!
Kao
Edition du Seuil - Collection Points, 02/2000


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