Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2001N°86 - Avril 2001
(ancienne formule)
> Les socialistes, en 2002, faudra-t-il les défendre ?

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


Les socialistes, en 2002, faudra-t-il les défendre ?

par Maurice Rajsfus



Une nouvelle forme de violence tend à se développer dans ce pays depuis quelques mois. Ce sont nos sociaux-démocrates, tellement soucieux de " tolérance zéro ", qui en sont les victimes. Bombardé avec des oeufs au Salon de l’agriculture, Lionel Jospin s’est vu pratiquement interdit de parole dans certaines villes comme Dôle ou Saint-Etienne, lors de la campagne pour les élections municipales. A chaque fois, ce sont les gros bataillons de la FNSEA qui se sont ainsi montrés sous la défroque d’émeutiers dès lors qu’ils craignaient de perdre la manne des subventions. Au Palais des expositions de la Porte de Versailles, la police de proximité, enfant chérie du régime, n’était guère présente pour protéger le premier ministre de la France. Tout comme les forces de l’ordre s’étaient désintéressées des vandales qui, en 1998, avaient pillé les bureaux de Dominique Voynet, au ministère de l’environnement.

Il faut croire que nos socialistes préfèrent fermer les yeux sur les exactions de ces groupes de pression qui se proclament volontiers apolitiques. Lorsque les gros producteurs de blé, les éleveurs qui estiment que tout leur est dû, alors que les uns et les autres se désintéressent du chômage et de la précarité des autres citoyens, il faudrait considérer comme un drame national le manque à gagner de ces nouveaux seigneurs. C’est ainsi que la police, pleine de compassion, ne réagit guère face aux commandos de la FNSEA ou des gros cons de chasseurs.

Il faut en être persuadé : la droite "républicaine", actuellement en très mauvaise santé, ne manquera pas d’avoir recours aux méthodes violentes de l’extrême droite pour ne pas perdre ce qui lui reste de pouvoir, en 2002. Ce qui permet d’envisager une campagne présidentielle des plus agitées. D’autant plus que bien des recyclages se préparent, avec les transferts de voyous vers des structures plus convenables. N’oublions pas qu’en 1974, les Madelin, Longuet, Devedjian, Abitbol, Robert, etc. s’étaient ralliés qui à Giscard, qui à Chirac, faisant une croix (celtique) sur leur passé à Occident, pour bâtir un ordre nouveau moins voyant, laissant Le Pen sur le bord de la route.

Il ne serait pas étonnant, dans quelques mois, de voir des alliances douteuses se nouer, tout comme lors des élections aux présidences de conseils régionaux, en mars 1998, quand Charles Million, Jean-Pierre Soisson et d’autres éminences de la droite "républicaine" trouvaient naturel de se faire élire grâce aux voix de l’extrême droite. Des rabibochages se préparent, des passerelles se mettent en place, pour permettre à Chirac de conserver le château. Nous avons noté la capacité de son locataire à surfer sur la crise de la vache folle ou de la possible tremblante du mouton pour se faire plébisciter par les nantis de l’agriculture et les gros éleveurs. Pourtant, c’est d’un commun accord que la gauche et la droite flattent ces véritables factieux ou les chasseurs, alors que les jeunes de moins de vingt-cinq ans n’ont pas droit au RMI !

Si l’on gratte un peu, on s’aperçoit que les points de convergence de la droite dure et de la gauche convenable sont plus nombreux - même s’ils ne sont pas toujours visibles - que les points de divergence. Même rejet des étrangers non-européens, même mépris pour les précaires et les exclus, même religion de l’ordre musclé. A la volonté de la droite de mettre à bas ce qu’il subsiste des lois sociales répond le manque de volonté de la gauche de les faire respecter.

Certes, la gauche n’est pas la droite, mais cette affirmation, qui aurait été considérée comme une lapalissade, en d’autres temps, mérite qu’on s’y arrête. Mises à part les étiquettes, les jeunes des banlieues et les exclus ne voient guère de différences entre la gauche au pouvoir et la droite qui voudrait y revenir - il en va de même pour les sans papiers. Comment se résoudre, pourtant, à mettre sur le même plan, les uns et les autres ? Ils le savent bien nos socialistes qui, à chaque échéance, nous font ce chantage moral de devoir voter utile parce que l’autre trottoir est bien plus dangereux.

Rappelons-nous, au cours des premiers mois de 1986, après que la gauche a trahi ses engagements de 1981, et craint de perdre les élections (elle va les perdre) cette campagne d’affichage sur le thème : " Au secours, la droite revient ! " Ce scénario n’est pas exclu pour 2002 mais, au lieu de " gauchir " le discours, nous verrons sans doute nos bons apôtres de la gauche plurielle mettre de l’eau dans leur rosé - jusqu’à le rendre encore plus pâle. Tout en appelant à la rescousse tous ceux qui, à juste titre, ont tout à craindre d’un mauvais retour de bâton. Soyons-en sûrs, les appels à l’union seront nombreux, et nous savons que les amis de Jospin, toujours prêts à piétiner ce qui leur reste d’idéaux, n’éprouverons aucune honte à appeler au secours - y compris au secours physique - des forces de l’extrême gauche qui n’ont jamais varié dans leur comportement anti-autoritaire.

Encore une fois, le passé proche nous renvoie aux gesticulations qui sont devenues une habitude de la tribu de la rue de Solférino. Le 8 mai 1981, alors que la victoire de François Mitterrand devenait certaine, une immense tribune avait été dressée place de la Bastille. Jouant les maîtres de cérémonie, Michel Rocard s’était écrié, dans un grand élan : " Merci à tous ceux qui ont permis cette victoire. Merci aux socialistes, aux communistes, radicaux, démocrates… " Et il ajoutait, pourquoi mégoter : " Merci à nos camarades trotskistes et anarchistes ! " Il y avait certes de la joie à assister au licenciement de la droite, au pouvoir sans partage depuis vingt-cinq ans. Il y eu quelques résultats immédiats : l’abolition de la peine de mort, la retraite à soixante ans, la régularisation sans trop barguigner de nombreux sans papiers, l’augmentation significative du SMIC, etc.

Que peut nous offrir la gauche plurielle, en 2002 ? Rien de plus que la droite, semble-t-il ! Sous couvert d’un faux humanisme, notre gauche plurielle est redoutable. En effet, ses ministres se sont acharnés - comme la droite - à détruire la législation sociale, à précariser le travail, perpétuer le drame des sans logis, accentuer la chasse aux sans papiers, tout en renforçant une police prête à supprimer les derniers oripeaux de la démocratie sociale. Nous avons eu la confirmation depuis quatre ans que la répression n’a pas de couleur politique.

Depuis que la gauche est revenue, les exemples ne manquent pas de ces manifestations contre l’extrême droite, avec l’intervention violente des CRS pour protéger Le Pen ou Mégret. A chaque fois, des militants antifascistes terminaient leur soirée à l’hôpital, en s’estimant heureux de n’être pas poursuivis pour trouble à l’ordre public…

En, serait-il de même, en 2002, si nous devions protéger les porte parole de cette gauche plurielle contre les excités de la FNSEA, agissant pour le compte du RPR ou les nervis de Chasse-pêche-nature et tradition prenant le relais d’une extrême droite actuellement souffreteuse ?

Maurice Rajsfus


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net