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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°12-Septembre 2002 > Résistances à l’écran

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Résistances à l’écran


Comme tous les mois, voici une sélection partielle (et partiale) de quelques films, plus ou moins récents, jugés intéressants au vu des thèmes sur lesquels lutte le réseau No Pasaran...


Venus Boyz Film documentaire suisse de Gabriel-le Baur - 102min. - 2002

Club Casanova, New York. Des femmes s’y travestissent en hommes pour quelques heures ou plus. Le phénomène drag-queens a défrayé la chronique il y a déjà quelques temps, pourtant, l’existence de drag-kings n’a jamais été évoquée. Venus Boyz a pour premier mérite de dévoiler cette pratique méconnue.

Mais là où Gabriel-le Baur a déçu les critiques, c’est qu’au lieu d’un film sensationnaliste et voyeur qui stigmatiserait des individu-es, elle a réalisée un film politique sur la question sociale de la transgression du genre.

Venus Boyz est un récit qui dévoile peu à peu ce qui se joue dans la perception sexuée (sexiste ?) que l’on a des autres. Des femmes deviennent hommes pour un soir, elles se mettent en scène une fois maquillée et apprêtées. Et alors un nouveau monde s’offre à elles. Le témoignage des transgenres est inestimable, car il met à nu la catégorisation des personnes en fonction du sexe, qui se joue de façon inconsciente, et ce à deux niveaux : dans les comportements, et dans les droits.

Tout d’abord, le jeu auquel se livrent ces femmes montre bien les attitudes sexuées qui définissent la masculinité et la féminité. Car le déguisement n’est pas tout, il faut aussi savoir acquérir des comportements crédibles : "à chacun de vos pas, vous devez avoir l’impression de vous approprier le sol que vous foulez", explique Mo Fischer à des apprenties-homme, "dans votre regard, ce sont les autres qui doivent venir à vous et pas l’inverse". Ces conseils exagérés mettent bien en valeur (car ils sont efficaces), la construction des comportements sexués. Ce qui fait un homme ou une femme n’est pas une différence biologique (que l’on veut toujours croire première), mais bien des attitudes inculquées incessamment tout au long de la vie.

Ensuite, et le film devient alors passionnant, le lien direct entre l’apparence/attitude, et l’espace de liberté est clairement dévoilé. Devenir un homme permet d’acquérir de nouveaux droits : la rue devient un espace où l’on a sa place, on obtient l’attention plus facilement dans une conversation, les regards que l’on vous jette sont différents ; bref, la considération qu’on vous porte est bien supérieure, et de nature différente. En agissant comme un homme, donc en étant perçu par autrui comme tel, on acquiert plus de liberté : les comportements sexués, inculqués inconsciemment, sont donc à l’origine des inégalités sexistes. La construction des genres est au fondement des mécanismes de domination des hommes sur les femmes.

Enfin, au-delà des transgenres (changement de sexe social), la question des transexuel-les (changement de sexe biologique) est abordée, et pose à nouveau des interrogations fondamentales : n’y a-t-il (même biologiquement), que deux sexes ? La bicatégorisation des êtres humains, en fonction d’un critère qui semble aller de soi (la forme des parties génitales à la naissance), est-elle fondée, ou bien ne s’agit-il encore une fois que d’une construction ? Car il existe bien d’autres formes d’humanité, à la fois homme et femme, et ce même d’un point de vue biologique. Alors quel serait le fondement de cette bicatégorisation ? La domination ? Venus Boyz pose cette question fondamentale.

Contrôle d’identité (Titre original : Die Innere Sicherheit) Film allemand de Christian Petzold - 90 min. - 2002

Contrôle d’identité évoque dans un contexte contemporain (et volontairement flou) la répression antiterroriste de la RAF (Fraction Armée Rouge), dans l’Allemagne des années 80. Jeanne est une adolescente ordinaire, rêvant de jeans, de musique à la mode et d’histoires amoureuses, mais ses parents sont en cavale car hors-la-loi.

Au travers de l’histoire émouvante d’une jeune fille ballottée par des évènements qui la dépassent, Christian Petzold pose de douloureuses questions, comme celle du lien entre actes politiques et personnels, ou plus généralement la question de la mémoire. Comme cette scène où Jeanne assiste (dans l’un des rares cours de lycée qu’elle a l’occasion de fréquenter) à la projection de Nuit et Brouillard, d’Alain Resnais, qui interroge sur les horreurs des camps de concentration ; à jamais enterrées ? A moins que de nouveaux bourreaux ne s’éveillent déjà...

Si Contrôle d’identité brille surtout par l’intensité de ses personnages, il pointe aussi une question cruciale : qui sont les véritables criminels, les terroristes ou l’Etat ?

Pirouli (Paris)


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