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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°88 - Juin 2001
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Résistance à l’écran


Comme chaque mois dorénavant, voici une sélection partielle (et partiale) de quelques films, plus ou moins récents, jugés intéressants au vu des thèmes sur lesquels lutte le réseau No Pasaran.


La sociologie est un sport de combat

Film documentaire français de Pierre Carles, 2001 - 146 min.

Après avoir dénoncé les magouilles politico-journalistiques dans Pas vu pas pris, Pierre Carles change sa caméra d’épaule pour suivre Pierre Bourdieu dans son travail de sociologue. Si la réalisation est toujours aussi brillante (les 2h26 du film passent sans même s’en apercevoir), elle constitue qui plus est un accès privilégié à la pensée de Bourdieu. Ce qui permet donc au film d’être une bonne introduction à l’oeuvre du sociologue le plus cité au monde (d’ailleurs sans doute plus souvent cité que lui).

Au fur et à mesure des analyses qu’il déploie, on ne peut pas manquer sa tendance à s’imaginer extérieur à la société qu’il analyse : ce qui lui permet donc d’affirmer sans sourciller que les féministes feraient mieux de s’attaquer à des problèmes plus sérieux (en l’occurrence ceux dont il parle lui) que leur " blabla " habituel, et que les jeunes de la cité du Val-Fourré devraient suivre ses conseils (au

lieu de vilipender les intellectuels nantis) et créer une association pour canaliser leur révolte. Amen. Le maître-libérateur a parlé : opprimé-e-s de tous les pays unissez-vous sur la voie qu’il vous a tracé.

Mais que l’on aime ou pas Bourdieu, La sociologie est un sport de combat reste une production qui se détache immanquablement des shows télévisés habituels où les intellectuels sont sommés de se taire pour ne pas ennuyer un public que les journalistes imaginent crétin.

A noter au passage l’hommage discret de Carles qui conserve au montage un plan (qui n’était pas indispensable à la bonne compréhension du récit) montrant l’entrée d’une fac sur laquelle est taggué un énorme SCALP.

Made in the USA

Film documentaire franco-belge de Solveig Anspach et Cindy Babski, 2001 - 105 min.

Ce documentaire retrace la mise à mort d’Odell Barnes par l’Etat du Texas. Accusé du meurtre et du viol d’Helen Bass, une amie de sa mère, Odell Barnes est exécuté le 1er mars 2000. Le film donne la parole à la plupart des personnes impliquées dans l’affaire : depuis le procureur qui se ridiculise sans le vouloir, en passant par la famille, les amis, des témoins, les contre-experts et toutes les personnes qui ont lutté pour sauver Barnes.

L’histoire prend corps, et on comprend alors la signification du titre. Barnes, criminel tout trouvé (ancien taulard) pour une affaire où la police avait besoin d’un coupable, se retrouve pris dans la machine infernale qui mène du tribunal à l’exécution (en passant par la falsification de preuves à son encontre par la police). Produit d’un système qui génère et gère l’exclusion et la misère, le cas de Barnes est exemplaire d’un système juridique et social inique et inhumain.

Si Barnes n’est pas un condamné politique comme peut l’être Mumia Abu-Jamal, ils sont cependant tous deux emblématiques d’un pays qui se veut gendarme du monde tout en renforçant de plus en plus le contrôle social et la répression en son sein.

Nouvel ordre mondial

Quelque part en Afrique

Film documentaire français de Philippe Diaz, 2000 - 90 min.

Ce film se propose de retracer dix années de guerre civile en Sierra Leone, un petit pays d’Afrique de l’ouest. Projet initié en collaboration avec Action Contre la Faim (une ONG), son objectif premier était de traiter de la famine qui ravage le pays depuis de nombreuses années alors que le pays regorge de richesses naturelles (diamant, minerai, café, cacao).

Pourtant, suite au voyage en Sierra Leone, l’équipe du film a modifié son projet. Face aux horreurs constatées sur place, l’angle d’attaque du film est devenu l’implication de la communauté internationale dans les massacres perpétrés sur la population civile, et le détournement médiatique à l’origine de la diabolisation des rebelles du RUF (Front Révolutionnaire Unifié). Car ce film donne pourla première fois la parole à des dirigeants du RUF, (ce qui lui a d’ailleurs valu d’être taxé de pro-rebelles et donc de cautionner les amputations que ceux-ci pratiquaient sur les collaborateurs de l’Etat).

Mais ce qui donne à la fois tout son intérêt au film et brise tout son argumentaire, ce sont des images d’une violence incroyable (tortures d’enfants, tirs sur des humains à bout portant, amputations) filmées par Sorious Samura, journaliste collaborateur de l’Etat sierro-léonais pendant la guerre civile

(aujourd’hui exilé en Angleterre). On peut donc voir s’enchaîner de tranquilles discussions à l’ONU avec des scènes d’une violence insoutenable (il est en effet rare de voir des gens quitter la salle en hurlant et en pleurant au milieu d’un film). Cette violence indescriptible qui se déroule sous nos yeux a le mérite de montrer à celles et ceux qui pensent que "tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes capitaliste" qu’il n’en est rien.

Cependant, mise à part cette prise de conscience que peut occasionner le film, la violence des images empêche tout argumentaire construit, tant l’agencement des scènes est mauvais. On ne peut pas suivre à la fois une voix off qui parle de géopolitique et des images qui montrent un soldat explosant la cervelle d’un homme à bout portant. Si Nouvel Ordre Mondial se veut donc une sorte de signal d’alarme, sa réalisation est particulièrement maladroite à la fois par sa volonté d’exhaustivité "objective" (mythe cher au reportage moderne) et son manque de point de vue.

Pirouli


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