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AccueilJournalNuméros parus en 2003N°24 - Novembre 2003 > VIOLENCES ET COUPLES

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VIOLENCES ET COUPLES


Suite à l’article du mois de septembre sur le même sujet, je souhaitais apporter quelques pierres à un débat qui je l’espère continuera de s’enrichir au fil des contributions des un-e-s et des autres, et dont le mensuel No Pasaran pourrait être la tribune.


Préambule

Je n’envisagerai que "ma" société car je pense (peut-être à tort) que tout n’est pas comparable, qu’on ne peut arriver à une même conclusion à partir de données anthropologiques, historiques, géographiques, etc., toujours divergente d’une société à une autre.


Qu’est-ce que la violence ?

Dans une perspective libertaire, la violence est, pour moi, ce qui entrave et contrevient aux principes d’égalité, de respect, d’intégrité, de liberté, de solidarité… Dans un dictionnaire, c’est une force dont on use contre le droit, la loi ou l’usage impétueux d’une force.

La violence est de différentes formes (physique, symbolique, psychologique, médicale, etc.) et de plusieurs natures et causes (raciale, sociale, religieuse, sexiste, etc.)


La violence sexiste ?

La violence est d’ordre sexiste chaque fois qu’elle a pour raison le sexe de la personne qui est en victime.

Une mère refuse à sa fille l’inscription à l’université parce qu’elle considère que ce n’est pas la place d’une femme : c’est une violence sexiste.

Un groupe de garçons frappe le plus frêle d’entre eux pour le motif que "ce n’est pas un garçon" : c’est une violence sexiste.

Deux femmes se battent suite à un accrochage automobile : ce n’est pas une violence sexiste.


La violence envers les femmes ?

La violence qui s’exerce à l’encontre des femmes est particulière en ce qu’elle touche environ la moitié des individus de la planète terre. Je peux me tromper mais il me semble en effet qu’aucun lieu sur terre n’est exempt de discrimination à l’encontre des femmes (sexuelle, physique, sociale, économique, religieuse, familiale, etc.)

Pourquoi ?

Pour la société judéo-chrétienne, je rappellerai un des grands mythes : celui du Père. Quel homme tout-puissant, au pénis magique qui n’a pas besoin de toucher le vagin d’une femme pour la féconder ! A ce Père est donc associée une vierge (on notera que l’acception Sainte Mère est bien moins usitée dans les textes et l’usage verbal que l’acception Sainte Vierge) et un enfant-mâle-roi.

On pourrait dire que cette société est celle de la peur qu’inspirent les femmes aux hommes, peur de la fécondation, du vagin.

Peut-être s’agit-il de la peur du contrôle du destin de l’humanité par les femmes (et si on refusait majoritairement de faire des enfants, que se passerait-il ?) ou peut-être s’agit-il de refuser la participation à une guerre sans merci pour l’accès à la toute puissance du Père ?

Je n’étais pas là au fil des siècles pour observer la constitution (probablement progressive, dans ses théories comme dans ses pratiques) de cette haine des hommes envers les femmes, laquelle n’est pas résoluble dans la compréhension d’un mythe.

Ce que j’observe, c’est que les femmes ont depuis longtemps été évincées des lieux de pouvoir (peut-on dire que les reines, duchesses, etc., avaient du pouvoirs ? Si oui, était-il reconnu explicitement ou ravalé au rang de persuasion sur l’oreiller ?) Par extension les lieux favorisant l’accès au pouvoir, par exemple les lieux de la connaissance, leur étaient interdits. Pas une femme dans les universités françaises du Moyen Age, la première n’y sera acceptée qu’au 20ème siècle. Acquérir un savoir et savoir-faire de la nature (donc, entre autre, de la médecine) était dangereux pour les femmes : le bûcher et le nom de sorcière vous évoquent bien quelque chose, non ?


Quel rapport ?

Le rapport avec notre sujet se trouve dans la représentation collective inchangée de ce que sont les femmes : au service et à l’usage des hommes, fragiles, intuitives (par opposition à cartésiens), malignes, etc. Cette conception va de paire avec une représentation toute aussi stéréotypée et stéréotypante de ce que les hommes sont sensés incarner. Ces représentations s’apprennent comme on apprend une pièce de théâtre, à une différence près ; on est pas conscient de devenir comédien-ne, d’apprendre à jouer un rôle, quand on s’amuse avec sa panoplie de maquillage, de mécano, guerrier, ménagère, etc. Difficile ensuite de penser que l’on joue un personnage. On ne naît pas femme, on le devient ! (1) On ne naît pas dominateur et violent, on le devient.


Violence et couple


On a répété, suite au drame médiatisé de cette été, qu’en France, de nos jours, environ dix femmes meurent chaque mois sous les coups de leurs partenaires. Mourir des suites de coups… combien alors d’handicapées ? De mutilées ? De blessées ? Combien de claques sans traces statistiques ? Comparée à ma définition de la violence, je rajouterai que l’imposante masse de travail "ménager" non reconnu et effectué dans les couples à large majorité par les femmes est une forme de violence. De même, combien d’hommes usent à répétition de petites phrases, regards, en public ou en privé, derrière lesquels on entend "tais-toi, t’es trop bête, t’es nulle…" ? Pas étonnant que la conception des femmes comme êtres faibles traînent encore dans beaucoup de têtes : qui ne faiblirait pas soumis-e à une dévalorisation continuelle ?


La violence, quand ?


Simplement deux réflexions : il semblerait que dans la majeure partie des cas, les coups portés par un homme sur une femme font suite à ce qu’il considère comme une liberté indue prise par elle : par exemple, aller prendre un café avec un-e ami-e, recevoir un texto d’un ex, répondre avec la même violence à une attaque verbale, etc.

Deuxième réflexion : il existe un stéréotype de l’homme violent qui permet de cacher un réel problème masculin : l’image de l’alcoolo, du type ivre. Or, il semblerait que les rapports alcool-violence ne sont pas majoritaires dans les affaires de femmes battues portées devant la justice. De même ce phénomène ne se cantonne pas à une classe sociale, dans chacune se trouvent des hommes qui, à un moment ou à un autre, n’ont pas contenu, ne contiennent pas, ne contiendront pas leur agressivité.


Couple et violence


D’abord qu’est-ce qu’un couple, je ne suis pas sûre que tout le monde s’entendra. A mon oreille, il semblerait qu’on entende communément derrière "couple" la même chose que "famille" mais sans le contrat de mariage ou de PACS , donc, quelque part, la cooptation affective et préférentielle de deux personnes qui, souvent (pas forcément) habitent un même logement.

La structure couple est intéressante en ce qu’elle est opaque (ce qui l’était moins quand plus de deux générations cohabitaient) pour certaines choses (la consommation y est translucide par exemple). Cependant, je ne croit pas que l’on puisse affirmer que dans sa structure propre le couple incite plus à la violence envers une, les femmes que la structure harem par exemple. Le couple n’est qu’une scène sur laquelle se jouent les textes d’une pièce écrite ailleurs, par d’autres.


Pour ne pas conclure

Je pense n’avoir ici qu’effleuré le thème violence et couple mais j’espère avoir apporté à ma façon des pistes de recherche. La violence des hommes est un problème grave qu’il nous faut comprendre pour ensuite le démanteler. Le couple est également à étudier en lui-même pour tous les éléments du système qu’il sert à pérenniser.

Bref, il y a du pain sur la planche.


Renée


1) Fameuse citation du Deuxième sexe de S. de Beauvoir.


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