Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2003N°24 - Novembre 2003 > SOLIDARITE AVEC LES PALESTINIEN-NE-S

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


SOLIDARITE AVEC LES PALESTINIEN-NE-S


Cristallisation de beaucoup de non-dits, de fantasmes. Y compris chez les libertaires où l’analyse de la situation en Palestine prête à beaucoup plus de controverses que celles d’autres luttes. Fruit d’un reste d’illusion sur le projet des kibboutz ? Difficulté de s’identifier à la lutte du peuple palestinien ? Sourde adhésion à la pensée qui veut que les horreurs commises contre le peuple juif rend difficile toutes critiques de la politique israélienne ?


Et pourtant la réalité sur place dépasse largement tout ce qu’on peut en voir dans les médias. C’est bien une logique coloniale qui est à l’œuvre. Et une logique coloniale non pas d’exploitation mais de nettoyage ethnique. La politique mise en œuvre par l’Etat d’Israél vise à pousser les palestiniens à partir de Palestine pour réaliser le rêve du Grand Israel. Si les méthodes ont changé depuis 1948 (et les massacres de villageois palestiniens comme celui de Deir Yassine pour créer une terreur qui a poussé 800000 d’entre eux à l’exode soit plus de la moitié de la population), la logique reste la même. La construction du fameux Mur de séparation en est un exemple criant. Ce mur, d’abord appelé cloture, est censé protéger Israél des incursions d’activistes palestiniens. Si cela était sa seule raison d’être, il épouserait naturellement les contours de la ligne verte, la frontière de 1967 qui marque la séparation entre la Cisjordanie et Israél. Au lieu de cela il pénètre très en profondeur en Cisjordanie, englobant la pluspart des colonies. Ce mur (haut de 8 mètres, avec déjà en lui même une emprise très importante sur les terres avec ses barbelés électrifiés, ses chemins de ronde, etc…) est en fait constitué de 3 murs : un mur coté ouest entre israél et la cisjordanie, un mur coté est dans la vallée du Jourdain et un Nord. Il aboutit de fait à couper en plusieurs morceaux un hypothétique futur Etat Palestinien transformant celui-ci en bantoustan. 58% de la Cisjordanie actuelle (qui ne représente déjà plus que 22% de la Palestine historique) se retrouvera de fait de l’autre côté du mur, coté israélien, dont toutes les terres agricoles les plus riches. Les dizaines de milliers de palestiniens s’y trouvant seront de fait poussés à un nouvel exode ne serait-ce que pour des raisons économiques. C’est déjà le cas des habitants de la ville de Qalqilya. Située dans le nord de la Cisjordanie, tout près de la frontière entre la Cisjordanie et Israél, cette ville vivait essentiellement du commerce entre israéliens et palestiniens : les israéliens venaient y vendre des produits d’occasion et acheter des produits palestiniens meilleur marché. La ville est d’ors et déjà complètement entouré par le mur. Seul un check-point permet d’y entrer et d’en sortir et encore quand il n’est pas fermé. La plupart des commerces ont fermé transformant petit à petit cette ville en ville fantôme comme les villes minières abandonnées de l’Ouest américain au siècle dernier.

C’est aussi le cas du village de Qaffin dont 80% des terres se retrouvent de l’autre côté du mur. Vivant essentiellement de la culture de l’olivier, les habitants se retrouvent privés de toute ressource. Le traitement réservé aux champs d’oliviers est ainsi un autre exemple des moyens employés pour inciter les palestiniens au départ. Destruction, arrachage d’arbres souvent centenaires voire millénaire, interdiction aux paysans de se rendre sur leur terre (comme dans le village de Yanoun près de Naplouse ou les colons de la colonie Itamar terrorisent en toute impunité les paysans pour les empêcher d’aller cultiver leurs terres), confiscation des terres notamment donc avec le mur, difficulté faite pour vendre la production. Tradition ancestrale et culturellement très importante, la culture de l’olivier est une des cibles de la politique israélienne avec pour objectifs de casser le lien social très important entre les paysans à l’intérieur d’un village et entre les villages et de priver les paysans de moyen de subsistance. Ceux-ci doivent alors partir laissant des terres libres qui peuvent être récupérées par les colons parachevant le processus de colonisation.

C’est sans doute tout cela qui frappe le plus lors d’un séjour là-bas. Plus que la violence, certes très présente mais pas tant (excepté à Gaza et lors d’opérations spéciales de l’armée israélienne) que les médias occidentaux, obnubilés par le seul spectaculaire, le montre, c’est cette pression quotidienne, cette humiliation permanente qui m’a le plus marqué. Pour se rendre au travail (pour ceux qui en ont un dans des territoires ou les trois quarts de la population est au chômage), à l’université, à l’hôpital, visiter quelqu’un de longues heures sont souvent nécessaires pour parcourir quelques kilomètres. Routes barrées obligeant à de longs détours, check-point ou l’arbitraire et l’inéquité sont érigés en mode de fonctionnement par les miltaires israéliens (fouilles, interrogatoires, attente fréquente de plusieurs heures quand ce n’est pas tout simplement une interdiction de passer) rendent tout déplacement compliqué, aléatoire et long.

Malgré tout la plus grande victoire des palestiniens, c’est eux-mêmes qui le disent est de résister encore, de s’être construit une identité dans cette résistance. Pour quel futur ? Beaucoup de ceux que nous avons rencontré se prononcent de plus en plus pour une solution en quelque sorte à la Sud-africaine avec un seul Etat dans lequel tous auraient les mêmes droits. Ils croient de moins à moins à la possibilité de deux Etats. Ou en tout cas ils pensent qu’un Etat palestinien crée dans ces conditions ne serait pas viable. Certains nous disaient qu’en continuant à laisser des colons s’installer en Cisjordanie, le grouvernement israélien était en train de créer les conditions rendant cette solution d’un seul Etat inéluctable : il va devenir de plus en plus difficile d’expulser tous les colons, au nombre maintenant d’environ 300000. Par ailleurs cette hypothèse d’un seul Etat est la seule pouvant permettre de trouver une solution juste au sort des réfugiés. La question des réfugiés est extrêmement prégnante dans la société palestinienne (ce qui n’est guère étonnant puiqu’environ 80% des palestiniens sont des réfugiés) et nul règlement durable ne pourra être effectué sans le droit donné aux réfugiés de choisir soit de pouvoir rentrer chez eux soit d’avoir droit à une indemnisation.

Bien entendu, ce souhait d’un seul Etat n’est pas pas partagé par tous les palestiniens. Beaucoup disent ainsi qu’après tant de souffrance et de haine accumulée depuis 50 ans, ils ne pourraient partager le même Etat avec les israéliens. De même cette solution reviendrait à remettre en cause la judaité de l’Etat d’Israél, ce que les israéliens dans leur immense majorité ne sont pas près d’accepter. Si cette solution ne peut être envisagée qu’à moyen terme, voire à long terme, elle est la plus porteuse d’espoir pour un règlement juste du conflit.


F.-X.


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net