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AccueilJournalNuméros parus en 2005N°36 - Janvier 2005 > Lettre de Clermont-Ferrand - Résister, c’est créer !!!!!!!!!!!!!!!!

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Lettre de Clermont-Ferrand - Résister, c’est créer !!!!!!!!!!!!!!!!



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Le 6 novembre 2004, Miguel Benasayag était à Clermont-fd pour présenter son dernier ouvrage, hommage à G. Deleuze : L’abécédaire de l’engagement . Philosophe et psychanalyste, il anime le collectif malgré tout et est l’auteur de plusieurs livres dont : Pour une nouvelle radicalité , Le Mythe de l’individu , ou encore Du contre-pouvoir Voilà plus ou moins bien retranscrit, critiqué et intégré, l’exposé/débat fort intéressant dont la qualité fut rehaussée par l’enchanteur accent argentin et l’humour de l’auteur.
Déjà, il faut préciser le titre : c’est d’engagement et non de militantisme dont il est question. Militer, c’est combattre pour une idée, une opinion. En revanche, l’engagement est le fait d’intervenir publiquement sur des problèmes sociaux et/ou politiques. Ainsi, tout le monde s’engage à sa manière et à différents degrés. C’est en partie pour cela que les mots de socialisme, de communisme et d’anarchisme n’ont pas été traités dans cet abécédaire.
L’exposé a commencé par le constat indéniable qu’aujourd’hui nous sommes tous contre mais tous impuissants. Etre profondément contre n’est plus qu’un consensus et pourtant rien ne se passe. Ce livre est donc guidé par cette réflexion : de quel façon sommes-nous engagés ? Car on est toujours pour quelque chose, là où nous sommes. Seulement, cela est rarement assumé dans une société qui a perdu l’axe central qui ordonnait son mythe, le futur, qui apparaît comme un danger désormais. La promesse des lendemains s’est transformée en menace et on se réfugie souvent dans l’immédiateté qui nous empêche d’avancer. Pourtant, dans
ce panorama obscur, des gens se bougent et lancent des pistes vers l’émancipation qui ne sont pas sans embûche. Benasayag affirme que la lutte est tout ou rien à chaque pas de la lutte  ! . En ce sens, on ne peut attendre la liberté, au contraire, il faut développer des processus multiples ici et maintenant. L’idée d’un grand soir n’a jamais été pertinente et elle n’existe que lorsque certains la font miroiter comme une voie de changements et de progrès social. Aujourd’hui, elle est définitivement périmée et sus à ceux qui voudrait la réactualiser dans on ne sait quel but bancal. On comprend ici en quoi ce livre est un hommage à Deleuze et cela ne peut que me réjouir. En effet l’auteur assène : Résister, c’est créer quelque chose de plus désirable que ce que le système crée . Le problème n’est pas la télé, c’est qu’on est incapable de proposer autre chose : ils sont forts car nous sommes faibles. C’est donc en créant une alternative pour résister, que l’on résiste de facto. Pour éclaircir cette assertion, il développe l’exemple des paysans du Mouvement des Sans-Terres dont les réalités de leur engagement sont de savoir comment s’organiser, comment se fédérer face aux latifundiaires et de leurs milices armées. De la sorte, quand le militant arrive avec son savoir matérialisé par le journal sous le bras et qu’il explique qu’un autre monde est possible, ils s’en foutent. Et c’est heureux. Bien sûr qu’ils sont anticapitalistes, mais leur lutte passe par leur auto organisation pour récupérer des terres et vivre et non par des grands discours qu’ils connaissent depuis longtemps. Le militant a cet engouement de celui qui vient de comprendre, celui qui agit a compris depuis longtemps les mécanismes de ce qu’il doit combattre et ses discours se veulent ancrés dans la réalité. Si certains rêvent d’un autre monde possible (dont ils doivent être vraiment peu convaincus puisqu’ils semblent plus occupés à chercher le nombre pour les soutenir qu’à essayer de construire dès maintenant et de façon alternative leur vie et leurs actions), pour les Sans-terre, pour les indiens
du Chiapas, pour Benasayag, le combat se joue dans CE monde, notre monde que nous critiquons. C’est dans ce monde qu’il faut construire des lignes de résistance. Au lieu de nier le capitalisme, reconnaissons plutôt qu’il est incontournable : le capitalisme, c’est nous, c’est la situation qui nous est donnée. Cela n’invalide pas l’action mais au contraire la fonde . Dans cet esprit, on ne peut pas écarter la complexité du monde qu’il faut d’avantage intégrer pour développer des lieux de résistance. Il est plus que jamais urgent de créer dans le monde obscur et non se contenter d’attendre la lumière. Ainsi, c’est la vie qui devient résistance au pouvoir puisque le pouvoir prend pour objet la vie !
Avec cette perspective de contre-pouvoir se pose indubitablement la question du pouvoir en tant que tel. Benasayag a expliqué que les sujets importants ne peuvent être soumis aux seules forces électoralistes. Sans pour autant critiquer l’existence même de pouvoir, il affirme métaphoriquement qu’aucune locomotive ne serait utile sans wagon. En clair : une politique ne peut fonctionner que si elle vient de la base et est acceptée par elle. Ainsi, un élu ne pourrait jamais faire vivre à nouveau la même réalité d’une réussite puisqu’elle ne tient pas à lui. Cependant, le philosophe ne semblait pas prompt à refuser le pouvoir par essence. Pour lui, l’essentiel est vraiment de penser la complexité de manière concrète. Il faut penser les choses là où elles se passent d’où son engagement au côté des No Vox, dans les luttes sur le terrain qui mettent le pouvoir et les autorités en porte-à-faux. Une question pertinente qui est intervenue dans le débat fut : quand est-ce que ces actions alternatives arrangent ou dérangent vraiment le système qu’elles sont censées combattre ? La réponse fut claire : sans tomber dans le réformisme, au pire, on risque de perdre du temps mais jamais il n’y aura de goulags ! Sinon Benasayag a encore insisté sur la fidélité de l’individu dans son engagement comme clause déterminante à l’action ; Il n’y a pas de lace à la compromission par distraction. Son parcours, qui l’a mené de la guérilla argentine à France Culture dont il a été remercié, n’y est certainement pas pour rien dans cette énonciation. La fidélité, précisément, est incontournable car l’engagement, c’est mettre son corps. Ce n’est pas seulement penser et dire : c’est agir. C’est d’ailleurs pour cela que l’Etat s’est doté de la répression.
Un dernier point, sur lequel l’exposé/débat fut conclu, est le besoin, dans ces conditions d’actions, d’avoir un rapport étroit avec la théorie mais d’oublier les étiquettes. La seule étiquette pouvant rassembler est ce qu’on fait au moment où on le fait et avec les personnes qui le font. Les divergences théoriques et idéologiques n’auraient donc plus lieu d’être dès lors qu’on se place dans une logique d’action. Compte tenu de cela et pour ne pas conclure, je dirai : je suis prêt à agir avec celles et ceux qui le désirent, sur des bases claires et sans arrière-pensée de récupération, mais je sais que je ne peux pas agir avec tout le monde ! .
Filochar

Voilà un article qui paraîtra dans le prochain numéro de la claque (fanzine anarchiste sur Clermont-fd).


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