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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°88 - Juin 2001
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Le Tgv Lyon-Turin


Comment se faire avoir sur tous les plans avec un projet à 130 milliards ? La signature des accords pour la construction de la ligne TGV Lyon-Turin le 29 janvier 2001 marque une nouvelle étape dans le développement des liaisons ferroviaires.


Le projet date de 1984. Cette année là, la CEE prévoit " la systématisation graduelle de liaisons terrestres à grande vitesse entre les principaux centres urbains ". Cette décision concerne en premier lieu les industriels contactés dès 1985. Ces nouvelles voies leur permettront d’assurer le flux tendu des marchandises, qui va de paire avec la flexibilité des horaires de travail. De fait, industriels et sociétés ferroviaires proposent un réseau européen. En 1990, le conseil de la communauté européenne approuve le plan directeur du réseau européen rendu un an plus tôt par les chemins de fer français et allemand. Enfin, en 1991, un accord est signé à Genève pour la réalisation des grandes lignes du transport international combiné (TIC). En 1996, l’Union européenne lance le réseau transeuropéen " Horizon 2000 ".

Les à-côtés du TGV ...

Le TGV Lyon-Turin nous réserve quelques petites surprises : la rencontre Jospin-Amato s’est soldée par des accords pour la construction d’une université transalpine Turin-Grenoble, une coopération dans le secteur spatial, l’observation par satellite, la création d’un corps de 5 000 euro-policiers à employer dans les crises internationales, une nouvelle forme de coopération judiciaire.

Je laisse de côté toutes ces merveilles qui accompagnent le projet TGV pour faire un point sur un autre beau cadeau directement impliqué par la réalisation du projet : un tunnel de 50km sous les Alpes. A m’en bien souvenir, les montagnes ont une activité et sont nées des mouvements de plaques tectoniques. Alors, où bien il y a eu une révolution en géologie, où bien ce tunnel répond à un besoin aveugle et irresponsable. Après tout, un tunnel existe déjà sous la Manche, au point où on en est... (Je signale au passage que la majorité de ceux et celles actuellement mobilisé-e-s en France contre cette construction militent dans des associations écolos. C’est probablement qu’ils et elles n’ont rien d’autres à faire ...)

Le mythe du ferroutage

Il paraîtrait que le train pollue moins que le camion. Sans trancher sur la question, on peut tout de même se demander à quoi roule le train. A court terme, il n’est pas prouvé que le nucléaire détruise la couche d’ozone, certes. A moyen et long terme, c’est tout le vivant et l’inerte qui sont modifiés par la production et les déchets radioactifs. Vive le court terme, "carpe diem", nous chuchotent les industrialo-nucléaro-pollueur.

( Si l’écologie était un souci, amenant le ferroutage, pourquoi peut-on lire dans La vie du rail, 17/01/01 que les trains postaux sont désormais remplacés chacun par 8 poids lourds ?)

Par ailleurs, qui croira que le lobby routier se laisse déposséder du transport des marchandises ? Pas nous qui savons que la raison fondamentale du ferroutage n’est pas de résoudre des problèmes de pollution mais au contraire, de résoudre la grave question "comment transporter d’avantage de marchandises de merde (à durée de vie ultra-restreinte) alors que le réseau routier est déjà sur-encombré ?" Bien sûr, bien sûr, une partie (infime proportionnellement) de la production transportée actuellement en camion le sera en train. Il faudra bien quelques exemples pour le matraquage médiatico-idéologique.

Par ailleurs, qui soulévera le problème de la pollution engendrée par la multiplication des conneries en vente partout ?, qui fera le suivi du temps que mettent toutes ces conneries pour aller de l’usine à la poubelle ? Avant de se poser la question de quel transport, posons nous la question de l’utilité, la légitimité de ce qui est transporté.

L’idée de vitesse, le temps économico-politique

Il y aurait d’avantage à creuser sur la notion de vitesse elle-même. Je me contenterait de citer 2 auteurs :

Serge Moscovici (1) : "Si l’on regarde ce qui s’est passé depuis un siècle, on observe que la civilisation occidentale est vraiment la première civilisation du temps. C’est-à-dire la première civilisation où le temps joue un rôle déterminant, notamment comme mesure des choses (travail, distances, Histoire ... ), la notion de vitesse, par exemple, qui est l’obsession numéro un de notre civilisation., c’est une manière de temporaliser l’espace..."

Fatima Mernissi (2) : "C’est par le temps-rythme qui standardise les comportements, que l’Occident post-industriel manifeste sa domination. Aujourd’hui, c’est le contrôle du temps qui fonde la puissance d’une nation. Ce n’est pas le pétrole qui gît sous votre sol qui fait votre richesse, mais le contrôle de la vitesse des opérations de marketing nécessaire à son positionnement sur le marché."

L’important est de produire plus, plus vite et surtout, que cette production innonde plus vite les temples de la consommation. "VITE ! Allez achetez ce NOUVEAU produit dont vous avez DEJA besoin".

Le train est l’incarnation du symbole de la vitesse, le TGV celui de la très grande vitesse. La quantité de temps contre sa qualité ; "plus vite = mieux". Ceux qui utiliseront 80% de cette ligne (les industriels) sont bien d’accord avec cette équation, d’autant plus qu’ils n’assumeront qu’une minorité des frais. Dans la continuité, je ne serais pas étonnée de voir apparaître une prime aux entreprises favorisant le ferroutage. Jusqu’où iront le cynisme et l’hypocrisie ?

Les luttes

Des rassemblements aux manifestations de plus de 5 000 personnes, les italien-ne-s n’ont pas attendu que la catastrophe arrive pour protester. A noter qu’en Italie le climat politique n’est pas le même qu’en France, la repression plus dure. Les victimes de la justice italienne en rapport avec le TGV sont probablement plus nombreuses qu’on ne le sait aujourd’hui. Sole et Edo en sont deux, arrêté-e-s en mars 1998 à Turin, accusé-e-s d’être des "éco-terroristes", ils sont morts à quelques mois d’intervalle dans les prisons de l’Etat italien. Silvano, arrêté en même temps que Sole et Edo, a été condamné en janvier 2001 pour avoir poser une bombe qui n’en était pas une (fait reconnu aujourd’hui mais qui n’a pas entraîné sa libération). Silvano est l’otage du TGV et pour lui le combat continue, comme pour ceux et celles qui le soutiennent au travers d’actions telles que des bombages, banderolles etc. autour du lieu où il est enfermé et appellent à lui écrire : Silvano Pelissero, communaute maestro pietro, via ferreri noli n2, san ponso, 10 080 Turin, Italie. Il comprend très bien le français.

En France, en revanche, la mobilisation se fait durement attendre, chacun-e- guettant le premier mouvement des un-e-s et des autres pour bouger à son tour. A ce jeu là, nous plaçons toutes les chances du côté de la réalisation du TGV ! Certaines organisations, associations, essentiellement basées sur l’écologie (la FRAPNA, le coll. Saône et Doubs vivants ...) ont commencé à travailler sur le sujet avec leurs propres angles d’attaque. Seulement, cela reste très restreint géographiquement. (J’en profite pour répondre à quelqu’un qui m’a dit que seul-e-s les habitant-e-s de la région étaient concerné-e-s par cette lutte, que je comprend mieux grâce à lui pourquoi il y a profusion de centrales nucléaires dans ce pays).

Ceci-dit, il existe tout de même un collectif qui n’aborde pas le projet que sous l’angle écologique. Ce collectif est franco-italien et appelle à participer à la manifestation de Gènes en juillet. NO TAV ; NON AU TGV ! ! !

Nous avons des arguments à avancer contre ce TGV, la production, les technologies et les mythes qu’il véhiculera. Reste à décider par où commencer, comment et avec qui. N’attendons pas l’inauguration de 2004 pour trancher ces questions et aller aux fournaux.

(P.S. : les traverses de chemin de fer sont très utiles, comme matériaux de construction de maison par exemple ...)

Renée

(1) L’Espace et le temps aujourd’hui, editions du Seuil, coll. Points, 1983, p.262.

(2) Le Harem politique, éditions complexe, 1992, p.26


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