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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°87 - Mai 2001
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Interview de Shock Treatment


Le 4 avril "L’Etincelle", lieu autogéré à Angers, a eu le plaisir de recevoir le groupe Italien Shock Treatment lors de sa tournée européenne avec malheureusement une seule date en France. Le groupe nous asséné un Hard-Core Emotionel (ça n’a rien de contradictoire) d’une rare intensité. Quant à leur attitude elle n’avait rien à envier à la musique, Shock Treatment est un groupe intègre investi dans l’ethique Do It Yourself depuis plus de 10 ans. En bref, Shock Treatment se fait apprécier non pas seulement pour sa musique mais aussi par la gentillesse et l’énergie de chacun de ses membres (Antonello, Vito, Michele, Piero). Voici une petite partie d’une très longue conversation...


No Pasaran - Bon, d’abord un petit exercice qu’on a du vous demander une bonne centaine de fois : petit historique du groupe...

Antonello - Oh, c’est une longue histoire ! Je crois que le groupe joue depuis 1989 mais je suis le seul issu du line-up originel. Avant, il y avait deux autres gars qui ont joué pendant 8 ans, c’était donc une belle histoire. Ils ont quitté le groupe pour des raisons telles que leurs jobs, la famille, les enfants et ce genre de choses. Donc Piero (guit.) joue avec nous depuis 1999 et Vito (batt.) depuis 2000 et ils ont donc participé à l’enregistrement du dernier disque ("in / out...the cage"). C’est aussi la première tournée de ce line-up, mais le groupe lui-même à du jouer plus de 200 concerts à travers toute l’Europe : Slovénie, Suisse, une fois en France, Allemagne, Italie bien sûr, etc. Nous avons réalisé 6 disques : 4 albums et 2 compilations CD dont un hommage à Husker Dü avec d’autres groupes italiens. Le mois prochain doit aussi sortir une autre compilation-hommage à petit prix avec une reprise des Minutemen. Nous avons aussi notre propre liste de distribution "Rumble Fish Corporation" qui nous permet de produire nos disques et ceux d’autres groupes desquels nous nous sentons proches, non pas par le style mais plutôt par les idées et la manière de faire la musique. Ce label a du sortir 14 disques je crois. Voilà en gros notre histoire...

- Pouvez-vous nous parler du lieu dans lequel vous êtes investi : ses activités, la manière dont il est géré... ?

Antonello - Près de Fasano (Pouilles), il y a un endroit appelé Maitza (en phonétique, désolé N.D.T.), il s’agit d’une ferme à la campagne. Nous sommes investis dans cet endroit depuis 1996. Avant, Michele (basse), moi et un peu Piero étions partie prenante du mouvement Do It Yourself, nous avons squatté. La police nous a expulsé de cet endroit, nous avons eu beaucoup de problèmes avec la justice. A la fin, nous sommes arrivés dans ce lieu (Maitza). Cet endroit est géré par une association qui s’occupe, entre-autres, du suivi de personnes ayant des problèmes psychologiques. Les personnes de cette association sont très éloignées de nous par certains aspects parce qu’ils ne connaissent pas la musique punk, le mouvement DIY et le mouvement anarchiste mais nous bossons ensemble. Ces 6 dernières années ce sont bien passées, on a organisé des concerts, il y a eu des activités autour du cinéma, du théâtre et d’autres trucs comme du travail dans les champs. Il y a aussi un atelier de restauration de meubles. Aujourd’hui, Michele, Piero et Vito sont toujours investis dans le lieu mais moi j’ai quitté le lieu il y a environ 6 mois parce que j’avais certains problèmes avec le collectif. Je ressentais les problèmes liés aux différences des manières de penser donc j’ai préféré arrêter.

- Qu’est-ce que vous entendez quand vous dites que vous vous occupez de personnes ayant des problèmes psychologiques ?

Antonello - Il y a 3 personnes avec ce genre de problèmes mais il n’y a pas de soins/médecine officiel(le)s. Ils vivent sur place, ils y travaillent et ils sont libres. C’est juste une manière différente de les prendre en charge. En fait, il n’y a pas de soins (au sens médical, N.D.T.) Nous vivons et agissons ensemble et ça marche bien. Maintenant, 2 des gars sont partis parce que la médecine officielle les a pris. Il en reste toujours un qui va bien, qui travaille. Il n’est pas si dangereux que ça. Il semble qu’il ait eu quand il était jeune des problèmes avec sa famille, avec l’alcool.

- Après avoir parlé de ce lieu, peut-être pouvez vous brièvement nous replacer le contexte social du sud de l’Italie ?

Antonello - C’est difficile d’expliquer ce genre de choses... En Italie, et spécialement en Italie du sud, il y a beaucoup de chômeurs et le gouvernement ne verse aucune aide. C’est donc dur de vivre. J’ai 37 ans et mon premier boulot officiel c’était l’été dernier... Un des symboles de cette situation est que dans ma ville (Fasano), les jeunes jusqu’à 30 ans sont pour 70 % d’entre-eux au chômage. Et, je pense que 20 à 30 % de ceux-ci travaillent pour les contrebandiers ou au noir. A titre d’exemple ma compagne est docteur en biologie et elle a bossé gratuitement pendant un an pour avoir son boulot. Maintenant, elle bosse dans un hôpital privé et jouit donc d’une situation privilégiée. Elle n’est pas payée comme elle devrait l’être, je pense quand dans le nord de l’Italie elle aurait trois fois plus d’argent.

- A propos, comment est vécue cette différence Nord / Sud ?

Antonello - Le sud du pays est toujours restée en arrière... Durant les années 50 et 60 beaucoup de gens sont partis au nord pour travailler, par exemple à la FIAT à Turin ou dans les grosses industries de Milan ou d’ailleurs. Au sud, il n’y a rien à faire et ce n’est pas un problème pour le capitalisme (on évoque l’idée d’Apartheid social...). C’est une situation normale pour un jeune : pas d’argent, pas de boulot et, c’est normal de bosser pour les contrebandiers, la mafia. Tu bosses une nuit et tu gagnes environ 100 000 lires (env. 330 frs.) Maintenant, il y a des organisations de chômeurs, surtout à Naples, qui font beaucoup de manifestations/actions pour lutter contre cet état de fait. A Naples, il y a le plus gros groupe de chômeurs organisés du sud de l’Italie.

- Est-ce qu’il existe des formes solidarité entre les travailleurs et les chômeurs ?

Antonello - Non, il n’y a rien. Je crois que c’est partout pareil.

- Et les syndicats ?

Antonello - Il y a quelques petits syndicats les "COBAS" (syndicats de base) qui manifestent leur solidarité. Les gens sont habitués à vivre comme ça et ils pensent que c’est un état de fait. C’est donc très dur de faire changer les choses...

Un de leurs amis français intervient- La chose qu’on peut noter dans le sud de l’Italie c’est qu’il y a une ambiance d’entraide réelle. Il n’y a pas de grosses différences sociales, tout le monde est sur le même niveau qui peut nous sembler assez bas. Il n’y a pas de pauvreté réelle, il n’y a pas de grosses richesses alors que dans le nord de l’Italie on retrouve beaucoup plus les clivages classiques entre très riches et très pauvres.

Antonello - Cette situation convenait et convient toujours au gouvernement parce qu’il y a une notion d’échange très présente : on te demande une chose en échange d’une autre. Il faut toujours exprimer quelque chose en retour et cette habitude s’est installée vis-à-vis du sud de l’Italie. On leur demande de travailler pour qu’en échange on leur donne quelque chose qui ne viendra jamais... Ce genre de situation est normal au sud. Si les gens veulent bosser, ils doivent aller quémander. Il y a un clientélisme historique. Aujourd’hui après l’opération "Mani Pulite" ("Mains propres") il y a une sorte de déni de ce genre de pratiques parce que les "nouveaux" politiciens comme Berlusconi, ceux d’Alliance Nationale, mais aussi ceux de gauche (D’Alena et le PDS-ex PC) utilisent le même système que par le passé. Ils n’ont absolumment rien changé.

- Qu’en est-il de la politique d’immigration, en particulier dans votre région les Pouilles qui fait face à l’Albanie ?

Antonello - Je crois que c’est la même chose que pour le reste de l’Europe. Tous les jours des gens arrivent d’Albanie en prenant le bateau. La mafia a un peu changé ses activités maintenant en plus de la drogue, des cigarettes, des armes ils font aussi passer des gens. La différence avec des pays comme la France ou l’Allemagne est que maintenant le sud de l’Italie (et en particulier les Pouilles) représente la nouvelle frontière entre l’Europe et le Sud.

Michele - Il y a trois ans, un navire militaire est entré en collision avec un bateau albanais, il y a eu 4 morts...

Antonello- Personne ne parle de ces événements, je crois que chaque nuit quelqu’un meurt en Adriatique, et ce soir aussi. Il y a quelques groupes comme à Brindisi qui travaillent avec les immigrants et qui les aide, des gens comme la gauche autogestionnaire, les "Autonomi" (mouvement très différent des "Autonomes" de France et d’Allemagne, ils sont bien organisés et se définissent comme marxistes non dogmatiques N.D.T.) mais ce sont des tentatives très isolées. La presse et les médias ne parlent pas de la situation en Adriatique.

- Est-ce que passer dans des lieus comme L’Etincelle relève d’un choix, d’une préférence ?

Antonello- Absolument, il est important pour nous de rencontrer des gens, d’échanger des expériences, de connaître la situation dans d’autres endroits et de savoir comment les gens gèrent le lieu, militent. Faire des tournées, jouer dans des lieus où personne ne s’intéresse à rien, ça ne m’intéresse pas ! Pour moi, la musique et la vie c’est pareil : attitude, politique, musique, c’est la même chose.

Est-ce que vous voulez parler de musique ?

Antonello- (rires) Vous le ferez mieux que nous !

Votre musique exprime quand même quelque chose de spécial...

Antonello - C’est étrange parce que je chante en anglais et pas en italien mais pour moi ce n’est pas important parce que c’est facile pour moi de chanter en anglais. Si je chantais en italien personne, même pas les italiens, ne comprendraient parce que je crie, donc c’est pareil. Notre musique est agressive parce que je suis vieux et plein d’expériences et parce que nous sommes plutôt ironiques.

Michele - Il n’y a pas de différences entre nos vies et notre musique.

Ce sera le dernier mot de cette interview, le dictaphone vient de lâcher...

Coco du Layon & Haribo

Contacts : Shock Treatment / Rumble Fish Corporation (Label & liste de distro)

Via Giusti, 93, 72015 Fasano (Br) - Italie.

Tél. ++39 368 3984076

e. mail. rumblefishap@yahoo.com


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