Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2002N°12-Septembre 2002 > Les grandes manoeuvres

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


FN, MNR :

Les grandes manoeuvres


Une fois connu son mauvais résultat aux dernières élections législatives, au cours desquelles elle n’a obtenu aucun député et recueilli " seulement " 11% des voix, l’extrême droite institutionnelle est retombée dans les oubliettes médiatiques dans lesquelles elle se trouvait avant les élections présidentielles. Pourtant, c’est justement l’indifférence des médias et des partis politiques à son égard qui avait fait passer le résultat prévisible de Le Pen le 21 avril pour un " séisme " politique ; visiblement, personne ne songe en France à en tirer des leçons, et la gauche institutionnelle moins que les autres…


Dans le même temps, le nouveau gouvernement de droite promet de mettre en place une politique du " tout répressif " en matière de sécurité et de justice : augmentation significative du nombre de policiers (13 500 sur 5 ans), création de 11 000 places de prison supplémentaires, ouverture de centres de détention pour mineurs, sanctions pénales pour les enfants de 10 ans, réforme du droit d’asile… reprenant au passage quelques unes des idées défendues par le FN lors de sa campagne électorale. Pendant ce temps, l’extrême droite se recompose, et de façon relativement inquiétante.

Le MNR en faillite

Tout d’abord, il semble que les élections législatives de juin seront les dernières du Mouvement National-Républicain (MNR) bien que Mégret ait d’ores et déjà annoncé que le MNR serait présent aux élections régionales de 2004. Avec à peine plus de 1% des voix sur l’ensemble du territoire, l’échec est cuisant. Même dans les régions où son implantation locale est la plus forte, les résultats sont catastrophiques : Mégret lui-même, dans la circonscription de Marignane, a obtenu 18,58% (contre près de 36% en 1997) et a été éliminé dès le premier tour.

Cet échec politique a eu d’autres conséquences : avec un trou de 1 526 000 euros dans son budget, le MNR se trouve dans une situation financière critique, bien qu’il puisse compter sur une aide de l’État d’environ 458 000 euros par an, et qu’il ait lancé une souscription de 500 000 euros auprès de ses militants et sympathisants : mais ces derniers ont déjà été très souvent sollicités, et commencent à se demander s’il est bien utile de maintenir en vie un parti destiné à disparaître prochainement. De plus, l’unique vitrine du MNR vient de baisser le rideau de fer avec l’invalidation de l’élection de Catherine Mégret à la mairie de Vitrolles lors des municipales de 2001, en raison du climat de violence lors de la campagne et du faible écart de voix dans les résultats (la femme de Bruno Mégret avait été élue avec seulement 201 voix d’avance). Enfin, cerise sur le gâteau, le MNR paye ses mauvaises fréquentations en se retrouvant associé à ce qui restera probablement dans l’histoire comme l’attentat le plus ridicule commis sur un président de la république (cf. " Unité Radicale : année zéro ").

Ce qui apparaît au premier abord comme une bonne nouvelle pourrait bien avoir de fâcheuses conséquences. Tout d’abord, bien que Jean-Marie Le Pen ait promis qu’il n’y aurait pas de pardon pour les " félons ", il est probable que le FN, s’il laissera sur la route les principaux dirigeants du MNR, accueillera les bras ouverts un certain nombre de ses cadres intermédaires dont il a besoin pour renforcer son appareil mis à mal depuis 1998, et travailler efficacement au niveau local (cf. la présence de Daniel Simonpieri, ex-MNR cette année présent au défilé du 1er mai). De plus, le FN retrouverait sa place hégémonique à l’extrême droite, ce qui ne peut que le renforcer. Enfin, la disparition du MNR prouverait de façon définitive que c’est bien Le Pen qui avait raison, que seuls ses choix politiques et stratégiques sont les bons, avec en prime une expérience de putsch manqué qui fera sûrement réfléchir ceux qui voudraient contester son autorité : et cette absence de contestation au sein du Front, symbolisée par la servilité des deux seconds de Le Pen, Carl Lang et Bruno Gollnisch, renforce l’image d’homme providentiel de Le Pen, l’une des raisons de son succès électoral.

Si ce n’est toi, c’est donc ta fille

Bien que toujours écartée par le principal intéressé, la question de la succession de Jean-Marie Le Pen à la tête du FN reste toujours posée. Si on peut imaginer une direction bicéphale Lang/Gollnisch, la nécessité pour un parti d’extrême droite comme le FN d’avoir un leader charismatique pourrait bien mettre en avant une nouvelle tête, à défaut d’un nouveau nom : celle de Marine Le Pen, la benjamine des trois filles de Le Pen. Outre son patronyme (qu’elle a conservé en politique malgré son mariage avec un certain Chauffroy), elle cumule plusieurs qualités pour ce rôle : sa jeunesse (34 ans), son physique plutôt photogénique malgré sa ressemblance frappante avec son père, un certain sens de la répartie et une attirance immodérée pour les médias, son soutien sans faille au chef du FN (contrairement à la cadette, Marie-Caroline, qui a suivi son mari au MNR), et son envie de faire de la politique (contrairement à l’aînée, mariée à Samuel Maréchal, cadre FN ambitieux qui se verrait bien le troisième homme du parti)… Titulaire d’un DEA de droit pénal, elle a commencé sa carrière d’avocat en défendant des étrangers menacés d’expulsion (!), avant de se consacrer exculsivement au Front : membre du bureau politique, elle est responsable du service juridique depuis peu, et conseillère régionale du Nord. Très présente lors de la campagne présidentielle de son père, elle a multiplié à cette occasion les déclarations à la presse, aussi bien pour claironner le brillant avenir promis à son parti que pour dénoncer Jacques Chirac. Mais sa véritable percée date des dernières élections législatives, au cours desquelles elle a occupée le devant de la scène médiatique, à la fois par une campagne de terrain très active, et par ses apparitions régulières à la télévision : candidate dans la 13e circonscription du Nord, elle a finalement été battue (mais a tout de même obtenu plus de 24% des suffrages), mais sa publicité est désormais faite. Marine Le Pen a désormais un prénom, et certainement un avenir prometteur au Front, pour peu que son père n’en prenne pas ombrage…

Le FN semble donc bien en voie de refermer la parenthèse de la scission et de repartir sur sa lancée des années 1990. Et pourtant, pour la première fois depuis plus de 20 ans, le FN ne pourra pas tenir ses deux plus importants rendez-vous militants : son université d’été d’une part et sa fête annuelle des Bleu-Blanc-Rouge (BBR) d’autre part. Dans le premier cas, l’UDT était initialement prévue à Pau, puis à Annecy : dans ce dernier cas, le maire de la ville, il faut bien le dire sur un prétexte un peu spécieux, refusa d’accorder la salle qui est normalement réservé aux " congrès " et non aux réunions publiques, ce que l’UDT n’est pourtant pas… Pour les BBR, la pelouse de Reuilly n’est pas disponible en raison de l’année du cirque, et le Fn ne trouve aucun autre endroits pour planter ses tentes. Loin de nous l’intention de plaindre le Front : mais ce type de manœuvres, certes gênant pour le parti de Le Pen, ne sera pas suffisant pour en enrailler la progression.


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net