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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°8 - Avril 2002 > Une forêt qui pousse fait moins de bruit qu’un arbre qui tombe...

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Une forêt qui pousse fait moins de bruit qu’un arbre qui tombe...



Il y a un an un Appel à l’unité des libertaires était lancé (http://users.skynet.be/AL/unite.html). Cet appel intitulé "Le chemin se trace en marchant" a été signé, à ce jour, par près de cinq cents libertaires, sympathisant-e-s, militant-e-s encarté-e-s ou sans étiquette et parfois même sans drapeau, mais avec tou-te-s au cœur une même aspiration : celle d’une société sans dieu ni maître, fondée sur la libre association d’égaux solidaires.
Cet Appel, initié par quelques-uns d’entre nous n’avait pas pour but (c’était écrit noir sur blanc) de fonder une nouvelle (énième) organisation libertaire et encore moins d’instituer un service militaire libertaire unitaire obligatoire.
Cet appel reposait sur deux constats, celui de la popularité croissante des idées et des pratiques libertaires et celui de leur dilution dans le brouet d’un citoyennisme insipide. Il formulait aussi quelques hypothèses d’analyse de ce paradoxe : la division du mouvement libertaire en chapelles concurrentes (et les logiques hégémoniques qui en découlent), notre impuissance à mettre un idéal centenaire en phase avec les temps présents et, a fortiori, avec les temps à venir.
Il reposait (et repose encore) sur plusieurs espoirs. Celui de l’importance de l’existence d’un mouvement libertaire à la fois un et multiple. Celui de l’évidence du respect des spécificités des un-e-s et des autres. Celui de l’évidence de l’intérêt de l’union par rapport à la division. Celui de la nécessité de conjuguer la confrontation entre les différences particulières au rythme syncopé de l’accord sur un essentiel commun. Celui de l’impérative reformulation des grands principes énoncés il y a plus d’un siècle. Et celui de l’insertion des libertaires, comme minorité agissante, au sein d’un mouvement social pluraliste seul à même d’infléchir le cours de l’histoire.
image 198 x 236En d’autres termes, cet Appel à l’unité des libertaires, s’il s’adressait à tou-te-s les libertaires désireux-ses de sortir d’un sectarisme sans perspective, s’adressait aussi à tou-te-s celles et ceux qui se sont éloigné-e-s d’un mouvement toujours divisé, trop souvent en proie aux syndromes groupusculaires (querelles individuelles, procès en hérésie, rétrécissement du réel...). Il se voulait également une main tendue à toutes celles et à tous ceux qui ne l’ont jamais rejoint... pour les mêmes raisons.
Cet Appel, tout de bon sens, ne faisait, en fait, qu’exprimer haut et clair un sentiment partagé par de plus en plus de camarades conscients : à l’heure de la mondialisation capitaliste, le pré-carré cloche-merle libertaire n’était plus de mise.
Est-il besoin de le préciser, parce qu’il refusait de chausser les gros sabots d’une "unité" clé en main (avec petit livre noir et nouvelle organisation en prime), l’Appel optait délibérément pour un processus nécessairement long de mise en œuvre de véritables états généraux du mouvement libertaire.
Loin du spectacle, cet Appel, en toute logique, n’a débouché sur rien de vraiment... spectaculaire. Reste que l’idée fait son chemin. Que des libertaires de tous horizons, à la base, se rencontrent. S’écoutent. Se découvrent. Se respectent. Confrontent amicalement leurs expériences. Débattent de l’actualisation des grands principes de l’anarchisme. Réfléchissent sur la définition d’un anarchisme social en prise avec notre époque. Mettent en commun. S’entraident. Communiquent. Échangent. Se réunissent. Se rassemblent. Font ensemble ce qu’il est possible de faire ensemble. Et, forts de la mise à jour d’un essentiel commun, commencent à prendre conscience de leur force.
Une première rencontre, en octobre 2001 à Niort, d’une centaine de signataires de l’Appel... des collectifs libertaires unitaires dans la région centre, en Aquitaine ou en Charente-Maritime... des initiatives dans le Sud-est ou en Loire-Atlantique... des réunions à Paris, à Marseille, à Toulouse, à Liège, à Tours, à Nantes.... De plus en plus de cortèges unitaires dans les manifestations... Des rencontres informelles dans des villes où les libertaires ne se parlaient pas...
Des journaux, des revues et des bulletins d’organisations et de groupes qui débattent de l’unité sur des pages entières... Des pratiques unitaires locales qui deviennent "naturelles"... C’est assurément peu de chose !
Mais c’est ce peu de chose que nous devons amplifier, densifier et institutionnaliser. À la base. De manière horizontale, libertaire. En multipliant les rencontres et les unités d’action locales, départementales, régionales, nationales et internationales. En multipliant les espaces de débats et de confrontations sur et à propos de ce que pourrait être un projet libertaire susceptible de changer le monde. En multipliant les synergies de tous ordres susceptibles de nourrir un processus préparatoire à la tenue d’états généraux du mouvement libertaire.
C’est le genre de processus qui fondent toutes les prises de la Bastille, toutes les nuits du 4 août et toutes les révolutions.
Que les choses soient claires, le problème n’est plus de savoir si l’unité des libertaires, la reformulation de leurs projets de toujours et leur implication dans le mouvement social est souhaitable ou possible... Il est de savoir comment muscler, rationaliser et faire progresser qualitativement un processus qui s’est enclenché et qui sera chaque jour un peu plus irréversible. L’arbre de la division, du sectarisme et de l’immobilisme théologique peut faire tout le bruit qu’il veut en tombant, il n’empêchera pas la forêt de l’espoir de pousser.

Collectif libertaire Charente-Maritime - mars 2002 (Groupe Bakounine de la Fédération Anarchiste francophone, No-Pasaran 17, CNT-V 17 et des individus)


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