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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°85 - Mars 2001
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Rainbow sugar


Fin janvier, à Nantes, trois féministes déjantées nous sont arrivées de Denver. Délurées et provocantes, ni montrer leurs seins, ni cracher par terre ne leur pose problème. Malgré une petit défaut culturel (conception très américaine du travail), voilà des filles sympatiques et sympathisantes, comme on aimerait en voir plus souvent au pays de la liberté statufiée. Interview de Amy Fantastic, bassiste du groupe Rainbow Sugar.


Présente-nous ton groupe...

Salut, je suis Amy Fantastic. Cindy Wonderful et Germainbow Sugar ne sont pas ici avec moi mais nous jouons ce soir ensemble : on s’appelle Rainbow Sugar.

Jolis noms de famille !

...n’est-ce pas ? Et on adore Nantes et...(elle voit un tee-shirt sur la table de presse) Tiens, " antifascisme "...

Oui, nous sommes des ami-e-s de l’Etincelle, espace alternatif à Angers.(Elles y étaient la veille)

Ah, cool, vous faites un speech ce soir ?

Non, mais on parle aux gens ici...

En tous cas vous faites de super t-shirts. J’espère qu’on va faire assez de fric ce soir pour en acheter !

Merci, moi aussi. Mais parlons de l’élection de Bush…

Non seulement la manière dont il a été élu est dégueulasse, mais lui… (grimace de dégoût). On est super chanceuses d’avoir dû quitter les USA aussitôt que tout ça est arrivé. On est parties pour deux mois au début de l’année, donc on est bien contentes de n’avoir aucune expérience de ça. On rentre mi-février, en attendant on va voir comment les choses évoluent. Mais j’imagine que plein de choses vont devenir complètement différentes aux Etats-Unis, pour te dire la vérité.

Tu penses qu’un jour les USA seront…libres ?

Ouhlà ! Ou au moins : " auront un(e) président(e) qui représente la majorité des gens ? ". Peut-être, je ne sais pas… Probablement pas, pas prochainement, pas tant que les femmes n’auront pas de pouvoir.

Est-ce que vous vous sentez militantes ?

Je ne dirais pas que nous sommes militantes... Je nous appellerais assurément féministes, humanistes... Mais en matière de politique à proprement parler, je ne crois pas que nous soyons profondément engagées.

Et vos textes ?

Nos textes sont féministes, très féministes, et sont une façon d’unir les gens, de les faire se lever, comment dire... Inspirer les gens à se sentir mieux. Personne par personne, inspirer chaque personne à se rendre heureuse, à ne pas faire attention à ce que pensent les autres, et marcher vers...tu vois... On veut juste rendre les gens heureux, chaque individu(e), les hommes et les femmes. Mais aux Etats-Unis, il y a encore plein de travail à faire, par exemple au niveau de l’information des femmes, ne serait-ce que faire savoir aux femmes qu’elles peuvent faire ce qu’elles veulent, qu’ellesn’ont pas besoin d’écouter tout ce qu’on leur dit.

Tu penses qu’il y a plus à faire aux Etats-Unis ou en France ?

Oh... Je crois qu’il y a beaucoup de boulot dans les deux pays. Mais il y a une chose que j’ai vue en France ; j’ai l’impression qu’il y a une communauté gay très forte. Personnellement je ne suis pas gay, mais notre chanteuse Cindy Wonderful est gay, et aux USA c’est très facile, tu vois, la moitié du pays est gay, mais en France, il semble que les lesbiennes sont encore considérées comme une sorte de "sorcières des toilettes pour dames". L’autre jour Germain (la batteuse) et moi marchions dans la rue, main dans la main , nous ne sommes pas gays mais juste des amies proches, et une femme nous a regardées et nous a dit " Vous feriez mieux d’être cousines ! "

A ce propos, est-ce que tu penses que les gens perçoivent différemment les hommes gays et les lesbiennes ?

Oui, absolument. En France, les hommes gays ont l’air d’être relativement acceptés. J’ai vu des couples d’hommes gays se tenir la main dans la rue, alors que je n’ai pas vu un seul couple de lesbiennes depuis que je suis ici ! Alors, pfff...(ça sent le désespoir). Je ne sais pas, je ne sais pas pourquoi ça se passe comme ça, vraiment pas, je ne comprends pas cette mentalité du tout. Gay is gay ! Je ne sais pas ce qui ne va pas avec l’amour... Peut-être que les hommes, dans ce pays, sont plus extravertis, ont plus cette volonté de se mettre en avant...ou...je ne sais pas comment ça marche ici, je ne sais pas pourquoi les lesbiennes sont tellement effrayées de rendre ça public...

Je ne sais pas non plus... !

Mais il faut qu’on change ça, car Cindy recherche une petite amie française, alors peut-être que quelqu’un pourrait l’aider, elle est célibataire, et elle a besoin de quelqu’un qui vienne à la maison et qui prenne soin d’elle !

OK, message lançé. Mais parlons musique : est-ce que vous connaissez des groupes français ?

Tu sais, en France, on est arrivées à l’affiche par la scène free techno, alors on a eu beaucoup d’expérience et de rencontres dans ce milieu. C’est incroyable, en France, il n’y a rien de tout ça aux Etats-Unis ; chez nous la techno est totalement en corpo, c’est ridicule, les raves sont parfois à 50 ou 100 dollars l’entrée et ici il y a une énorme révolution de la free techno, ce qui tue la corpo-techno. C’est la chose la plus incroyable que j’ai vue. Pour les groupes de rock, non, nous n’avons eu aucune expérience avec eux depuis qu’on est là, ça n’a été que de la techno. Et aux USA c’est l’exacte opposée, on n’avait jamais joué avec des groupes techno avant de venir ici.

Comment définissez-vous votre musique ?

Ouh là... On a du punk rock, du riot, un peu de rap, Cindy rappe...et... on a des séquelles d’avoir été classées hip-hop. Personnellement, je n’ai jamais entendu de hip-hop dans notre musique, mais tous les ans, à Denver, il y a une cérémonie de récompenses pour les groupes de la ville, et ces deux dernières années, nous avons gagné le titre de meilleur groupe hip-hop, alors les vrais groupes de hip-hop étaient furieux ! ça a été dur ! C’est difficile de nous catégoriser, mais on a aussi de la chance d’être capable de jouer de tout : punk rock, metal, hip-hop, et maintenant la scène techno en France ! Et les gens nous ont vraiment acceptées sur toutes les scènes, donc il y a du bon et du mauvais. Il y a des avantages à être universelles.

Depuis quand jouez-vous ?

ça fait maintenant presque exactement deux ans qu’on a commencé, et on est constamment en tournée depuis l’année dernière. Au début, on avait une guitariste, Michelle, mais elle était plutôt une working-girl, elle avait un job qui lui rapportait beaucoup d’argent, et tourner n’était pas fait pour elle.

Et vous travaillez, en plus de la musique ?

Oui, je bosse dans une boutique de fringues, Germain dans un fast-food japonais, et Cindy fait diverses choses pour vivre.

Est-ce que vous arrêterez bientôt, pour ne vivre que de la musique ?

Moi, je resterai toujours dans cette boutique, même si j’étais une rock star millionnaire, juste parce que j’ai aidé à sa création, alors je m’y sens personnellement investie... Mais quand on va rentrer, il y a un label qui veut qu’on enregistre avec eux, et c’est un bon label, un label riche, alors...on va voir !

Et tu considères la musique comme du boulot ?

Non, du fun ! C’est mon plaisir ultime, et je crois que les filles seront d’accord avec moi pour dire que c’est essentiellement ce pour quoi on vit et on travaille, on n’a que ça, on n’a rien d’autre… Et c’est assez difficile à faire, les shows, les tournées à travers le pays, maintenant à travers le monde, c’est plus dur que du travail ! Mais on adore ça, c’est notre seul moyen d’être heureuses.


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