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AccueilJournalNuméros parus en 2003N°16 - Janvier 2003 > Irak : Israël prépare sa guerre

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Irak : Israël prépare sa guerre


Les signes d’une guerre contre l’Irak se précise en cette fin de mois de décembre. Les Etats-Unis et leur fidèle allié la grande Bretagne envoient des troupes, l’Allemagne se fait beaucoup moins critique depuis les élections terminées et la France laisse entendre que « la guerre c’est le dernier recours... ».


Les mobilisations du 14 décembre dans l’hexagone n’ont pas été la hauteur des enjeux pour toutes celles et ceux qui refusent cet engranage qui ne fera que renforcer les extrémismes de tous les camps et la domination de l’Empire qui veut s’assurer les réserves pétrolières dans toute la région du Moyen-Orient, et une précense militaire encore supérieure. Mais les oppositions se construisent aux Etats-Unis où de grandes manifestations ont eu lieu et où les sondages d’opinion (avec toute les réserves que l’on connaît à ce type d’enquête) montrent qu’une majorité est contre la guerre, en Europe mais aussi dans les populations arabes. Contre les « terroristes » d’Etat qui sont le pendant des terroristes intégristes (les uns nourrissant les autres), la solidarité internationale est plus jamais à l’ordre du jour.
Israël n’a plus de doute : les Etats-Unis attaqueront l’Irak. Dans quelques mois, dans quelques semaines peut-être. Déjà autour de Tel Aviv ont commencé les préparatifs de défense pour faire face aux éventuelles attaques de missiles de Bagdad. L’adhésion enthousiaste d’Ariel Sharon à la campagne anti-irakienne de George W Bush et de son majordome britannique Tony Blair transforme automatiquement Israël en cible potentielle des missiles Scud déjà lancés sur Tel Aviv, Haïfa et autres localités israéliennes en 1991. Au lendemain du discours de George W. Bush à l’ONU, le 12 septembre, qui a lancé son ultimatum à l’Irak, la presse israélienne surenchérit :  »Vers la guerre » titre Maariv,  »le discours de George W. Bush : une déclaration de guerre », confirme, satisfait, Yediot Ahronot. De son côté, Shimon Pérès, prix Nobel de la paix et grand supporter de la guerre préventive, affirme »qu’Israël est d’accord avec les Etats-Unis pour considérer comme une menace le régime de Saddam Hussein qui s’efforce de se doter d’armes nucléaires ».

Bien qu’il soit encore difficile de savoir si Israël prendra part à l’attaque contre l’Irak où s’il réagira à un éventuel lancement de Scuds contre ses villes, le Président israélien, Moshe Katsav a, en tout cas, déclaré le 10 septembre, qu’en cas de guerre contre Bagdad « l’Irak frappera Israël en représailles et le pays répondra ».(1)

De leur côté, les Irakiens ont déjà fait savoir qu’ils répondraient à une éventuelle participation à la guerre de l’Etat d’Israël. En attendant, l’état-major de l’armée israélienne et plusieurs administrations se préparent à la « défense » du territoire. Le quotidien Ha’aretz a rapporté que Ziv Bar, le maire de Ramat Gan, au portes de Tel Aviv, envisage d’évacuer à Beit Jubarin, dans le Negev, la population de sa commune où en 1991 l’unique mort israélien des attaques des missiles israliens avait été enregistré. A Bnei Brak, faubour religieux de Tel Aviv la commune se prépare à distribuer des médicaments pour affronter une éventuelle attaque irakienne avec des armes himiques. Le gouvernement, pour sa part, assure que toute la population disposera d’un masque à gaz...

Crier au loup nucléaire



Le grand argument avancé par l’adminsitration Bush pour justifier la guerre préventive est que Saddam Hussein prépare une catastrophe nucléaire et qu’il faut l’arrêter tant qu’il est encore temps. L’argument peut surprendre lorsqu’on sait que les Etats-Unis sont la plus grande puissance nucléaire du monde dont l’arsenal peut annuler de la surface de la terre non pas une fois mais des dizaines de fois non seulement l’espèce humaine mais toute forme de vie. Mais les armes nucléaires des Etats-Unis sont les armes de la lutte du « bien contre le mal ».

Pourtant, tout le monde sait, à commencer par Scott Ritter, l’ancien chef des inspecteurs de l’ONU pour le contrôle des armements irakiens, que l’Irak n’est plus  »en état de produire ces armements prohibés » et qu’il  »ne dispose pas d’armes nucléaires » (S. Ritter). Même l’Institut international des études stratégiques (IISS) de Londres, qui a pourtant voulu aider George W. Bush en disant que Sadam Hussein  »volait (sic) de la matière fissile », a admis qu’il faudrait à l’Irak « quelques mois pour monter une arme nucléaire ». L’alarme nucléaire n’en reste pas moins très fortement relayée en Israël.

Or israël est un pays qui, en se procurant clandestinement et grâce à l’aide de la France par Shimon Pérès interposé, à la fin des années 50, des technologies et des matériaux nucléaires, a pu se construire un arsenal qui fait de la cinquième pusisance nucléaire mondiale. Cet arsenal comprend aujourd’hui probablement plus de 400 armes nucléaires, soit thermonucléaires de grande puissance, soit « tactiques » de moindre puissane. Il a été construit grâce à l’aide de la France et comprend des bombes à neutrons qui provoquent une contamination radioactive relativement limitée mais une plus grande émission de radioactivité meurtrière pour l’homme. A la différence de l’Irak qui, toujours selon l’IISS, possède au maximum une douzaine de vieux missiles (de type soviétique Scud) capables d’atteindre Israël, ce dernier possède tous les types de vecteurs nucléaires modernes, du missile Jericho II d’une portée de 5 000 KM aux F16 fournis par les Etats-Unis, en passant par des sous-marins fournis par l’Allemagne sur lesquels ont été installés des missiles nucléaires. Cet arsenal n’existe pas aux yeux du monde parce que le gouvernement israélien n’en admet pas officiellement l’existence et que personne ne propose d’aller le vérifier avec des inspecteurs internationaux...

Tout le monde sait que, comme pour la première guerre du Golfe, le gouvernement israélien a mis en alerte ses forces nucléaires et pourrait même les utiliser. Il est par ailleurs expert en attaques " préventives ". Comme celle par laquelle le 7 juin 1981, il a détruit le réacteur nucléaire irakien d’Osirak. A l’époque, sans fournir aucune preuve, le gouvernement israélien avait déclaré que " sur la base de sources de fiabilité indiscutable " l’Irak était en train de fabriquer des bombes nucléaires, justifiant ainsi son " attaque préventive ". George W.Bush n’aura pas donc la primauté du " first strike ". Israël aura ouvert le chemin de la guerre préventive devenue avec George W.Bush doctrine américaine officielle.

L’alliance organique entre droites américaine et israélienne



On comprend donc pourquoi, en septembre dernier, l’establishment israélien a intensifié sa campagne pour pousser les Etats-Unis à lancer l’attaque tant attendue et espérée contre l’Irak.

Certes, ces suggestions - d’autres diraient ces " pousse-au-crime " -, ne sont pas un phénomène nouveau. Il y a déjà longtemps qu’Israël et des cercles de la droite extrême américaine travaillent ensemble en parfaite harmonie. Mais cette alliance " organique " entre droite américaine et droite israélienne représente un phénomène relativement nouveau qu’il faut savoir analyser pour en mesurer toutes les conséquences.

Après avoir joué un rôle d’allié et de suppléant stratégique pendant la guerre froide, Israël a vu son rôle repensé après l’effondrement de l’URSS et la victoire militaire américaine dans la guerre du Golfe qui ont défini une nouvelle donne géopolitique au Moyen-Orient.

Certes les intérêts américains centraux (protéger le pétrole et contrôle stratégique de la région) restaient inchangés. Mais les Etats-Unis, mondialisation libérale aidant, souhaitent que les régimes arabes locaux qui les avaient soutenus contre l’Irak, en 1991, puissent avoir un rôle plus grand pour créer les conditions d’un marché ouvert et stable. Ce projet de " nouvel ordre moyen-oriental " passe par une tentative de règlement politique du conflit israélo-arabe. Israël resterait une pièce stratégique majeure, l’accent étant déplacé sur l’insertion régionale de son économie au détriment de son " complexe militaro-industriel surdimensionné ".

Cependant si cette vision nouvelle de la défense des intérêts américains au Moyen-Orient ne modifie pas fondamentalement les relations avec Israël, elle inquiète en Israël et aux Etats-Unis, certains secteurs " ultras " hostiles à toute négociation. D’où le développement, à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté juive américaine majoritairement démocrate et souvent libérale, d’un courant extrémiste qui va trouver son principal point d’appui dans l’extrême droite chrétienne et sioniste majoritairement pro-républicaine.

Ces liens entre l’extrême droite fondamentaliste chrétienne américaine et le Likoud ne datent pas d’hier. Dès son arrivée au pouvoir, en 1977, après une longue période de gouvernements travaillistes, Menachem Begin cherche des alliés dans les cercles conservateurs américains. En 1981 après le bombardement par Isra’l du réacteur nucléaire irakien Osirak (construit par la France...), Begin demande à l’un des leaders du fondamentalisme chrétien Gerry Falwell (animateur du groupe Moral Majority) de faire de la publicité en faveur d’Israël. Ce qui provoqua, alors, une réaction de l’administration américaine. Pour cett contribution, Menachem Bégin décora d’ailleurs Falwell de la médaille Jabotinsky...

C’est ainsi que se sont constitués les fondements d’un appui inconditionnel de la droite américaine à la droite israélienne. Au point tel d’inquiéter le fameux AIPAC (American Israël Public Affairs Commettee), le lobby pro-israélien bien connu qui va être amener à se droitiser.

De fait l’appui financier de ce courant extrémiste américain pour des candidats de l’extrême droite républicaine a joué un rôle de plus en plus déterminant dans l’orientation du parti républicain vers la droite extrême. George W.Bush est le pur produit de cette évolution. Aujourd’hui les chrétiens sionistes sont beaucoup plus puissants, ils entretiennent des relations serrées avec des députés et des sénateurs républicains dont Dick Armey leader de la majorité à la Chambre - mais surtout avec John Ashcroft, est lui-même un intégriste chrétien et avec les deux secrétaires d’état de Donald Rumsfeld au ministre de la Défense, Paul Wolfowitz et Douglas Ferth. Désormais ces sionistes évangélistes (et non évangéliques...) sont devenus plus puissants que l’AIPAC. Les liens entre cette grande secte et Israël sont tels qu’à l’ambassade israélienne à Washington il y a maintenant un " Bureau pour les affaires inter-religieuses " qui organise des réunions mensuelles avec des films de propagande et où se mêlent crucifix et étoile de David au grand dam de beaucoup de juifs laïques américains...

Le rôle du 11 septembre



C’est finalement les conséquences tirées par l’administration Bush du 11 septembre qui ont crée les conditions de la nouvelle alliance stratégique entre la droite américaine et la droite israélienne. Après une période de méfiance de la droite israélienne à l’égard de la Maison Blanche - souvent considérée comme un obstacle à sa vision expansionniste - on a vite compris que les réticences israéliennes étaient privées de fondement. A l’intérieur de l’administration, le lobby " chrétien sioniste " l’a emporté : il fallait appuyer Ariel Sharon à tout prix.

Or Ariel Sharon, soutenu par une coalition politique élargie à la majorité du parti travailliste, veut impliquer les Américains dans sa guerre contre tous les Arabes. Il se présente comme la pointe avancée de la lutte que George W.Bush a solennellement annoncée dès le 14 septembre 2001 après les trois jours de deuil du 11 septembre - celle du « Bien contre le Mal » - c’est-à-dire contre les Arabes et l’Islam. Dès lors, le conflit des civilisations devient projet politique en acte, c’est-à-dire guerre annoncée.

Les trois dimensions de cette guerre



Si elle a lieu, la guerre de Bush/Sharon, devrait avoir au moins trois dimensions.

La première sera une recrudescence de la terreur alimenté par le sang versé du fait des armes " intelligentes " américaines. L’instabilité dans toute la région sera le prix politique à payer dans un avenir proche mais beaucoup le paieront de leur propre vie.

La seconde dimension est la possibilité d’un acte de désespoir de Saddam Hussein contre Israël. Ici le gouvernement irresponsable d’Ariel Sharon voit avec plaisir se profiler une guerre pour se garantir ce que les experts considèrent comme les objectifs stratégiques israéliens. Une attaque de Saddam Hussein qui provoquerait mort et destruction en Israël constituerait une excuse formidable pour l’utilisation d’armes de destruction massive, chimiques ou même nucléaires avec lesquelles Israël démontrerait sa capacité et sa supériorité et qui serait aussi le germe de l’autodestruction. Ce qu’a déjà prévu le mouvement Gush Shalom dans ses récentes thèses.

La troisième dimension concerne le conflit israélo-palestinien. Au nom de la sécurité tout sera permis, toute étincelle suffira pour provoquer morts et expulsions. Il n’est pas difficile d’imaginer des centaines de milliers de palestiniens qui reprendront la voie de l’exil. Les milliers de morts et les nouveaux réfugiés seront le "bouillon de culture" d’une haine démultipliée. Au nom de la sécurité d’Israël ses seigneurs de la guerre garantiront la guerre permanente et les générations futures d’Isra’l seront sous une menace permanente de mort. Dans son aveuglement démentiel, la bande nationaliste-fondamentaliste qui régit aujourd’hui le destin d’Israël, dans son aveuglement démentiel, mène le pays à sa destruction.


Notre silence et notre inaction serviraient de prétexte supplémentaire au pouvoir israélien pour mener à bien ce projet démentiel à l’ombre de la guerre contre l’Irak.

Bernard Ravenel

Texte paru dans Pour la Palestine
n° 55, bulletin de l’Association France Palestine Solidarité


Il faut rappeler que pendant l’opération " Tempête du désert " la pression des Etats-Unis sur la coalition arabe alliée contre l’Irak - composante clé pour Washington pour le " nouveau Moyen-Orient " de l’après guerre-froide - nécessite qu’Israël restât aux marges du conflit. La protection d’Isra’l devint alors un aspect décisif et pour cela l’administration Bush (père) a mis à disposition de Tel Aviv ses systèmes antimissile Patriot à côté des autres et tout aussi coûteux systèmes technologiques de défense. Même si le Pentagone et le Département d’Etat ont alors redéfini les nouvelles conditions pour la défense des intérêts des Etats-Unis au Moyen-Orient, les modifications de leurs relations avec Israël, dans les fonctions stratégiques qu’ils lui assignent face au monde arabe restent secondaires, surtout après le 11 septembre.


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