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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°86 - Avril 2001
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Russie : l’éducation en crise


Le mois dernier étudiants et professeurs étaient dans les rues pour protester contre la réforme de l’éducation supérieure qui vise à rendre payantes les études. Une étude du Courrier des pays de l’Est de Carole Sigman d’août 2000 permet de faire le point sur le système éducatif russe.


Le système éducatif est en crise, mais la crise n’est pas récente. Il était jusque dans les années 1960, avec le parti communiste et l’armée une des rares institutions à assurer la mobilité sociale. Puis un système différencié et élitiste se met en place pour assurer aux différents groupes sociaux dominant la reproduction de leur groupe.

Ainsi se créaient des écoles secondaires (en langues, mathématiques...), on prépare ensuite l’entrée dans les écoles prestigieuses ou les universités avec des répétiteurs privés qui sont comme par hasard professeurs dans ces mêmes écoles. Les autres moyens : pistons et pots-de-vin finançaient de façon indirecte une éducation officiellement gratuite. L’école est devenue de moins en moins un lieu de mobilité sociale.

Le cursus est le suivant : jusqu’à cinq an le jardin d’enfant ni obligatoire, ni payant (mais aujourd’hui le cadeau tarifé permet d’obtenir une amélioration de l’ordinaire). Puis l’école pendant huit ans, école gratuite et obligatoire Ensuite première orientation : les élèves peuvent soit continuer leurs études, soit entrer dans une école professionnelle pour trois ans et devenir ouvrier qualifié, soit intégrer un institut de technologie ouvrant sur un diplôme de technicien. À la fin de l’école : entrée possible à l’Université (après un concours qui est très sélectif dans les grandes universités) ou terminer les études professionnelles.

Avec la crise des années 1990 l’État a diminué de manière drastique ses crédits (50% de baisse entre 1991 et 1998), les entreprises qui finançaient aussi certaines écoles se sont désengagées et ont transféré les charges aux collectivités locales. Les grosses entreprises avaient l’habitude pendant la période soviétique de financer les crèches, les écoles et même les hôpitaux et assuraient donc à leurs employés de nombreux services sociaux. Avec l’entrée dans le marché, la plupart de ces entreprises tentent de liquider ces services. Certains comme l’hôpital de l’entreprise automobile moscovite ZIL (ancienne usine Staline) ont ouvert leurs services à des clients privés et payants.

Le débat sur l’éducation met aux prises les libéraux et les étatistes.

Les libéraux sont proches de l’ancien premier ministre ultralibéral Egor Gaïdar et de l’oligarque Anatolï Tchoubaïs : ils veulent appliquer à l’éducation ce qu’ils ont appliqué au reste de l’économie. Ils veulent faire financer l’école par un système "voucher" qui suivrait l’élève.

Plus une école sélectionnera à l’entrée, plus elle aura d’élèves, plus elle aura de financement. En fonction de ses résultats, l’élève verra ses études supérieurs financées un peu, beaucoup ou pas du tout. Les établissements pourraient ouvrir des cours payants, obtenir des soutiens des entreprises pour former leur main-d’oeuvre. Ces réformes renforceraient les inégalités entre établissements, la concentration des établissements sans pour autant améliorer la situation des enseignants.

Les étatistes se recrutent du coté de la Douma et de l’Académie de l’éducation de Russie. Ils veulent un réengagement de l’État, freiner l’extension du secteur payant et améliorer la situation des enseignants (qui sont souvent payés quelques centaines de roubles, quatre fois moins en francs).

Retour du sabre et du goupillon

Vladimir Poutine à son habitude, n’a pas tranché, il s’est concentré sur un aspect de l’école : être le vecteur de la nouvelle idéologie d’État. Il veut inculquer l’idéologie patriotique et militariste d’où la réintroduction de la préparation militaire dans les classes de terminale. Cette préparation supprimée dans les années 1990 comprenaient des cours de manipulations des armes pour les garçons, les rudiments de secours aux blessés pour les filles. Il prévoit aussi de supprimer la possibilité d’échapper au service militaire en continuant des études longues.

Le ministère de l’Éducation envisage aussi de faire de la morale chrétienne le fondement de la nouvelle idéologie. Un accord signé en avril 2000 entre l’Église orthodoxe et le ministère prévoit l’introduction d’un enseignement religieux, la création d’une filière de "théologie" à l’Université... les valeurs chrétiennes constituent le seul rempart contre "les sectes, la drogue, la liberté sexuelle et le culte de l’argent" selon les termes de la lettre du Patriarche de toutes les Russies au ministre de l’Éducation.

Jean Raymond, Moscou le 25 mars 2001


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