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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°88 - Juin 2001
(ancienne formule)
> Mexique : La marche de "ceux de la couleur de la terre"

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Mexique : La marche de "ceux de la couleur de la terre"


Après le formidable espoir suscité par la marche zapatiste du mois de mars (qui vous avait été racontée dans le numéro du mois d’avril), les choses se sont considérablement gâtées une fois arrivée à Mexico. Il a fallu tout d’abord un bras de fer de plusieurs jours pour que les représentants de l’Assemblée et du Sénat mexicain acceptent que les zapatistes et les représentants des peuples indiens viennent défendre devant eux l’approbation de la loi Cocopa. Rappelons que cette loi est la transcription juridique des accords de San Andres portant sur les droits et la culture indiens, signés en 1996 entre l’EZLN et le gouvernement d’alors mais jamais appliqué par celui-ci. Quatre délégués zapatistes (emmenés par la "commandante" Esther et sans Marcos) ainsi que plusieurs représentants du Congrès National Indigène (CNI) ont finalement pu s’exprimer pendant plus de quatre heures devant le Congrès mexicain le 28 mars.


La "commandante" Esther a notamment longuement défendu la nécessité de l’approbation d’une loi reconnaissant les droits indiens mais s’est aussi longuement attardée à décrire les difficultés de la vie quotidienne des indiens et notamment des femmes indiennes. "C ’est un symbole que ce soit moi, une femme indienne pauvre et zapatiste qui s’exprime en premier à cette tribune…Le pays que veulent les zapatistes est un pays où se reconnaisse et se respecte la différence, où le fait d’être et de penser différemment ne soit pas un motif pour aller en prison, être persécuté ou tué…"(Esther). Les zapatistes sont ensuite retournés au Chiapas pour aller rendre compte des résultats obtenus devant les communautés indiennes qui les avait mandaté.

Pendant ce temps ont débuté au Parlement des négociations entre les différents partis politiques (essentiellement PAN, PRI et PRD) pour arriver à un texte commun qui puisse recevoir suffisamment de votes pour pouvoir être adopté. Cela fut fait dans la dernière semaine d’avril. Et cela au prix d’une loi scélérate, castrant sur de très nombreux points la loi Cocopa. Le texte adopté a été appelé par les zapatistes non plus la loi sur les droits et cultures indiens mais la loi sur les droits et cultures des latifundiaires et des racistes. Citons en vrac que cette loi ne reconnaît plus les peuples indiens de droit public mais d’intérêt public (ce qui revient à les réduire à des communautés privées auxquelles l’Etat pourrait de temps en temps daigner accorder une aide et non plus des communautés pouvant réellement influer sur les décisions les concernant), ne leur reconnaît pas de territoire propre sur lesquels exercer leur droit, ne reconnaît plus le droit à l’utilisation collective des terres que comme un droit préférentiel, etc….

Suite à l’adoption de cette loi, les zapatistes ont rompu les négociations de paix, rappelant le délégué qui avait été chargé de maintenir le contact avec le gouvernement. On revient donc à la situation bloquée d’avant la marche. Si cela n’était pas forcément prévisible suite au succès de la marche, cela peut s’expliquer. L’intérêt du gouvernement est de pacifier ces régions et notamment celle du Chiapas à la fois pour se donner un vernis démocratique mais aussi pour pouvoir exploiter à la fois des ressources naturelles considérables (pétrole, uranium, biodiversité déjà largement "biopiratée") et une main-d’oeuvre bon marché. Le gouvernement a déjà planifié la mise en oeuvre d’un plan dit "Puebla-Panama". Il s’agit d’un projet visant à construire dans le sud du pays toute une série d’infrastructures (routes, ponts…), décidées sans aucune concertation avec les populations, et devant permettre un accès facilité aux richesses de ces régions mais aussi la construction de "maquiladora" (manufacture utilisant une main d’oeuvre peu qualifiée et surexploitée comme cela se passe déjà dans le Nord du Mexique) pour délocaliser encore davantage les productions nord-américaines. Il pouvait difficilement réaliser cela avec une guérilla active bénéficiant de très large soutien dans la population. Son calcul est donc d’accorder aux indiens l’approbation d’une loi sur les droits et cultures indiens, d’une certaine manière comme un solde de tout compte, comme un os à ronger. Mais il ne peut dans cette loi reconnaître aux indiens un certain nombre de leur revendications (utilisation collective de la terre, droit à disposer des ressources naturelles se trouvant sur leur territoire…) incompatible avec la politique inscrite dans le libéralisme du gouvernement Fox. Celui-ci cherche donc une loi suffisante pour "calmer" les indiens tout en leur accordant le minimum de concessions possibles. La remise en cause de la loi qui vient d’être adoptée (et qui doit encore être adoptée par les différentes assemblées des Etats mexicains pour l’être définitivement) passe donc par la capacité des zapatistes mais bien au-delà des différents mouvements indiens et de la Société Civile a susciter des manifestations de rejet d’une telle ampleur qu’elles fassent craindre au gouvernement que les investisseurs se retirent des régions concernées. Il faut aussi souligner que ce Plan Puebla-Panama s’inscrit dans toute une logique (qu’on retrouve dans le Plan Colombie et aussi et surtout dans le plan de la ZLEA, zone de libre échange des Etats d’Amérique discutée récemment lors du congrès de Québec) visant à faire de l’Amérique Centrale et du Sud une zone entièrement soumise à l’exploitation ultralibérale la plus dérégulée des ressources naturelles et de la main-d’oeuvre.

Ajoutons que depuis un mois la pression militaire s’est aggravée au Chiapas avec l’entrée de l’armée dans plusieurs communautés, la reprise des barrages et des patrouilles.

François-Xavier (CSPCL)

Comité de soutien aux peuples du Chiapas en lutte 33 rue des Vignoles 75020 Paris


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