Si tu... bouges

Situation : manière dont quelque chose, un lieu est placé par rapport à d’autres choses, d’autres lieux ; position, emplacement, localisation.

Le situationnisme revient au goût du jour (parution de l’Insurrection Situationniste de L. Chollet, un nouveau Vaneigem...) et c’est pas un hasard. Devant l’impasse que représente le militantisme traditionnel, le situation se propose de dépasser les sectarisations inhérentes à la société de consommation pour faire de la vie un acte militant, volontaire et conscient ou quand c’est "le simple fait de vivre qui est devenu un programme révolutionnaire". De 57 à 72, l’historique de l’Internationale Situationniste est (déjà) trop long pour être retracé ici, surtout que le mouvement Situ ne s’est pas éteint à la mort de l’I.S., au contraire...

Plutôt teinté de Marxisme à la base "Le mouvement Situ ne peut en aucune façon être qualifié d’anarchiste (...) les positions qu’il développe sont nettement marxistes" AFGES nov.66), il adopte dans les années 70 une vision et une optique libertaire ; les revues I.S., Noir et Rouge et la collection "Changer la vie" (...) ont définitivement pulvérisé le cloisonnement, hérité de la première Internationale entre anarchisme et marxisme. A ce sujet, rappelons leur condamnation du travail et leur aversion pour le salariat, à une époque où certains anarchistes s’accrochaient encore sur la lutte des classes.

Critique de la vie quotidienne

Les Situs veulent "adapter le monde à l’humain" par l’emploi de certains moyens d’action et la découverte de nouveaux, plus facilement reconnaissables dans le domaine de la culture et des moeurs, mais appliqués dans la perspective d’une interaction de tous les changements révolutionnaires.

Changer le monde parce que "Loin d’avoir disparue, les prolétaires semblent au contraire de plus en plus nombreux, à l’heure où se prolétarisent même les conditions de travail d’une partie des classes moyennes" (G. Debord) "Leurs conditions de vie sont prolétarisées en terme de privation de tout pouvoir sur leur vie, mais il leur manque la conscience de classe du prolétariat, de ce point de vue la classe prolétaire a été absorbée par la classe moyenne" (R./ Vaneigem).

Leur objectif étant d’établir la première société de maîtres sans esclaves contre ce que Vaneigem nomme les mécanismes d’usure et de destruction (humiliation-isolement-souffrance-travail) qui ne sont que les résultats d’une société spectaculaire marchande, les Situs préconisent l’opposition par la triade unitaire "Réalisation-Communication-Participation".

"Ce que l’on appelle la culture reflète, mais aussi préfigure dans une société donnée, les possibilités d’organisation de la vie" (G. Debord).

Rôle de la culture (dans une perspective révolutionnaire)

"Les gens sans imagination se lassent de l’importance conférée au confort, à la culture, aux loisirs, à ce qui détruit l’imagination. Cela ne signifie pas qu’on ne se lasse pas du confort, de la culture, ou des loisirs mais de l’usage qui en est fait et qui interdit précisément d’en jouir" (R. Vaneigem).

Alors devant le spectacle du pourrissement de "l’a-culture", les Situs préconisent le dépassement de l’art, c’est-à-dire la réappropriation de sa vie (de ses choix, de ses actions) par la réalisation, fondée sur la passion de créer, la communication, fondée par la passion d’aimer, et par la participation, fondée sur la passion de jouer. Ce qui, par la force des choses participe à l’éradication de tout ce qui sectarise, divise, sépare. Ce qui d’un même coup évince les avant-gardes éclairées, les maîtres à penser et les révolutionnaires "clefs en main" car "le révolutionnaire ne doit pas être un dirigeant de l’action mais un porte parole".

J.-P. Duteuil (2) himself (que je salut) déclarait : "Contrairement aux marxistes léninistes, nous pensons que le groupe révolutionnaire ne doit pas se substituer aux gens, sans quoi il est déjà un embryon d’état totalitaire. La révolution suppose qu’une majorité de gens la veuille... Mais par contre un groupe peut ouvrir des brèches, créer des situations dans lesquelles les gens s’engouffrent". Et de préférence de façon ludique ! à l’image des tartes à la crème d’un Noël Godin alias Georges le Gloupier, et surtout contre toute idéologie qui est le premier signe du pouvoir.

Tout comme "l’histoire prend son importance qu’au point d’incidence où elle rencontre mon existence individuelle", ce qui fonde LA culture collective n’est que la somme des cultures individuelles. Alors puisque la culture dominante est une vaste supercherie d’aliénation et de mercantilisme, c’est à chacun de fissurer l’industrie culturelle à l’image du Comité-Actions-Révolutionnaires-Odéon qui encourageait en 68 à "Saboter, occuper et détruire les institutions ! Réinventer la vie ! L’art c’est vous, la révolution c’est vous !

Pour affiner encore la vision des Situs sur l’art et rappeler que la culture ne peut être une émanation extérieur à "la vraie vie", citons G. Debord "Une action révolutionnaire dans la culture ne saurait avoir pour but de traduire ou d’expliquer la vie mais de l’élargir".

Construction de la vie quotidienne

Alors plutôt que d’attendre la révolution sociale, intéressons-nous à ces "révoltes culturelles" qui sont la contestation en actes des valeurs dominantes, des modèles de comportement et du mode de vie néo-capitaliste, mais aussi la remise en cause globale des rapports sociaux, des rapports de production et des rapports au savoir, au pouvoir...

"Il faut entreprendre maintenant un travail collectif organisé, tendant à un emploi unitaire de tous les moyens de bouleversement de la vie quotidienne. C’est-à-dire, nous devons d’abord reconnaître l’interdépendance de ces moyens, dans la perspective d’une plus grande domination de la nature, d’une plus grande liberté. Nous devons construire des ambiances nouvelles qui soient à la fois le produit et l’instrument de comportements nouveaux. Pour ce faire, il faut utiliser empiriquement au départ, les démarches quotidiennes et les formes culturelles qui existent actuellement, en leur contestant toute valeur propre." (G. Debord)

Cela ouvre des perspectives quant aux moyens de véhiculer nos aspirations sociales !

Abel, Skalp 86

PS : des Situs publient "L’achèvement" BP 3162, 69406 Lyon cedex 03

(1) Laurent Chollet "L’insurrection situationniste". Ed. Dagorno 195 F (disponible à REFLEX)

(2) J.-P. Duteuil a écrit plusieurs livres sur les années 68.

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