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AccueilJournalNuméros parus en 2003N°24 - Novembre 2003 > MUTINERIE A BORD D’UN AIRBUS A321 D’AIR MEDITERRANEE

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MUTINERIE A BORD D’UN AIRBUS A321 D’AIR MEDITERRANEE


"Ce sont nos frères qu’ils expulsent"… Voilà un exemple de résistance concrète que nous pouvons mener contre les expulsions de sans-papiers. Les luttes ne se mènent pas seulement dans la rue et les offensives sont à multiplier dans chaque situation et espace de vie.


Si vous êtes amateur de voyages pas chers et longue distance, il vous arrivera sûrement un jour ou l’autre, de monter dans un charter, de nuit, à destination par exemple de Bamako, au Mali. Un panier à salade, discrètement stationné au pied de l’escalier de queue de l’avion, loin de la passerelle empruntée par les passagers, vous rappellera peut-être que les services de police chargés des expulsions de sans-papiers affectionnent particulièrement ce genre de situations tardives. Dans ce cas, quelques renseignements hâtivement glanés auprès des personnels au sol (techniciens, chauffeurs de bus, bagagistes...) vous éclaireront facilement sur les raisons de la présence de celui-ci sur le tarmac.


Il est possible, par conséquent, que refusant du même coup de vous taire et vous rendre complice de la politique migratoire de l’Europe forteresse, vous éprouviez la méchante envie d’aller trouver le commandant qui, comme chacun(e) sait, est le seul maître à bord. Pour cela, contacter le premier membre d’équipage qui vous tombe sous la main - en général, c’est le/la chef de cabine, à gauche en entrant, qui contrôle votre carte d’accès à bord en vous souhaitant la bienvenue. Pas la peine de tourner autour du pot, elle/il est au courant de ce qui se passe et le simple fait d’évoquer "les passagers du fond de l’avion" suffit généralement à la/le décider à aller importuner son supérieur. Il se peut que celui-ci vous fasse poireauter un long moment, histoire de vous décourager. Tant pis pour lui et tant mieux pour vous, car pendant ce temps, l’avion se remplit. Lorsqu’il daigne sortir de son cockpit, déclarez-lui calmement que vous faites partie du Collectif Anti-Expulsion (même si c’est pas vrai !), que vous êtes au courant qu’une expulsion se prépare sur son vol et que vous êtes plusieurs parmi les passagers (même si c’est pas vrai non plus !) à être déterminé(e)s à empêcher le décollage tant que les gens qui voyagent contre leur gré ne seraient pas débarqué(e)s. Ce à quoi il vous répondra vraisemblablement qu’il a des directives, qu’on ne lui demande pas son avis et qu’il a déjà transporter plusieurs fois et sans encombre ce genre de passagers.

Rappelez-lui simplement que c’est au commandant de bord et à lui seul (ni à sa compagnie, ni au Ministre de l’Intérieur) d’accepter ce "genre de passagers" et que maintenant qu’il est averti il devra faire face à ses responsabilités. Il est probable qu’à ce moment il essaie de vous intimider en vous menaçant de faire venir la police pour vous expulser vous, en cas de troubles au décollage. Ne prenez même pas la peine de lui répondre qu’il se trompe manifestement d’interlocuteur, car vous, vous êtes d’accord pour voyager et que vous avez même payé votre billet, car maintenant que tou(te)s les passager(e)s sont monté(e)s, qu’ils sont tou(te)s assi(se)s dans leur siège et qu’ils vous ont vu discuter avec le commandant, l’allée centrale est maintenant déserte et il ne vous reste plus qu’à la dévaler pour informer les passagers que quatre réfugié(e)s qui ont refusé leurs misérables conditions d’existence et qui sont venu(e)s chercher une lueur d’espoir en France sont en train d’être expulsé(e)s dans le même vol qu’eux et de leur remémorer le cas de S..Adamou, morte étouffée sous un oreiller afin que ses gémissements n’importunent pas les autres voyageurs. Justement, des gémissements se font entendre du fond de l’appareil.


Les hôtesses vous demandent tout de suite de vous asseoir tandis que les gens se demandent ce qu’ils peuvent faire. Il vous restera juste assez de temps pour exposer la responsabilité du commandant et déclarer qu’il ne tient qu’à ceux qui sont là d’empêcher le décollage de l’avion tant que ces gens seront dedans avant que le commandant ne vous tombe dessus en vous ordonnant de vous asseoir et de la boucler (et pas seulement la ceinture !) en vous menaçant de vous faire descendre de l’avion. Vous pouvez vous asseoir en toute tranquillité car maintenant, ce sont les gens autour de vous qui se lèvent et qui déclarent : "si monsieur descend, descendez-moi avec lui !", "moi aussi !", "c’est pas eux qui doivent descendre, c’est les expulsé(e)s !" Il n’en faut plus beaucoup pour que tout bascule très vite, quelques personnes suffisent, moins d’une dizaine, et moins d’une dizaine, sur 200 passagers, on y est vite… Les hôtesses s’y mettent aussitôt toutes en chœur : "on ne décollera pas tant que tout le monde ne sera pas assis". Mais de plus en plus de gens se lèvent : "on a pas payé notre billet à ce prix pour voyager dans ces conditions !", "ce sont nos frères qu’ils expulsent", "ce sont des êtres humains", "ils les traitent comme du bétail", "ils les ont drogué(e)s !", "et si c’étaient vos fils ?"


Gageons que c’est le moment choisi par le commandant pour s’éclipser dans sa cabine, saisir son téléphone car bientôt, les quatre pandores en faction dans leur fourgon remontent la passerelle, s’emparent des quatre personnes et de leurs bagages et quittent l’avion sous les applaudissements des gens qui sont debout ! Certes, le décollage risque d’avoir accumulé un sérieux retard. Certes, ces malheureux seront probablement jeter dans le prochain vol à destination de leur pays d’origine. Certes ! Mais après ce petit croche-patte à Sarkozy, l’air semblera plus respirable dans la carlingue, les gens se mettront peut-être à bavarder entre eux et même les hôtesses paraîtront plus détendues… Si c’est pas de la citoyenneté ça ! ! !


KAOCEN


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