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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°88 - Juin 2001
(ancienne formule)
> Face à la mondialisation : un autre développement ?

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Face à la mondialisation : un autre développement ?


Face à la mondialisation, les critques se sont portées vers les organismes internationaux : FMI, Banque Mondiale, OMC… La mondialisation correspond essentiellement à une occidentalisation de la planète avec tous les rapports d’exploitation, de domination, d’organisation économique, d’uniformisation culturelle que cela induit. Or, certains mouvements « anti-mondialisation », organisations non gouvernementales ou associations de solidarité internationale (que nous nommerons d’un terme réducteur mais pratique ONG) posent l’alternative en parlant d’un « autre développement » pour les pays du Sud. Est-ce réellement une alternative ? Leurs projets vont-ils vraiment à l’encontre de la mondialisation ?


L’oppposition se situerait par le fait que les organismes internationaux proposeraient un développement par le haut (Top Down) tandis que les ONG offriraient un développement par le bas (Bottom Up).

« Le développement reste une entreprise dont le but est la croissance, l’accumulation, avec comme valeurs le rationalisme, le progrès. »

Tout d’abord, la notion de développement est propre à notre société. « Dans plusieurs sociétés africaines, le mot même de développement n’a aucun équivalent dans la langue locale parce que l’imaginaire qui institue la chose fait largement défaut. » (Latouche, 2001). Le développement « alternatif », « endogène », « communautaire » proposé par les ONG pour le différencier de celui du FMI, de la Banque Mondiale est donc un concept occidental. Le développement reste une entreprise dont le but est la croissance, l’accumulation, avec comme valeurs le rationalisme, le progrès. Comme si ces objectifs et valeurs étaient celui de toutes les sociétés. Ainsi, le potlatch est une cérémonie des indiens Nord-Américains qui, apr »s un rituel dont le but est d’offrir à l’autre toujours plus de cadeaux, consiste finalement à détruire ceux-ci. Difficile de faire du développement avec des gens d’une si mauvaise volonté ?

De plus, lorsqu’une ONG, avec une générosité admirable, offre une machine à moudre le mil, elle ignore trop souvent qu’elle participe à la destruction d’une forme d’organisation de la société. Les conséquences peuvent à terme être profonde : éclatement de l’unité familiale comme lieu de production et de consommation, modification du rapport hommes/femmes, monétarisation de la société, intégration de l’esprit de concurrence… Certes, les sociétés se détruisent et se reconstruisent, mais est-ce aux ONG d’imposer, de guider ces changements ?

« Le développement, une entreprise paternaliste. »

La solidarité se place dans une relation unilatérale du Nord vers le Sud. Les ONG, en important de nouvelles techniques produites au Nord, pepétuent « une attente de l’aide », une dépéndance du Sud envers le Nord. Le développement orchestré par les ONG apparaît donc comme « une entreprise paternaliste » (Latouche, 2001). Les anthropologues, toujours très prudents par rapport au développement, parlent du devoir de réciprocité. Comment peut-on porter un regard critique, agir dans des régions du Sud, sans vouloir que « a se fasse ici ? Aujourd’hui, il n’existe aucun programme de développement mené par des pays du Sud pour développer les relations de voisinages dans les immeubles parisiens ? A ce titre, le commerce équitable est une action intéressante. En proposant au consommateur du Nord d’acheter des produits plus chers mais aussi en délivrant une information, il participe à une réflexion sur notre société.

La légitimité des ONG, depuis quelques années, s’est construite autour de l’idée que les projets réussissent s’ils correspondent à un besoin exprimé, sont dirigés, conçus par les personnes concernées, assurent une autonomie financière par rapport à l’extérieur et correspondent aux mentalités de ceux à qu’ils sont destinés (Condamine, 1991). En réalité, la majorité des projets sont des initiatives venues du Nord, pensées au Nord quoiqu’on veuille nous faire croire. D’ailleurs, l’octroi de fonds occidentaux est conditionné par la faisabilité de ces projets selon des critères propres à notre société. La Grameen Bank, banque créée au Bangladesh dans le but d’offrir du crédit aux pauvres, est censée être un exemple de projet initié au Sud. Son instigateur Mohammed Yunus est Bengali. Néanmoins, il n’a pas ciré les bancs des facultés du Bangladesh mais celles des Etats-Unis. Son projet est donc largement inspiré d’un mode de vie, d’un enseignement occidental qu’il veut instauré au Bangladesh.

Pour les ONG, la résolution des probl »mes que connaissent certains peuples ne se fera que par des solutions économiques. Comme si l’économique était la base de tous leurs probl »mes ? Les famines sont l’exemple type de cette abérration. La raison des derni »res famines en Afrique n’a pas pour origine un dysfonctionnement du processus de production mais bien les conflits, les guerres… En outre, les ONG participent à la création d’une image faussée des pays du Sud, et notamment de l’Afrique. Par des campagnes de pub, visant à introduire un sentiment de pitié, ils encouragent la vision pessimiste du continent africain qui serait un continent où il n’existe pas d’école, où tout le monde meurt de faim, dont la guerre est le sport favori ?

« En économie, le but n’est rien, le développement est tout »

Levi-Strauss utilisait la métaphore du train pour expliquer que l’on ne pouvait pas concevoir le développement ici comme ailleurs. Il comparait notre société a un train qui va dans une direction. Si on croise un autre train, on a l’impression qu’il recule. En réalité, il ne fait qu’aller vers un autre objectif. Ainsi, certaines sociétés ont d’autres objectifs que de maitriser la nature, d’améliorer leurs techniques, de produire toujours plus… Au final, pour les ONG comme les organismes internationaux c (Debord, 1969). On se développe vers où ? Pourquoi ?

Il ne s’agit pas ici de dire que l’action des ONG est la même que celle du FMI. Il ne s’agit non plus de dire que toutes les ONG font exactement le même travail. Il s’agit encore moins de dire que les ONG de l’humanitaire auraient dû laisser les famines se résorber elles-mêmes. Il s’agit simplement de s’interroger sur leurs actions. Il s’agit d’affirmer que les conséquences sont d’imposer à la planète un mode de vie occidental comme le souhaite les organismes internationaux. D’ailleurs, le président de Max Havelaar France, ONG qui s’occupe de développer le commerce équitable, précise bien que le commerce éthique est « une façon d’agir, non contre la mondialisation, mais contre les effets négatifs de celle-ci » (Faujas, 1999).

Bibliographie

Condamine J.L. (1991), Créer, construire, partager. L’action humanitaire en Afrique, un projet d’avenir, Les Editions de l’Ancre
Latouche S (2001), En finir, une fois pour toutes, avec le développement, Le Monde Diplomatique, Mai 2001, p6-7
Levi-Strauss (1952) Race et Histoire, Gonthier


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