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> Le libéralisme, loi de la nature ou imposture ?

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Le libéralisme, loi de la nature ou imposture ?


Il est dans la mode du temps de présenter le libéralisme comme étant issue de l’évolution inéluctable de la société ; une base incontournable de toute réalisation sociétaire. Ce système, aux dires de ses défenseurs, de la droite à la gâche social-démocrate, représente une sorte d’idéal correspondant à la nature profonde des individus, aux lois régissants toutes sociétés humaines. Il passe pour être le système de société le plus apte à nous garder des égarements des idéologies du passé comme du futur, et donc en quelque sorte, à nous faire sortir de l’Histoire et de ses incertitudes ; plus apte aussi à donner aux individus la possibilité d’étendre pleinement leurs potentiels. Les seules options pseudo-libérales se situant sur le rôle de l’Etat vis-à-vis des "abus éventuels" inhérents à un tel fonctionnement de société. Le libéralisme nous est présenté comme le système le plus proche des lois de la nature, une "pensée unique" ressemblant plus à un credo incontournable qu’à une doctrine bien humaine... et donc critiquable et à la vie limité !


Il est inutile pour notre part de s’étendre sur les ravages causés par cette idéologie. Ceux qui n’ont pu "réussir socialement" ne le savent que trop ! Le libéralisme, malgré ce que certains veulent faire passer dans "l’opinion publique", est bel et bien une idéologie, une doctrine, elle aussi issue de la tête de penseurs des siècles précédents. Une idéologie qui s’est imposée par rapport aux autres et qui est en passe de figer l’Histoire et inventer la pire des dictatures !

Le libéralisme aussi a un "père" : Adam Smith. Ce moraliste et économiste écossais est le théoricien du libéralisme économique dont il a établi les bases idéologiques en 1776. Une théorie qui prône l’individualisme, la liberté maximale vis-à-vis de toute loi régulatrice, extérieure ou intérieure aux individus et à leurs entreprises, l’appréciation de la valeur de celles-ci et des moyens qu’elles mettent en oeuvre seulement en fonction de leurs résultats.

Il faut dire que A. Smith a été l’exécuteur testamentaire, et grand ami, d’un certain David Hume qui est le précurseur de l’utilitarisme, doctrine ayant influencé fortement le sens de l’éthique dans les pays anglo-saxons ; et nous pouvons constater les résultats en ce qui concerne les biotechnologies dans ces pays (primauté sur "l’utilité" des trouvailles de cette science - OGM, clonage thérapeutique - par rapport à la "dignité humaine" et la "loi morale" préceptes kantiens). L’utilitarisme et le pragmatisme, doctrines qui trouvent à s’épanouir dans le cadre du libéralisme politico-économique de ces pays dès le 19e siècle, en sont des justifications philosophiques.

L’accumulation du capital, l’adaptation de l’offre à la demande (en théorie !), la libre circulation de la monnaie, la liberté absolue du commerce et de l’activité économique en général et le respect intransigeant de la sphère individuelle ne sont en rien des aboutissements logiques d’une "évolution naturelle" de la société mais bel et bien des principes idéologiques définis par A. Smith en 1776 (et des conditions de l’enrichissement de la classe dominante). Seulement outre l’utilitarisme, le capitalisme libéral avait besoin (ça n’a pas changé) d’une autre justification afin qu’il s’impose en tant que système "naturel" une théorie de l’évolution qui puisse présenter comme "dans la logique des choses humaines" la loi du plus fort (et ce que cela implique dans les rapports de domination) et la "libre" concurrence, son facteur déterminant. Théorie que les politicards libéraux (donc les neuf-dixièmes) nous servent à satiété aujourd’hui pour faire paraître inéluctable leur modèle de société de merde.

Et c’est là qu’intervient notre cher Darwin et son "De l’évolution des espèces". En effet, la théorie libérale pose le précepte que le système d’élimination des moins performants ne repose pas sur un plan prédéterminé de la législation mais sur un mécanisme naturel résultant de la combinaison historique d’intérêts individuels et instinctifs qui ne doit rien à une intervention extérieure. Celle-ci ne pouvant que perturber cet harmonieux fonctionnement. Donc, le libéralisme invente le "darwinisme social" qui n’est rien d’autre en fait que l’application des mécanismes de l’évolution à l’analyse des sociétés humaines et de leurs entreprises réalisée trois quarts de siècles auparavant par A. Smith.

Et c’est au nom de cet "état naturel" que Francis Fukuyama déclare dans "Le Monde" du 17 juin 1999 : "Rien de ce qui est survenu dans la politique mondiale ou l’économie globale durant ces dix dernières années ne remet en cause à mon avis ma conclusion : la démocratie libérale et l’économie de marché sont les seules possibilités viables pour nos sociétés modernes." Un discours qui ne diverge en rien de ceux prononcés quotidiennement par les politiciens et les médias, de façon directe ou indirecte, et pour discréditer dans l’opinion publique toute velléité d’espoir en un "autre futur" qui ne soit point libéral.

Le darwinisme social, lié au libéralisme, donnera plus tard naissance à la sociobiologie : l’étude des bases et mécanismes biologiques de l’organisation et de l’évolution des sociétés animales et humaines. Cette discipline devient donc, outre une discipline scientifique, une justification idéologique supplémentaire pour le capitalisme libéral moderne envers ses pratiques barbares. C’est ainsi que les libéraux et ceux qui les soutiennent (politiciens, scientifiques, philosophes, chacun y trouvant son intérêt !) trouvent, grâce à la sociobiologie, des raisons de justifier les inégalités : "l’utilisation de ces règles pour confirmer que la société libérale, reflète des lois biologiques impérieuses qui expliquent et justifient une grande partie des inégalités humaines et conditionnent l’avenir possible, ce dont on était de toute façon persuadé, représente, en revanche, un positionnement typiquement idéologique". A. Kahn in "Et l’homme dans tout ça ?" Le libéralisme et la morale évolutionniste...

Le libéralisme politico-économique est donc bien une idéologie, une invention humaine à la base d’une coercition exercée sur la société toute entière (exemple des fonds de pensions,) surtout sur ceux prétendument plus faibles, et cherchant une justification par une théorie qui n’est pas de nos jours sans être très controversée (voir à ce sujet le bouquin de M. Bookchin : "Sociobiologie ou écologie sociale" paru aux Editions ACL) au sujet de l’évolution naturelle et de la place et du rôle des individus dans les sociétés animales.

L’Etat

C’est au niveau de cette coercition que se situe l’Etat. En effet, la mise en pratique de l’idéologie libérale engendre inévitablement la domination d’une classe minoritaire sur la majorité. Il va de soit que ceux qui sont parvenus à un statut de dominants n’accepterons jamais de remettre en cause leurs positions dans l’échelle sociale ni les privilèges qui y sont liés. L’Etat passe donc, et de plus en plus, comme une institution dont le but est de maintenir les privilèges et statuts des élites (ceux qui ont réussi). Celui-ci est donc nécessaire dans le cadre d’un système dont le but est bel et bien d’institutionnaliser l’exploitation des individus, les dominations, les inégalités économiques et sociales (tout en jouant aussi sur la permanence de ces faits dans l’histoire, pour ce qui est des "conservateurs").

Ceux qui prétendent que l’Etat pourrait représenter une sorte de garde-fou nous préservant des excès de "l’ultra-libéralisme", ceux-là se trompent ! Il n’y a pas d’ultra-libéralisme ni de néo-libéralisme, il existe seulement une idéologie libérale qui trouvera toujours à soumettre, à détourner de leurs idéaux les meilleurs dirigeants élus par le peuple dans l’espoir d’un hypothétique changement, afin de réguler, limiter, les soi-disant excès du capitalisme libéral. Il ne finissent en fait qu’à tenter de faire accepter les lois barbares de cette idéologie répugnante à plus d’un titre. L’exemple récent des primes de remboursement de la CSG (contribution sociale généralisée) est là pour le prouver : quel meilleur moyen de faire accepter des salaires de misère que d’accorder la charité aux plus démunis en faisant passer cela pour un progrès social ou un cadeau extraordinairement généreux de la part des élites dirigeants et/ou économiques !

Ce système inique est d’une barbarie sans nom : barbare et franchement anti-humaniste. Opposons lui de toute urgence un modèle pratique de société basé sur la solidarité active, l’entraide, la liberté revendicative, bref le communisme libertaire ici et maintenant dans nos entreprises, nos quartiers, nos immeubles, nos campagnes...

Patrice


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