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Enrayons la machine à expulser


Le jeudi 5 juillet à Rennes, Guéorgui est arrêté pour vol à l’étalage et placé en garde à vue. Guéorgui n’est pas un pauvre comme les autres, c’est un Géorgien d’origine arménienne débouté du droit d’asile qui cherche à survivre. Les zélés agents de sécurité du magasin ont contacté les flics, qui s’aperçoivent que Gueorgui est sans-papiers. Le vol est rapidement classé par le procureur afin de permettre à la préfecture de procéder à son expulsion.


Deux jours plus tard, le samedi 7 juillet, la préfecture demande au juge délégué du Tribunal de Grande Instance de prolonger la rétention. C’est à cette occasion qu’une trentaine de personnes s’invitent à l’appel du Délit de Solidarité, l’association juridique qui suivait le dossier de Guéorgui.

Sans surprise, le juge suit la préfecture et accorde la prolongation de rétention de 5 jours et le transfert au centre de rétention de Nantes.

Après discussion, des personnes décident de se rassembler devant l’Hôtel de Police le samedi après-midi, afin d’empêcher son départ vers Nantes. Malgré le blocage des trois sorties, la Police aux Frontières parvient à emmener Guéorgui en catimini. Déçus mais pas découragés, nous décidons de poursuivre la mobilisation en intervenant lors des multiples spectacles de rue du festival " Les Tombées de la Nuit ". Nous terminons notre tournée sur la scène de la compagnie de théâtre Jolie Môme, qui durant son spectacle de la veille avait déjà invité les spectateurs à se rendre au procès.

Conscients que les démarches juridiques seules ne suffiront pas, nous nous mettons en relation avec le CAE de Paris et le Scalp de Nantes. C’est à l’aéroport de Nantes qu’environ 25 personnes se regroupent le lundi matin pour empêcher le départ d’un vol prévu à 6 h 45. Rapidement informée de notre présence, la PAF modifie ses plans et transfère Guéorgui en voiture vers l’aéroport de Roissy. Ainsi, l’expulsion se poursuit mais avec du retard.

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Dans cette même journée du lundi, deux recours déposés par l’avocat de Guéorgui sont examinés à Rennes, l’un d’entre eux portant sur la notification des droits du gardé à vue est pris en compte par le juge, et entraîne l’annulation de la rétention et donc la libération de Guéorgui...

Sans doute consciente de ce qui allait se passer, la préfecture joue la montre et ne fait rien pour prévenir la PAF : Guéorgui est embarqué dans un vol pour la Turquie, et ce n’est qu’à la dernière minute que le commandant de bord prévenu par l’avocat le débarque avec son escorte. Ainsi, les mobilisations devant l’hôtel de police et l’aéroport n’ont pas été vaines.

Pour autant, les motifs de satisfaction sont minimes. Aujourd’hui la situation de Guéorgui n’est pas réglée et le samedi 7 juillet aura vu 2 sans papiers se faire expulser de Rennes dans la plus grande indifférence. A la mi-août, ce sont 4 sans papiers Kurdes qui sont arrêtés après avoir été dénoncés par le patron de la société de transports qui les avait découverts. De nombreux candidats à l’émigration vers l’Angleterre passent donc par la Bretagne ce qui explique le regain d’arrestation auquel nous assistons. Face à cela, nous sommes encore démunis sur le plan pratique.

Pour arriver à tenter de bloquer une expulsion il faut au moins trois conditions :

· une défense juridique capable d’exploiter toutes les subtilités du droit

· un groupe d’action déterminé qui subordonne clairement la loi au droit devivre

· des sans papiers déterminés dans leurs moyens de lutte

Il est rare que l’on réunisse ces trois conditions, mais il est tout à fait possible de réunir au moins les deux premières conditions, comme le fait le CAE de Paris, ainsi que d’autres.

La seule défense juridique est impuissante face à la machine en place capable de s’affranchir de la loi pour mieux réaliser ces desseins. On ne compte pas les manquements au droit dont sont victimes les étrangers, dont les auteurs sont des représentants de l’ordre. Plus généralement, les lois sur les étrangers étant par essence répressives, on voit mal ce que l’on pourrait attendre de leur stricte application, sinon la répression. C’est pourquoi nous considérons la défense juridique comme un outil dans le cadre d’une lutte pour obtenir la suppression des frontières.

Cette lutte globale, la lutte anticapitaliste, ne doit pas être parasitée par les considérations humanitaristes. Nous ne soutenons pas seulement les demandeurs d’asile mais bien toute personne qui fuit son pays d’origine que ce soit pour des raisons politiques mais aussi pour des raisons économiques. Ces derniers réfugiés sont tout aussi légitimes à nos yeux que les réfugiés politiques. Pour nous qui menons un combat pour l’égalité ici, il n’est pas question d’arrêter ce combat aux frontières de l’Hexagone ou de l’Europe.


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