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Russie

Poutine serre la vis


Alors que la Russie vient de se faire condamner par la Commission de Droits de l’Homme de l’ONU pour la deuxième année consécutive à cause de la guerre en Tchétchénie. Des charniers sont découverts à proximité du centre d’interrogatoire de l’armée russe, des procès s’ouvrent comme celui du colonel Boudanov accusé du viol et du meurtre d’une jeune tchétchène. La sale guerre de Tchétchénie commence à poser question dans l’opinion publique russe. Une majorité des personnes interrogées désapprouvent la politique de Vladimir Poutine dans cette république, c’est la première fois depuis plus d’un ans que l’option militaire n’est pas majoritaire dans l’opinion.


Sur le plan politique Poutine a nettement renforcé sa position avec la fusion de quatre groupes parlementaires qui lui assure une majorité confortable de 234 voix sur 450. Le bloc présidentiel contient désormais la fraction Unité, un parti créé pour soutenir Poutine, la Patrie - Toute la Russie le mouvement dirigé par deux challengers de Poutine le maire de Moscou Iouri Loujkov et son coéquipier défaits dans les urnes.

Cette coalition a réussit agréger autour d’eux des députés de Régions de Russie et des députés du peuple. En fait Unité et la Patrie - Toute la Russie sont deux partis similaires et soutenaient déjà depuis plusieurs mois les mêmes projets de lois et les mêmes positions. Il s’agit de partis de pouvoir qui défendent une même conception d’un pouvoir central fort teinté de nationalisme. Ils sont partisans d’une fermeté dans la guerre en Tchétchénie. Ce bloc laisse dans l’opposition les libéraux de l’Union des forces de droite et de Iabloko (la Pomme) et le bloc communiste qu’il détrône de la place de premier parti de l’Assemblée.

L’autre bonne nouvelle pour Poutine est la remise en ordre de la presse effectuée par le groupe Gazprom, un conglomérat gazier dont l’État est actionnaire. La branche médias du groupe avait investit dans la quatrième chaîne de télévision NTV et dans plusieurs journaux dont le quotidien Sevodnia ("Aujourd’hui") et Itogui (Bilans). Actionnaire minoritaire il avait prêté de l’argent à Vladimir Gousinski, un oligarque russe, propriétaire du groupe Média Most, qui après avoir soutenu Boris Eltsine avait rejoint l’opposition. Poutine s’était juré de démanteler le groupe et avait lancé contre le propriétaire de Médias-Most le parquet général. Celui-ci lançait un mandat d’arrêt international et demandait à l’Espagne de l’extrader. Sans succès.

Pendant près d’une semaine les journalistes de NTV ont résisté à la mainmise à coups d’émissions spéciales, d’occupation des locaux et de publicités vengeresses. L’écran était ornée d’un logo "NTV proteste", puis d’un "NTV résiste", pendant une journée ils retransmettaient en direct la vie de leur station, plus aucun film n’était diffusé uniquement des émission d’information. Une véritable expérience de télé bocal, de télévision libre. Par deux fois à Moscou plus de 10 000 personnes ont manifesté contre la mainmise gazière sur leur télévision.

Cette mobilisation s’est étendue en province, à Saint-Petersbourg. Mais rien n’y a fait et au petit matin de la mi-avril la nouvelle équipe de direction menée par un affairiste douteux russo-américain prenait position dans la chaîne interdisant aux journalistes rebelles d’entrer.

Cette opération appuyée par les forces de l’ordre a provoqué une véritable hémorragie dans la chaîne, plusieurs centaines de journalistes et de techniciens ont quitté avec armes et bagages NTV pour rejoindre d’autres chaînes : TNT appartenant au même Gousinski et TV6 propriété elle de Bérezovski un autre oligarche et autre bête noire de Poutine. Le site internet de la chaîne NTV.ru est resté aux mains des rebelles et pendant quelques jours il continuait à bénéficier de la publicité sur la chaîne NTV remaniée.

NTV a repris ses émissions avec une partie de l’équipe rédactionnelle mais sans la plupart de ses stars, pour l’instant elle tente de donner le change en maintenant un ton aigus, mais la direction a déjà annoncé quelle donnerait une place nettement moins importante à l’information. L’émission vedette Koukli, les Guignols de l’info russe ont continué sur la chaîne NTV, bien que le principal auteur ait quitté la chaîne. La première émission fût très terne, la deuxième avait plus de mordant : elle mettait en scène un Poutine déguisé en chinois combattant les ennemis de l’État. Il reçoit un ministre qui lui annonce "que la grosse Oie est presque exterminée", Gousinski ayant un surnom commençant par le mot oie en russe. Mais comme l’indique un des anciens de Koukli cette impertinence de façade risque de durer "trois semaines, peut être trois semaines et demi".

Gazprom a aussi attaqué deux journaux critiques : l’un Sevodnia en le fermant complètement, l’autre Itogui en virant toute la rédaction. Cet hebdomadaire sur papier glacé était couplé au magazine américain Newsweek qui a immédiatement interrompu toute collaboration avec le nouvel Itogui. Là encore la version remaniée a perdu toute crédibilité, et cette réussite de la presse russe - un des rares titres qui faisait gagner de l’argent à son propriétaire - risque de coûter cher à son nouveau directeur. Le premier numéro remanié à évacuer tout sujet qui pourrait fâcher en le consacrant au football. Prochain objet de nos éradicateurs : la radio Échos de Moscou, une radio qui comme son nom l’indique est nationale, qui appartient toujours au groupe Média-Most et qui est menacée par le géant gazier. Le Gazprom a déjà annoncé que si dans un mois un prêt n’était pas remboursé il prendrait en main la radio. Cette radio avait ouvert ses micros aux sacqués de la télé et des journaux et elle est dirigée par un journaliste très opposé à Poutine. Bis et repetitas.

Jean Raymond à Moscou le 25 avril


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