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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°8 - Avril 2002 > La farce tranquille - Maurice Rajsfus

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La farce tranquille - Maurice Rajsfus



Il ne peut être question de se laisser aller à reprendre le slogan favori d’une extrême droite qui n’aura jamais fini de cracher sa bile face au système parlementaire – par ailleurs émanation approximative de la démocratie réelle. Comment reprendre à notre compte des relents de fiente qui rendent notre atmosphère fétide ?
Nous pouvons le constater, ponctuellement, les consultations électorales favorisent la réapparition d’un triste vocabulaire, utilisée par ceux-là mêmes qui veulent être reconnus comme porteurs des plus hautes valeurs de notre République des droits de l’homme. Les plus vertueux des nostalgiques de l’homme à la Croix de Lorraine sacrifient volontiers à ce langage qui qualifie celui qui le met en œuvre. C’est un ancien premier ministre, au profil vulgaire, qui a laissé un souvenir impérissable de son passage au pouvoir, de 1995 à 1997, qui accuse ses adversaires de "remuer la merde", ce qui laisse entendre qu’il y en a ! Ce sont les spadassins de l’homme aux liasses de billets de banque et, parmi eux, des fils d’immigrés besogneux qui clament (hurlent plutôt) leur haine de ceux qu’ils s’obstinent à désigner comme socialistes. Trop peu, c’est encore trop pour ces représentants d’une démocratie cannibale, jamais rassasiée de profits, et toujours à la recherche d’un plus sécuritaire.
image 236 x 218Au jeu frelaté du "si je gagne, je ne manquerai pas d’appliquer ton programme", on se bouscule, et il faut convenir qu’idéologie mise à part, les plus tristes portraits se retrouvent du côté opposé à celui où les visages sympathiques ne sont pas nécessairement un gage de fidélité aux grands principes. En clair, les autres ont des faces de carême, voire des mines patibulaires. Il faut, paraît-il, éviter d’insister sur ce point car, aussitôt, celui que les guignols "ont chaudement habillé pour l’hiver en lui attribuant le sobriquet de super menteur", crie aussitôt au scandale, évoque le "délit de sale gueule" et les "méthodes fascistes". (C’est celui qui dit qui l’est, comme nous le disions à l’école primaire). Il est quand même cocasse d’entendre celui qui éructait contre "le bruit et l’odeur" des étrangers s’estimer outragé lorsqu’est évoqué son âge et sa fatigue.
Question : faut-il en rester à l’une de ces règles morphologiques approximatives qui prétend que, passé quarante ans, on est responsable de sa gueule ? Ce serait effectivement un peu court mais la galerie de portraits dont nous disposons est tout à fait édifiante.
Commençons pas les plus nébuleux, ces faux naïfs culs-bénis qui, bien évidemment, ne peuvent être que de droite car il leur est difficile de se situer à la gauche du Seigneur. Il y a là les anciens ministres, Morvonez, Dorenchient et Pissaulit dont deux d’entre eux croient à leur destin national, alors que le troisième à la langue chargée à force de lécher le fondement de l’actuel locataire du Château. Tous sont en croisade perpétuelle, et se chamaillent en compagnie du triste Merdaucul, toujours droit dans ses bottes malgré son profil de tête de nœud. En chemin, ces redresseurs de tort n’ont pas tardé à faire ami-ami avec les bienconnus Pudépieds, Sudébras, ainsi qu’avec l’inénarable et indispensable Péfoireux.
Cette joyeuse compagnie, très naturellement conseillée par le révérend père Onction, peine à cacher son ambition première : monter à l’assaut de la forteresse Dème-Ocratie. On trouve également dans cette équipe, qui baigne dans une rancœur tenace, Debré-la-joie (comme dit si joliement Pierre Marcelle) et Devait-Chiant, toujours en première ligne des bataillons de traînelattes conduits par le Saar Kosi, dans le rôle de l’aboyeur. Sur le bord de la route, il y a, tout naturellement Mama-tête-claques, alibi féminin d’une droite nationale au visage tordu par le rictus bien plus que par des sourires détendus.
En face, en contrefeu d’une Gôche scrofoleuse qui les envoie en mission, il y a les troupes inconsistantes conduites par les grands républicains de Eldehache, avec leurs pâles comparses de Essoesse, Lycra et Mérape-Dérape. Tous plus prudents qu’il n’est indispensable, toujours prêts à capituler en échange des bonnes paroles d’un Sac-de-nœuds ou d’un Chèvrement, voire d’un quelconque Sossedème, ces compères bien plus férus en matière d’Arrêt-pression que Doidlhome.

Il y a beau temps que la Chirouble de Corrèze et ses seconds couteaux ont décidé que la plus haute autorité de l’Arrêt-Public est surtout représentée par ceux qui portent fièrement l’uniforme glorieux de Gardien-du-Pêt – tous protecteur proclamés des Pères-Sohn et des Sam-fait-du-bien. Ces fiers-à-bras- raccourcis, bardés de mauvaises intentions, ne cessent de revendiquer pour eux-mêmes le Raisse-pêt et la Con-Sidération. Il faut bien que la Peaulisse s’affirme pour que soient résolument combattus les Sême-ta-Merde, les empêcheurs de xénophober en rond, ceux qui n’ont jamais fredonné le célèbre refrain " France d’abord " et les charters pour les autres…
En coulisse, Mégrelait et Peine-à-jouir-encore, dit N’a qu’un Œil, inlassablement Bleu, Blanc, Beurk attendent tranquillement le moment de tirer les connards du feu. Tandis que leurs anciens compagnons de la bate de base-ball et du Nun-cha-ku, Longuette, Madeline, Gosguenette et La-Bite-au-bol, avec Devait-Chiant (déjà nommé), se souviennent avec émotion de leur jeunesse chahuteuse, même s’ils sont, aujourd’hui au servie de l’homme à la valise farcie. Lequel se trouve, d’ici la fin de ce mois, dans l’obligation de rafler la mise, faute de se retrouver sur la paille humide des cachots.
Les gesticulations de ces compagnons de la liberté provisoire ne trouvent qu’une triste réplique dans les rangs de la gauche dégauchie, qui devrait être heureuse de se trouver face à cette droite-là pour faire croire qu’elle existe. Si Chirouble est ses laquais n’étaient pas de ce monde, il faudrait les inventer pour dérouler le tapis rouge sous les pas du grand blond dont les cheveux sont devenus blancs et clairsemés.

La Gaule profonde a cette vertu que, parfois, ses sentences ne manquent pas de piquant. Ainsi ce sondage effectué à la fin du mois de février, d’où il apparaissait que près des trois-quarts des bons citoyens, ne voyaient pas de différences fondamentales entre le programme des uns et de ceux du trottoir d’en face. Il faut quand même relativiser : ceux qui hantent l’impasse Solférino répètent, avec beaucoup de conviction, qu’ils militent au nom du socialisme, tandis que les larbins de la rue de Lille expliquent avec beaucoup d’application que trop de liberté peut gravement nuire à la santé.
Nos socialistes-en-peau-de-lapin nous ont donné le spectacle d’une faction unie derrière le parti de l’ordre. En matière de sécurité bien ordonnée, rien de plus convaincant que cette prestation de nuque raide donnée par WW Dray, flic – vous savez, l’ancien éboueur de Essoesse.com d’habitude. Sous les ordres d’un bataillon de Lambertos tendance "se souvenir pour mieux oublier le passé”, les hérauts de ce socialisme à la face délavée veulent convaincre de la véracité de leur profession de foi du style plus-républicain-que-moi-tu meurs, sous les auspices d’un drapeau décoloré et d’une chansonnette guerrière que Chèvrement avait tenté en vain de réhabiliter en compagnie de Peine-à-jouir-ensemble, mais tout le monde a oublié les paroles.
Au final, grave dilemme. Faut-il voter ? Faut-il voter pour l’un afin d’empêcher l’autre de continuer à cuver sa bière dans les palais de la République ? Faut-il faire le tri entre le furoncle qui irrite et la gangrène qui tue ? Faut-il voter pour le sourire qui vous entortille pour faire grimacer plus encore le constipé qui s’agite sur des tréteaux branlants ? Une chose est sûre : avec certains revanchards, le billet de retour n’est pas forcément assuré.


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