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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°6 - Février 2002 > Pour un mouvement antiglobalisation anticapitaliste

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Pour un mouvement antiglobalisation anticapitaliste


Les dizaines de milliers de manifestants en décembre à Bruxelles, le succès du meeting d’ATTAC au Zénith le 19 janvier à Paris (plus de 6000 personnes), l’engouement pour Porto Alegre, la préparation de Séville, sont autant de signes de la bonne santé du mouvement anti-globalisation. Pour autant, les contradictions au sein de ce dernier ne sont pas minces.


Lors de son grand raôut du 19 janvier, ATTAC a publié un Manifeste 2002, Avec ATTAC se réapproprier l’avenir, à l’usage de ses militants pour interpeller l’opinion et les politiques lors des prochaines échéances. Ce que l’on peut tout de suite noter dans ce petit opuscule, c’est l’absence de références aux mouvements sociaux - sans-papier, chômeurs-, qui ne font pas l’objet d’un consensus au sein de l’association. Aucun mot non plus sur l’idéologie sécuritaire qui gangrène l’ensemble des discours politiques, comme si les mesures répressives et liberticides prises encore ces dernières semaines avec la Loi de sécurité quotidienne, ne faisaient pas partie de la réflexion sur la lutte contre la mondialisation néo-libérale.

Pour ATTAC, le combat porte avant tout sur la sauvegarde des services publics – sans débattre de la question de l’accès à ces derniers –, sur le refus de la libéralisation de l’école – sans débat sur son contenu – etc., sur le refus de la mainmise par le marché sur le vivant – ce qui ne veut pas dire refuser en soi les OGM -, en prônant une nouvelle régulation de l’économie tant au niveau européen que mondial. En aucun cas les fondements mêmes du système économique capitaliste ne sont remis en cause.

Si le chômage et la précarisation sont dénoncées, c’est pour nous ressortir les vieilles recettes.

"Repenser l’organisation sociale autour du travail. La France, l’Europe, comme tous les pays de l’Ocde, sont rongées par le chômage, une précarité multiforme. Ces deux maux découlent de la financiarisation des économies. -(Cette vision est très discutable et occulte la fonction qu’occupe le chômage comme moyen par le capital d’augmenter son taux de profit par une mise en concurrence des prolétaires)-, (…). L’idée que le plein emploi serait une utopie passéiste ou dangereuse, car inflationniste, n’est que la feuille de vigne d’un discours conservateur, recouvrant les intérêts corporatistes de groupes opposés à toute perspective de modification de la répartition des revenus.

Or une véritable réduction du temps de travail, créatrice d’emplois, comme le bon fonctionnement des retraites par répartition, suppose une baisse de la part des revenus financiers. Tout retour au plein emploi implique donc un réajustement de la part des salaires dans le revenu national. C’est cette demande qu’opposent les salariés, comme les privés d’emploi, aux prétentions du Medef , en revendiquant un statut de salarié qui les garantirait contre la précarisation et l’émiettement. Ils affirment qu’une autre organisation sociale est nécessaire. "

Il faut remettre l’économie au service de l’individu et de la société dans le respect de l’environnement, autre axe important pour ATTAC. "La recherche d’une croissance économique n’a de sens que si celle-ci conduit à un mieux-être de tous les humains, et si elle préserve les chances de nos descendants. N’importe quelle croissance n’est pas souhaitable. Celle qui garantit des emplois de qualité et la préservation des écosystèmes doit être privilégiée ; celle qui précarise et dévaste doit être abandonnée."

Ce n’est pas au chapître “Penser et construire des alternatives économiques”, que l’on trouvera des idées révolutionnaires. "Ce secteur diversifié, souvent qualifié d’économie sociale et solidaire, parce qu’il défend des principes démocratiques et participatifs, peut favoriser des réappropriations citoyennes du local au global. Ces formes d’organisation de production de biens et de services, qui existent dans les pays du Sud comme dans les pays du Nord, coopératives, associations, mutuelles, démontrent qu’économie ne rime pas fatalement avec surexploitation, spéculation, délocalisation, licenciement. Leurs activités sont au service des territoires et de leurs populations et ne priorisent pas la logique financière." A voir le fonctionnement des coopératives agricoles ou des entreprises du tiers secteur dans l’hexagone on ne peut que rester dubitatif, pour ne pas dire plus, sur le mode alternatif que représenterait ce type de structure. En fait, c’est la juxtaposition de deux secteurs qui ressort de ces propositions, ce qui est rentable resterait au marché et à ses logiques, et le tiers secteur prendrait en charge ce qui ne rentre pas dans les axiomes libéraux.

Destination : porto alegre

Cette ville du Brésil, dirigé par le Parti des Travailleurs, a expérimenté d’autres types de gestion entre les habitants et ses représentants, plus proches du besoin et des réalités populaires va recevoir pour la deuxième année consécutive le Forum social mondial. Si l’année passée, on avait déjà vu se pointer quelques représentants de la gauche plurielle, notamment Chevénement, cette année, c’est la ruée : 3 candidats à l’élection présidentielle, 6 ministres, des dizaines de militants socialistes, communistes, verts, le MDC, un conseiller de Chirac, des émisssaires de droite… Certains s’en réjouissent à l’image de B. Cassen, président d’ATTAC (très proche de Chevénement) et C. Aguitton (membre de la LCR, et représentant du secteur international d’ATTAC), pour qui ses venues sont autant de raisons d’espérer sur la prise en compte des revendications anti-libérales par la classe politique. Sûr ! Sûr ! Au royaume des aveugles, les borgnes sont roi ! "Nous ne craignons absolument pas ce dialogue de proximité avec les responsables politiques, dans le respect réciproque de l’identité et des responsabilités de chacune des parties : il n’aliène en rien notre indépendance à leur égard, et il peut les inciter à mieux prendre en compte les aspirations des mouvements sociaux qui parviennent le plus souvent très amorties et feutrées dans les enceintes parlementaires et les palais nationaux."

Comme les promesses n’engagent que celles et ceux qui y croient et qu’à la lecture des mesures prises par les différents gouvernements français depuis vingt ans, de gauche comme de droite, ces dernières ont toutes été dans un sens d’une plus grande libéralisation, on comprend que les politiques aient droit à une grande attention de la part des dirigeants d’ATTAC. Ces derniers, il est vrai, tout en s’appuyant sur le mouvement citoyen, sur les luttes, préfèrent de loin le petit marigot politicien aux luttes de terrain.

On ne peut contester à ATTAC l’attrait qu’elle exerce sur de nombreux jeunes et moins jeunes. Lieu de recomposition politique permettant de sortir des schémas politiciens traditionnels, lieu de questionnements multiples, ATTAC n’en demeure pas moins une association très bien charpentée où l’on retrouve toutes les couleurs de la gauche plurielle dans les comités de base. Et le fonctionnement d’ATTAC relève plus d’une structure relevant de l’Union soviétique de la plus belle époque ou du RPR que de la démocratie directe, du mandement et de l’assemblée souveraine. Le renvoi systématique au terme “citoyen”, qui prend en charge ses problèmes laisse parfois à sourire quand on voit ceux qui les tiennent. L’affirmation d’être un mouvement d’éducation populaire reste très péremptoire. Certes, ATTAC à de nombreux comités scientifiques, qui occupent le haut de la pyramide et confisquent la parole, plus à la manière du mandarinat universitaire que d’un mouvement d’éducation populaire. Les comités locaux n’ont aucun pouvoir décisionnel ni sur les orientations de l’association, ni sur ses déclarations. A ce sujet la polémique surgit après les déclarations de B. Cassen ou d’autres membres d’ATTAC sur la question de la violence à Gênes a été totalement écarté par la direction.

Réduire ATTAC à ses dirigeants, et Porto Alegre à un carnaval grostesque de la classe politique pratiquant la course à l’échalotte après le mouvement anti-globalisation serait passer sous silence toutes les dynamiques et les envies multiples qui existent lorsque se déroulent les mobilisations anti-globalisation.

Comme nous l’avons affirmé en maintes occasions, la question n’est pas de courir derrière ce mouvement, ni de vouloir bénéficier de quelques strapontins, mais d’affirmer notre identité. Et dans ce cadre, Bruxelles a montré le chemin par la déclaration du SIL "Une autre Europe pour un monde libertaire" (voir No Pasaran n°4 et 5) et la rencontre programmée à Porto Alegre regroupant des membres du SIL d’Amérique latine entre autres (qui pourront s’y rendre) et d’autres groupes permettent de tisser les liens nécessaires à la mise en place de ce Réseau international pour qui, "Il n’y a pas de capitalisme à visage humain". Barcelone en mars, Séville en juin seront d’autres rendez-vous importants pendant la présidence de l’Union européenne par l’Espagne d’autant que les possibilités pour le courant libertaire de se faire entendre seront d’autant plus grande qu’il est très influent dans de multiples secteurs : syndical avec entre autres la CGT espagnole, espaces alternatifs (squats, athénée…), ou politique.

Laurent


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