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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°88 - Juin 2001
(ancienne formule)
> Cannabis : Sortons de notre clandestinité !

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Cannabis : Sortons de notre clandestinité !


Grâce au patriotisme (diffusé par les armées et l’école de Jules Ferry), grâce à un ordre moral (construction d’un ciment idéologique mais aussi identification autour de valeurs réactionnaires) le pouvoir tente d’atténuer les contradictions de classe, d’une société inégalitaire.


Il était une fois 1970…

Or, à ce titre, 1968 n’est pas qu’une date symbolique ! C’est aussi une période où les fondements idéologiques et moraux sont largement bousculés, remis en cause. Pour le pouvoir il est donc nécessaire de renverser ce mouvement, de ré-imposer un cadre moral afin d’exercer un réel contrôle social. Le pouvoir est prêt à tout et les psychotropes et ses usagers deviennent une de ses cibles. Le 24 octobre 1969 à l’assemblée nationale, Pierre Mazeaud (UDR) déclare : "des hippies s’adonnent dangereusement à la drogue et à l’anarchie sexuelle… Seul, le drogué peut paraître inoffensif. En bande il devient armé pour la contestation. En état de manque, il peut se diriger vers la révolte…" Peu importe que l’argumentation n’ait aucun fondement scientifique ou sociologique. L’objectif est de créer un contexte de peur de l’autre, un sentiment d’insécurité. Ainsi on définit un ennemi intérieur, un bouc émissaire contre lequel il va falloir se battre. Le 4 Décembre 1970 le ministre de l’intérieur enfonce le clou dans une interview du Monde : "Les vrais responsables de l’extension de la toxicomanie juvénile, il faut les chercher parmi les maîtres à penser qui, depuis trois ans et plus, s’emploient à affaiblir le ressort moral de la jeunesse, à la désorienter par des utopies aberrantes et à déconsidérer à ses yeux le prix de la volonté et de l’effort…". Le 31 décembre du même mois, la loi est votée. Il est 22h30 quand des millions de personnes boivent pour fêter l’approche d’une nouvelle année. A l’assemblée quelques députés se dépêchent pour se libérer afin de rejoindre respectivement leurs fêtes alcoolisées et adoptent une loi sur les stupéfiants. Cette loi fait date en France, car elle condamne l’usage même privé des produits illicites. A noter que les réactions contre cette loi ne sont pas nombreuses. D’une part on a en France un mouvement radical, révolutionnaire composé de beaucoup de militant-es, de groupuscules qui s’enferment souvent dans un carcan moral, dans une conception idyllique et révolutionnaire de l’individu. Ces mouvements en arrivent à nier le besoin de fuite, le besoin d’ivresse que l’on a tous et toutes. Du coup toute personne qui s’occupe de dépénalisation est un-e contre révolutionnaire en puissance. Même des libertaires tomberont dans ce piège. Mais de toute évidence, c’est le PCF qui est à la pointe de cette morale réactionnaire : "Le monde de l’homosexualité ou de la drogue n’a jamais rien à voir avec le monde ouvrier" (Pierre Juquin) D’autre part nous avons le mouvement hippies, psychédéliques (plus important aux USA) qui a son tour s’enferment dans le mythe de la révolution psychédélique. Pour ce mouvement l’absorption de psychotropes permet ce que l’on appelle le "voyage intérieur", condition nécessaire pour imaginer puis construire la révolution ! ! ! Cette réalité explique qu’il faudra attendre plus de cinq ans pour qu’une initiative collective voit réellement le jour. Relayé par Libération l’appel du 18 joint recueillera plus de 2500 signatures. "…C’est pour lever ce silence hypocrite que nous déclarons publiquement avoir déjà fumé du cannabis en diverses occasions et avoir, éventuellement, l’intention de récidiver. Nous considérons comme inadmissible toute forme de répression individuelle, soumise à l’arbitraire policier, et entendons soutenir tous ceux qui en seraient victimes. Nous demandons que soient prises les mesures suivantes :

- dépénalisation totale du cannabis, de son usage, de sa possession, sa culture (autoproduction) ou son introduction sur le territoire français en quantité de consommation courante

- ouverture de centres d’information sur les substances psychotropes…"

30 ans de répression, et de multiples luttes

30 ans de répression, 30 ans de guerre à la drogues, 30 ans d’interdit c’est près de 8000 overdoses (principalement dues à l’absorption de substances avec des doses inhabituelles), c’est près de 350 000 contaminations des virus hépatites B ou C et du SIDA. 30 ans de répression c’est près d’un million de personnes arrêtées, entre 400 et 500 000 enfermées au mois quelques jours en prison… 30 ans de guerre totale alors que les responsables de ce marché (plus juteux que celui du pétrole) courent toujours et que l’usage ne cesse de progresser. Aujourd’hui selon les différents sondages entre 3 et 5 millions de français-es consomment plus ou moins régulièrement du cannabis. 30 ans d’échec du point de vue sanitaire. Mais 30 ans de réussite car la loi prohibitionniste de 1970 n’avait aucun souci de santé mais s’inscrivait dans une politique plus globale de contrôle social.

Ces dix dernières années, la lutte antiprohibtionniste a connu une nouvelle dynamique. Dans les années 80 on a connu des groupes NA (Narcotic Anonyme) qui défendent le "Self help" : prise en charge de sa propre personne… Mais les groupes NA considèrent toujours l’usager comme un malade et défende une morale : contre la dépendance avec une négation du besoin de toute fuite ou toute forme d’ivresse. Derrière une forme d’apolitisme, ces groupes défende finalement l’ordre moral : l’objectif est de changer de vie par une intégration sociale, par une normalisation.

Dans la deuxième partie des années 80, les groupes "pour une réduction des risques" ont une réelle l’influence. Sans aucun doute, pour des questions sanitaires leur influence est bénéfique et souhaitable (distribution autorisée des seringues, tests de qualité des produits dans des raves ou bus itinérants, lancement de programmes de substitutions, distribution d’informations…) Mais ces groupes ne sont constitués que de spécialistes (médecins, avocats)… Et l’usager ne fait que passer de la sphère pénale à la sphère médicale. Dire cela ne signifie que l’usager, comme toute personne, ne peut avoir besoin de soins, mais l’usager ne doit pas être regardé systématiquement sous cet oeil. Dans le début des années 90 se crée deux associations d’usagers : ASUD, Auto Support des Usagers de Drogues et le CIRC, Collectif d’Informations et de Recherches Cannabiques. Dans le premier numéro du journal d’ASUD, l’édito déclare : "Des usagers de drogues qui s’organisent pour prendre ou reprendre la parole… Nous nous affirmons responsables de nos choix ainsi, que des dangers et des plaisirs qu’ils supposent…". Le CIRC quant à lui, mène une campagne quelque peu différente, en dénonçant sans cesse la calomnie vis-à-vis du cannabis. Depuis les rapports officiels, les commissions ministériels (de la commission Henrion en 1994 au rapport Roques en 1998) ont rappelé que le cannabis se trouve être moins dangereux que les alcools forts… En pleine coupe du Monde, à la Une du Monde Plantu faisait même dire à un hooligan "Après le haschish, je suis passé aux drogues dures : l’alcool et le nationalisme…."

Au-delà des formes de luttes et d’axes d’interventions différents, ce qui importe c’est que les usagers eux-mêmes décident de s’exprimer, de prendre en charge leur problématique. Sortir de la clandestinité est un véritable enjeu. Et le pouvoir n’est pas dupe. Et c’est une véritable stratégie judiciaire (poursuivre pour faire taire) qui se met en place et principalement vis-à-vis du CIRC : 1994 procès contre le 36.15 CIRC, 1995 premier procès contre les rassemblements du 18 joint avec premières amendes. 1955 est l’année où le CIRC connaît ses premières interdictions de manifester (à Paris, Tours, Le Mans, Lille, Nantes, Lyon…). Le CIRC Bretagne est poursuivi par rapport à son fanzine BZH, la préfecture de Moselle refuse les dépôts des statuts du CIRC local… Stratégie qui se maintient puisque le 26 avril dernier jean Pierre Galland (président du CIRC national) a de nouveau été condamné à 150 jours de prison ou 90 000 francs d’amende…

Imposons le débat

Le CIRC comme tous les ans est à l’initiative de rassemblement autour du 18 juin. Nous devons y être pour soutenir le droit aux usagers de s’organiser, de se rassembler et de s’exprimer. Nous devons y être pour répondre à une urgence sanitaire, pour faire sortir plus de 15 000 personnes des prisons françaises… Nous devons y être aussi pour politiser ce qui peut n’être qu’une revendication d’une liberté individuelle (c’est déjà cela !). Politiser c’est-à-dire montrer que la prohibition s’inscrit dans une politique plus globale de contrôle social. Politiser pour parler de la légalisation et des logiques marchandes qu’elles soient licites ou illicites. Logique, et on le voit avec l’alcool et le tabac, contradictoire avec toute volonté de faire de la prévention objective et scientifique.

Régis (Nantes)

Rassemblements :

Nantes, 16 juin, 14h00 Place de la Petite Hollande

Paris, 17 juin, 14h00, Parc de la Vilette

Rennes, 18 juin, 18h00 Place de la mairie


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