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> Lettre de Clermont-Ferrand - Résister, c’est créer !!!!!!!!!!!!!!!!
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Lettre de Clermont-Ferrand - Résister, c’est créer !!!!!!!!!!!!!!!!
Le 6 novembre 2004,
Miguel Benasayag était à Clermont-fd pour
présenter son dernier ouvrage, hommage à G.
Deleuze : L’abécédaire de
l’engagement . Philosophe et psychanalyste, il
anime le collectif malgré tout et
est l’auteur de plusieurs livres dont : Pour une
nouvelle radicalité , Le Mythe de
l’individu , ou encore Du contre-pouvoir
Voilà plus ou moins bien retranscrit,
critiqué et intégré,
l’exposé/débat fort intéressant dont
la qualité fut rehaussée par l’enchanteur
accent argentin et l’humour de l’auteur.
Déjà, il faut
préciser le titre : c’est d’engagement et
non de militantisme dont il est question. Militer, c’est
combattre pour une idée, une opinion. En revanche,
l’engagement est le fait d’intervenir publiquement
sur des problèmes sociaux et/ou politiques. Ainsi, tout
le monde s’engage à sa manière et à
différents degrés. C’est en partie pour
cela que les mots de socialisme, de communisme et
d’anarchisme n’ont pas été
traités dans cet abécédaire.
L’exposé a commencé
par le constat indéniable qu’aujourd’hui
nous sommes tous contre mais tous impuissants. Etre
profondément contre n’est plus qu’un
consensus et pourtant rien ne se passe. Ce livre est donc
guidé par cette réflexion : de quel façon
sommes-nous engagés ? Car on est toujours pour quelque
chose, là où nous sommes. Seulement, cela est
rarement assumé dans une société qui a
perdu l’axe central qui ordonnait son mythe, le futur,
qui apparaît comme un danger désormais. La
promesse des lendemains s’est transformée en
menace et on se réfugie souvent dans
l’immédiateté qui nous empêche
d’avancer. Pourtant, dans
ce panorama obscur, des gens se
bougent et lancent des pistes vers
l’émancipation qui ne sont pas sans
embûche. Benasayag affirme que la
lutte est tout ou rien à chaque pas de la lutte
! . En ce sens, on ne peut attendre la
liberté, au contraire, il faut développer
des processus multiples ici et maintenant.
L’idée d’un grand soir n’a
jamais été pertinente et elle
n’existe que lorsque certains la font miroiter
comme une voie de changements et de progrès
social. Aujourd’hui, elle est
définitivement périmée et sus
à ceux qui voudrait la réactualiser dans
on ne sait quel but bancal. On comprend ici en quoi ce
livre est un hommage à Deleuze et cela ne peut
que me réjouir. En effet l’auteur
assène : Résister, c’est
créer quelque chose de plus désirable que
ce que le système crée . Le
problème n’est pas la télé,
c’est qu’on est incapable de proposer autre
chose : ils sont forts car nous sommes faibles.
C’est donc en créant une alternative pour
résister, que l’on résiste de
facto. Pour éclaircir cette assertion, il
développe l’exemple des paysans du
Mouvement des Sans-Terres dont les
réalités de leur engagement sont de
savoir comment s’organiser, comment se
fédérer face aux latifundiaires et de
leurs milices armées. De la sorte, quand le
militant arrive avec son savoir
matérialisé par le journal sous le bras
et qu’il explique qu’un autre monde est
possible, ils s’en foutent. Et c’est
heureux. Bien sûr qu’ils sont
anticapitalistes, mais leur lutte passe par leur auto
organisation pour récupérer des terres et
vivre et non par des grands discours qu’ils
connaissent depuis longtemps. Le militant
a cet engouement de celui qui vient de
comprendre, celui qui agit a compris depuis longtemps
les mécanismes de ce qu’il doit combattre
et ses discours se veulent ancrés dans la
réalité. Si certains rêvent
d’un autre monde possible (dont ils doivent
être vraiment peu convaincus puisqu’ils
semblent plus occupés à chercher le
nombre pour les soutenir qu’à essayer de
construire dès maintenant et de façon
alternative leur vie et leurs actions), pour les
Sans-terre, pour les indiens
du Chiapas, pour Benasayag, le
combat se joue dans CE monde, notre monde que nous
critiquons. C’est dans ce monde qu’il faut
construire des lignes de résistance.
Au lieu de nier le capitalisme, reconnaissons
plutôt qu’il est incontournable : le
capitalisme, c’est nous, c’est la situation
qui nous est donnée. Cela n’invalide pas
l’action mais au contraire la fonde . Dans
cet esprit, on ne peut pas écarter la
complexité du monde qu’il faut
d’avantage intégrer pour développer
des lieux de résistance. Il est plus que jamais
urgent de créer dans le monde obscur et non se
contenter d’attendre la lumière. Ainsi,
c’est la vie qui devient résistance au
pouvoir puisque le pouvoir prend pour objet la vie !
Avec cette perspective de
contre-pouvoir se pose indubitablement la question du
pouvoir en tant que tel. Benasayag a expliqué
que les sujets importants ne peuvent être soumis
aux seules forces électoralistes. Sans pour
autant critiquer l’existence même de
pouvoir, il affirme métaphoriquement
qu’aucune locomotive ne serait utile sans wagon.
En clair : une politique ne peut fonctionner que si
elle vient de la base et est acceptée par elle.
Ainsi, un élu ne pourrait jamais faire vivre
à nouveau la même réalité
d’une réussite puisqu’elle ne
tient pas à lui. Cependant, le philosophe ne
semblait pas prompt à refuser le pouvoir par
essence. Pour lui, l’essentiel est vraiment de
penser la complexité de manière
concrète. Il faut penser les choses là
où elles se passent d’où son
engagement au côté des No Vox, dans les
luttes sur le terrain qui mettent le pouvoir et les
autorités en porte-à-faux. Une question
pertinente qui est intervenue dans le débat fut :
quand est-ce que ces actions alternatives arrangent ou
dérangent vraiment le système
qu’elles sont censées combattre ? La
réponse fut claire : sans tomber dans le
réformisme, au pire, on risque de perdre du
temps mais jamais il n’y aura de goulags ! Sinon
Benasayag a encore insisté sur la
fidélité de l’individu dans son
engagement comme clause déterminante à
l’action ; Il n’y a pas de lace à la
compromission par distraction. Son parcours, qui
l’a mené de la guérilla argentine
à France Culture dont il a été
remercié, n’y est certainement pas pour
rien dans cette énonciation. La
fidélité, précisément, est
incontournable car l’engagement, c’est
mettre son corps. Ce n’est pas seulement penser
et dire : c’est agir. C’est
d’ailleurs pour cela que l’Etat
s’est doté de la répression.
Un dernier point, sur
lequel l’exposé/débat fut conclu,
est le besoin, dans ces conditions d’actions,
d’avoir un rapport étroit avec la
théorie mais d’oublier les
étiquettes. La seule étiquette pouvant
rassembler est ce qu’on fait au moment où
on le fait et avec les personnes qui le font. Les
divergences théoriques et idéologiques
n’auraient donc plus lieu d’être
dès lors qu’on se place dans une logique
d’action. Compte tenu de cela et pour ne pas
conclure, je dirai : je suis prêt
à agir avec celles et ceux qui le
désirent, sur des bases claires et sans
arrière-pensée de
récupération, mais je sais que je ne peux
pas agir avec tout le monde ! .
Filochar
Voilà un article qui
paraîtra dans le prochain numéro de la
claque (fanzine anarchiste sur Clermont-fd).
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