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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°85 - Mars 2001
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Autriche

Quoi de neuf dr Haider ?!


L’Autriche a encore durci ses positions vis-à-vis des étrangers. Mais aucune voix ne s’est élevée en Europe pour la dénoncer. Est-ce à dire qu’effectivement l’Europe forteresse et xénophobe se construit quelles que soient les couleurs politiques de chaque protagoniste ?


Le Figaro a publié il y a quelques jours une interview de Jörg Haider où ce dernier s’exprime longuement sur le rôle de la France dans les sanctions européennes à l’égard de l’Autriche, sur le bilan de la présidence française de l’Union européenne, mais passe assez rapidement sur ses déclarations et apparitions douteuses et sur les affaires de corruption et autres scandales politiques dans lesquels trempe le FPÖ.

Aux réponses volontairement provocatrices du journaliste ("Qui a gagné la bataille des sanctions, l’Autriche ou la France ?"), Haider répond tout d’un bloc et pose l’Autriche en champion des petits pays de l’UE opprimés par les grands qui veulent dominer l’Europe, et provocation oblige, il attaque le gouvernement français, enfin surtout Chirac, sur tous les fronts : dans sa politique européenne, dans sa politique intérieure, même dans sa façon de préparer sa campagne électorale. Quel coup ça a dû être pour Haider, lui qui voulait parier sur un rapprochement avec Chirac et envoyait paître Le Pen ! Voilà qui explique un peu mieux les jugements définitifs de Haider sur Chirac ("très affaibli ", "ne sera pas réélu président") : l’actualité autrichienne, celle qui est absente des journaux français, montre bien que Haider ne supporte pas les attaques personnelles, d’où qu’elles viennent, même parfois de son propre parti (voir les vraies nouvelles d’Autriche).

Un peu plus loin dans cette interview, Haider n’hésite absolument pas à mentir de façon éhontée au sujet des déclarations qu’il a faites devant une assemblée d’anciens SS, assurant au journaliste qu’il ne s’agissait d’une part que de "commentaires sur l’Histoire qui avaient été approuvés par le public [une assemblée d’anciens SS ??]" et qu’il n’avait fait que rendre "hommage [aux] anciens qui avaient reconstruit l’Autriche après la guerre et jeté les bases de la nouvelle démocratie autrichienne." À une autre occasion, plus récente puisqu’il s’agissait d’une rencontre interne au parti à l’occasion de la nouvelle année, Haider a fait la déclaration suivante au sujet d’un néo-nazi autrichien : "En Autriche, on met le jeune Schimanek en prison pendant huit ans parce qu’il a monté un petit club de sports de combat. En Allemagne, un sympathisant de la Fraction Armée rouge a pu accéder au poste de ministre des Affaires étrangères." Le "jeune" Schimanek en question, fils d’un cadre du FPÖ, s’assume tout à fait en tant que néo-nazi puisqu’il a été longtemps un cadre dirigeant de la VAPO (1), aujourd’hui interdite pour apologie du nazisme. Il a été condamné à une peine de huit ans de prison dans le cadre de l’affaire des lettres piégées qui avait secoué l’Autriche en 1992 (2).

L’actualité autrichienne n’arrive donc presque jamais en France ; pour preuve, les journalistes français se sont bornés l’année dernière à commenter ce que Le Figaro a appelé la "bataille des sanctions", si bien que certains en venaient à se demander pourquoi condamner la coalition bleue-noire au pouvoir en Autriche.

Quelles sont donc les vraies nouvelles d’Autriche depuis la levée des sanctions européennes ?

Voici en vrac quelques informations sur les derniers agissements de la coalition bleue-noire, informations que vous pourrez retrouver plus détaillées sur le site de la Rosa Antifa de Vienne (http://www.raw.at) qui livre tous les mois une lettre d’informations sur son site internet, à lire en allemand ou bien en français.

o Le FPÖ a instauré un nouveau genre de distinction honorifique pour les mères de famille nombreuse, qui rappelle la Mutterkreuz (3) instaurée par Hitler pendant le Troisième Reich. Ainsi, en décembre 2000, Haider a rendu hommage à "l’Ève 2000", qui, mère de huit enfants, a reçu en récompense une bague en or et une voiture. Cette démarche confirme à qui en doutait encore ce que Haider et le FPÖ pensent du rôle que doivent jouer les femmes dans la société : "Leur tâche première […] est d’élever leurs enfants."

o Cela dit, le FPÖ (et Haider) ne sont pas les seuls à vouloir s’attaquer aux femmes ; Wolfgang Schüssel, le chancelier autrichien qui appartient à l’ÖVP (4), le Parti conservateur, a dit sans ambiguité ce qu’il pensait des droits de la femme dans sa réponse à une lettre que lui avait adressée un opposant au droit à l’avortement en mai 2000 : " Nous (ÖVP) éprouvons un respect absolu pour la vie et refusons par principe l’avortement. La base d’une politique cohérente est la protection de la vie, et l’ÖVP envisage par conséquent de modifier la réglementation actuelle (en ce qui concerne le délai de trois mois au-dela duquel l’avortement est interdit). " Effectivement, Haupt, le ministre FPÖ des Droits de la Femme, a mis ce point à l’ordre du jour.

o Les élections municipales de Vienne approchent, la campagne électorale a déjà commencé, et le FPÖ s’est enfin décidé à changer son candidat. Le précédent, Hilmar Kabas, n’était décidément plus possible. Après ses déclarations fracassantes pendant la campagne pour les élections législatives, où Kabas s’était illustré par sa xénophobie sans fard, après être revenu sur les insultes qu’il avait proférées à l’égard d’un responsable du SPÖ (5), après s’être fait prendre en train de sortir d’un bordel, après s’être pour finir fait entarté à plusieurs reprises (à la tarte au chocolat en plus !), il fallait tout de même que le FPÖ trouve quelqu’un de plus présentable ! Il s’agit de Helen Partik-Pable, qui s’est déjà illustrée au moment de la mort de Marcus Omofuma en 1999. Au cours d’un débat parlementaire, elle a dit les choses suivantes : " Demandez donc un peu aux policiers comment sont les Africains ! Non seulement leur apparence est différente, mais leur façon d’agir l’est aussi, ils sont en plus particulièrement agressifs. C’est visiblement la nature de ces gens-là. " Peu de changement en fin de compte, quand on sait qu’une des premières actions qu’elle a entreprises après avoir été nommée nouvelle candidate du FPÖ pour Vienne a été une question posée au Parlement en vue d’interdire les manifestations anti-gouvernementales !

(1) Volksausserparlamentarische Opposition, opposition populaire extraparlementaire.

(2) Cf. dans le rapport du CRIDA de 1995 l’excellent article de Wolfgang Purtscheller, pp. 19-40.

(3) Croix des Mères.

(4) Österreichische Volkspartei, Parti populaire autrichien.

(5) Sozialdemokratische Partei Österreichs, parti social-démocrate autrichien.

(6) Il s’agit d’un demandeur d’asile qui a été expulsé le 1er mai 1999 et qui est décédé des suites de cette expulsion musclée (bien que les autorités autrichiennes prétendent que la mort de Marcus Omofuma est due à une défaillance du coeur).

Au sujet de la demande d’interdiction du NPD (Nationaldemokratische Partei Deutschlands )

Le 30 janvier dernier, à une date qui coïncide donc avec 1’anniversaire de la prise de pouvoir d’Hitler en 1933, le gouvernement fédéral allemand, par l’intermédiaire de la personne du ministre de l’Intérieur, Otto Schily, a déposé au tribunal constitutionnel de Karlsruhe une demande d’interdiction du NPD. Ce document compte plus d’une centaine de pages et est accompagné d’une documentation très volumineuse.

Selon Otto Schily, il s’agit d’une documentation accessible à tout un chacun, c’est-à-dire en aucun cas d’une documentation obtenue par l’intermédiaire de fonctionnaires de l’Office de Protection de la Constitution infiltrés dans les rangs du NPD. Cependant, en cas de nécessité, Schily a précisé qu’il serait prêt à faire témoigner ces personnes-là, dans la perspective d’une présentation plus concrète des activités violentes du NPD. Il faut noter que Schily vise dans cette interdiction non seulement le NPD mais aussi toutes les organisations qui lui sont proches, comme les Junge Nationaldemokraten .

La procédure telle que la prévoit le tribunal de Karlsruhe sera longue et compliqué : maintenant que la demande a été présentée, I’ensemble du dossier va être remis au bureau du NPD, qui aura ainsi la possibilité de s’exprimer publiquement sur les documents qui l’incriminent. Dans un deuxième temps, la demande sera examinée par la deuxième chambre du tribunal constitutionnel qui décidera soit de la rejeter, soit de commencer les audiences, soit de mettre en route une enquête préliminaire. Quoi qu’il en soit, tout cela risque de durer fort longtemps, tant et si bien qu’on ne peut espérer un quelconque résultat avant 2002.

Il faut noter que l’avocat nommé par le NPD pour assurer la défense du parti n’est autre que Horst Mahler, qui a été avocat et membre de la Fraction armée rouge, mais a vite décidé de rejoindre les rangs de l’extrême droite néo-nazie la plus dure. Ces dernières semaines, Mahler a donné à plusieurs reprises son opinion sur la procédure mise en route par le gouvernement fédéral : selon lui, " être allemand, c’est lié au sang et au sol " (Blut und Boden) et il a parlé de la " domination des Juifs ", des " Musulmans qui gagnent du terrain dans les cercles allemands ". Cependant, Mahler fait l’objet d’une demande de radiation du barreau, il y a donc fort à parier que Horst Mahler ne défendra pas bien longtemps le NPD dans cette procédure, si cette demande aboutit.

Ce qui est reproché au NPD en tout premier lieu, c’est sa façon de se revendiquer du national-socialisme et du NSDAP : en effet, lorsque le NPD a été fondé le 28 novembre 1964 à Hanovre, c’était dans le but "d’unifier les forces nationales divisées" et " d’être le fer de lance du renouveau national ". Dans cet ordre d’idées, le NPD n’hésite pas à clamer son antisémitisme et son racisme.

Le deuxième reproche qui est fait au NPD, c’est de refuser la Constitution allemande et de se présenter comme un parti anti-système qui vise à se débarrasser du système. Cette revendication du NPD va de pair avec ses nombreux appels à la violence politique et raciale, qui vont parfois jusqu’aux appels au meurtre chez les JN.

Le troisième reproche qui est fait au NPD, c’est de ne pas hésiter à recourir à la violence et de chercher à recruter ses militants dans le milieu des skinheads néo-nazis : c’est avec ces derniers que le NPD a lancé dans plusieurs villes des campagnes de menaces et d’agressions contre les opposants politiques et contre les étrangers visant à créer des " zones libres ".

Pour l’heure, la demande d’interdiction déposée par le gouvernement allemand se limite au NPD, il n’est pas question de l’étendre à la DVU (Deutsche Volksunion ) ni aux Republikaner, ces deux partis d’extrême droite faisant toujours l’objet d’une surveillance étroite de l’Office de Protection de la Constitution.


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