Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2003N°24 - Novembre 2003 > LA GRANDE VICTOIRE DE CANCUN !

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


LA GRANDE VICTOIRE DE CANCUN !



La conférence ministérielle de l’Organsation mondiale du commerce tenu à Cancun (Mexique) au mois de septembre, a échoué ! Principalement parce que le projet de déclaration finale réaffirmait la logique de dérégulation et de libéralisation des marchés agricoles, dont les conséquences se sont déjà révélées catastrophiques pour des millions de producteurs agricoles, en particulier dans les pays en développement, qui ont cette fois refusé d’


aller plus loin, réclamant que soient pris en compte leurs demandes spécifiques. Depuis le lancement du cycle de négociation à Doha, appelé cycle de développement, les pays du Sud n’ont eu de cesse de revendiquer l’application du traitement spécial et différencié et de demander une plus grande attention aux questions de mise en œuvre des accords. Mais s’ils ont été capables de s’organiser pour faire entendre collectivement leur voix, les pays développés, eux, soucieux uniquement de leurs intérêts capitalistes, sont restés sourds à leur revendication. Le paragraphe sur le coton, dont on a beaucoup parlé, a notamment constitué une véritable injure : il fut suggéré aux pays africains victimes du dumping de résoudre cette question par la diversification de leurs économies « Laissez nous produire notre coton, et faites autre chose » ont répondu les Etats-Unis. Au final, c’est le cynisme des pays développés et, sur cette question en particulier, des Etats-Unis, qui apparaît au grand jour. Le cycle de développement ouvert à Doha n’était bien en définitive, qu’un projet de développement des riches...

Le résultat de la Conférence ministérielle de Cancun a fait apparaître au grand jour la scission Nord/Sud. L’Union Européenne et les Etats-Unis ont eu beau se mettre d’accord avant sur l’agriculture, pierre d’achoppement des négociations, ils se sont heurtés à des groupes particulièrement décidés ; le G22, regroupant les poids lourds économiques des pays en développement, n’a pas plié ; le groupe des plus pauvres, ACP-Union africaine et pays les moins avancés a également su résister, tirant les enseignements des discussions précédentes ; quant au groupe de Cairns, groupe des pays développés et en développement agro-exportateurs, promouvant un libéralisme complet, il n’a pas résisté à ses contradictions internes.

Alors, faut-il se réjouir ou regretter cet échec de la Conférence ministérielle ? Curieusement, ceux là même qui parlent sans arrêt de démocratie pour fustiger le mouvement altermondialiste, ont crié au scandale quand ce dernier s‚en est réjoui. Or, même Joseph Stiglitz, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, l’a dit : l’échec de Cancun est une victoire de la démocratie ! Faut-il donc en effet toujours que les pays africains, les plus pauvres, acceptent un accord qui ne les satisfait pas ?

C’est vrai que le statu quo est entériné. La situation des producteurs de coton ouest africains va rester la même et les Etats-Unis vont pouvoir continuer à perturber le marché par leurs subventions massives à leurs cotonculteurs. Les discussions sur les investissements vont se continuer de façon bilatérale, les pays riches étant libres d’imposer des contraintes importantes aux plus faibles. En fait, si au final les discussions se sont bloquées sur les sujets de Singapour (investissement, marchés publics...), c’est bien parce que le projet de compromis ne comportait aucune réelle avancée sur l’agriculture, qui emploie la majorité de la population active mondiale, essentiellement dans les pays en développement. Vouloir faire de l’agriculture une marchandise comme les autres, ne passe décidément pas  ! C’est donc l’occasion d’affirmer haut et fort qu’il faut prendre le problème et dans sa globalité, comme le réclament les pays du Sud les plus pauvres mais les Etats-Unis et l’Union européenne ne l’entendent pas !
En définitive, l’échec de Cancun a pour le moins fait la démonstration que les rapports de forces continuent de conditionner la conduite de la politique internationale, que la Banque mondiale a voulu appeler pudiquement « gouvernance » comme pour mieux en gommer l’évidence. Mais il a aussi révélé que les contradictions nront pas lieu, au niveau international, qurentre intérêts capitalistes : ces derniers se sont heurtés à des intérêts autres, fondamentaux (droit à l’existence, à l’emploi et à la sécurité alimentaire pour des milliards de personnes dans le monde). Cancun a prouvé l’impossibilité d’aboutir, via l’OMC, à des accords équitables (fondamentalement contradictoire avec la libéralisation) et que la voix des plus pauvres ne peut s’y faire entendre autrement que sur le mode d’un refus. Il laisse cependant grande ouverte la question du lieu et des conditions où les intérêts des populations dominées pourrait se faire entendre. Et celle des alliances entre les pays du Sud et le mouvement altermondialiste...

Lucien


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net