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          > N°36 - Janvier 2005 
          
          > Ecole, CDI, retraite, cimetière - Pourquoi refuser le paradis sur Terre ?
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 | Ecole, CDI, retraite, cimetière - Pourquoi refuser le paradis sur Terre ?
 
 De temps 
 à autres, des gens payés pour être 
 inquiets nous demandent pourquoi on milite. Nous 
 pourrions avoir, certes, d’autres activités 
 passionnantes, il suffit d’ailleurs de regarder autour 
 de soi pour voir le niveau d’épanouissement dans 
 lequel on baigne. Alors, pourquoi s’emmerder à 
 investir des lieux, exprimer ses idées, mettre 
 sur pied de nouvelles organisations sociales, alors 
 qu’on pourrait jouer tranquillement au Rapido en 
 sortant du boulot ? A mon avis, c’est que ça 
 cache une certaine folie  
 De part le monde, certaines 
 personnes, particulièrement obtues et 
 contrariantes, engagent leur corps et leur conscience 
 pour des broutilles : parce qu’elles se font expulser 
 de leur terre ou logement, licencier, parce qu’un 
 milliard de gosses vivent sous le seuil de 
 pauvreté, parce que leur environnement et leur 
 culture se fait détruire par le capitalisme, ou 
 que leur famille s’est faite abattre comme des chiens 
 par des escadrons de la mort.  
  
 Que des gens de mauvaise foi, 
 donc. Car, il doit en falloir pour continuer.  
  
 Quand ça va un peu trop 
 loin, une armée se chargera de faire le 
 nettoyage parmi les récalcitrants. Ainsi les 
 militaires français arrivent ainsi à 
 tenir tête, dans leur blindé, aux 
 ivoiriens qui les attaquent à mains nues. C’est 
 beau la grandeur de la France, ça me donne envie 
 de chanter la Marseillaise à tue-tête, 
 comme le ridicule ne tue plus mais emprisonne. Pauvres 
 Ivoiriens, qui n’ont pas compris tout le bonheur que 
 leur préparait la nomenclature de riches 
 français qui les exploitent à bon compte. 
 Mais bon, pour résoudre les problèmes il 
 suffit de tirer dans le tas, c’est que des noirs 
 après tout et toutes ces histoires c’est 
 très compliqué, ouh là là, 
 passons  
 Il y a donc beaucoup de personnes 
 qui affirment avoir des raisons sérieuses de se 
 lutter. Mais en France ? Allez, on se plaint la 
 bouche pleine, comme nous affirme le chaland qui 
 passe sur les tables de presse, au marché de 
 Saint Fier-dans-son-trou. Bon, OK y’aurait 12 millions 
 de pauvres (*), pas mal d’autres problèmes 
 sociaux, la guerre sécuritaire contre toutes 
 celles et ceux qui refusent le Paradis 
 consumériste, une société qui 
 reste patriarcale et xénophobe dans ses 
 fondements Mais pour le reste ça va, non 
 ?  
  
 Le but du jeu, c’est d’avoir un 
 putain de CDI. Le pied. Le passe-droit au bonheur. Avec 
 un CDI, t’as le droit de t’endetter, d’acheter un 
 écran multimédia blindé vachement 
 cher, une voiture pour trimbaler ailleurs ton spleen 
 existentiel et comme dirait mon AS on peut même 
 acheter un grille-pain Un grille pain, bon sang, 
 c’était vraiment le truc qui me  
  
 manquait, quand je pense que 
 jusqu’ici je n’avais aucun but dans la vie ! Moi, 
 j’ai dis oui à pleine dent, je veux mon grille 
 pain, de toute façon c’est ça ou couic !, 
 plus de RMI. Le matin en te levant tu peux te faire des 
 tartines grillés, ça t’aide à 
 tenir les huit heures d’obéissance au patron. 
 Tout va bien  
 Non c’est vrai que le CDI c’est 
 formidable. Tout le monde le dit, donc c’est vrai. Il 
 ne devrait même pas y avoir de vacances. Le 
 travail, d’ailleurs, ce sont nos vacances, ça 
 nous repose du militantisme où l’on doit 
 créer, se battre, débattre, se 
 débattre, faire de la diplomatie, impulser et 
 participer à des activités collectives. 
 C’est passionnant mais fatiguant tout ça, 
 vivement la prochaine mission en intérim 
  
 Le CDI, à 
 côté, c’est repos, c’est peinard. Pendant 
 40 ans, que tu sois employé de banque, 
 caissière hip hop prisunic, conseiller ANPE ou 
 journaliste, surtout journaliste, tu 
 réfléchis pas, tu te fondes dans les 
 conventions sociales, tu fais ce qu’on te dit de faire, 
 et à la fin du mois t’as de l’argent pour 
 t’aider à oublier ce que tu n’as pas appris. Le 
 travail c’est la Santé, la majuscule n’est pas 
 une faute. Tout le monde est heureux de travailler, 
 ça se sent tellement que j’ai du mal à 
 comprendre comment je ne l’avais pas vu. Quand le 
 week-end arrive, c’est d’ailleurs pour ça que 
 tout le monde se taille en courant et sans se retourner 
 - pour ne pas nourrir le regret de quitter son cher 
 poste de travail.  
  
 Une fois que j’aurais 
 décroché le Graal, enfin le CDI, il me 
 manquera une femme longue durée, puis les deux 
 enfants, ou un homme longue durée avec deux 
 chiens, maintenant que c’est toléré, bien 
 que le rite de passage  de l’essence 
 enflammée sur la peau - me laisse perplexe (m’en 
 fous, choisirais un pompier). Et puis après, une 
 fois que la vie est meublée, c’est là 
 où c’est un peu long, certes. Il faut attendre 
 la retraite 40, 45 ans. Bon, pas de quoi en souffrir 
 non plus, tout va bien. Comme on me le 
 répète tous les jours, il suffit juste de 
 gérer. Faut espèrer que 
 Robert le pompier ne ronfle pas trop la nuit, qu’il ne 
 se rase pas les poils des pattes, que la bagnole ne 
 tombe pas trop souvent en panne, qu’on ne nous 
 dégraisse pas une fois la quarantaine 
 dépassée, que les chiens ne soient pas 
 trop pénibles pendant leur crise d’adolescence 
 (mais pourquoi se révolter ? Tranquille les 
 chiens sinon vous n’aurez pas de CDI, tsss !) Etc. Pour 
 le modèle femme c’est à peu près 
 pareil, sauf que ça ronfle moins fort.  
  
 A côté de tant de 
 bonheur, le militantisme apparaît bien fade. On a 
 qu’une vie Il ne faut pas la passer à se 
 battre, à pen 
  
 ser par soi-même, à 
 participer à de nouvelles organisations 
 sociales. Toutes ces aventures, ces espaces de 
 liberté que l’on arrache sont vains et 
 très ennuyeux. On vous avait embobiné, 
 ça ne vaut pas l’intégral des Feux de 
 l’amour en DVD.  
  
 Allez, c’est OK je 
 décroche à mon tour et m’engage 
 formellement à ne plus jamais dire ou 
 écrire :  
  
 * Que cette 
 société est une société de 
 merde, par les inégalités qu’elle 
 engendre, par son non-sens, par son carcan 
 étouffant qui réduit la vie à 
 l’aspect de bouffeur/producteur d’inepties et de 
 nuisances ;  
  
 * Que nos positions 
 politiques sont non-négociables, que tout le 
 monde doit avoir accès à une permanence 
 des ressources, que nous refusons l’organisation 
 étatiste, que nous ferons tout pour impulser 
 d’autres modes d’organisations, 
 fédéralistes et libertaires ;  
  
 * Que repousser les limites 
 du maximum possible pour vivre en accord avec ses 
 idées est plus digne et épanouissant que 
 de courber l’échine en attendant la mort.  
  
 * Qu’être 
 acteur/actrice social-e est une aventure collective 
 passionnante ; une des seules qui en vaille le coup, et 
 que tout le monde est le bienvenu, car tous les espaces 
 de vie sont à investir et révolutionner.  
 
  
 Il ne faut pas avoir de 
 prétentions ou de fierté, il faut 
 respecter les hommes politiques, les flics et leur 
 matraque, le contrôle social c’est génial, 
 crever pour son patron ça crée de 
 l’emploi, respecter ses engagements, c’est des 
 conneries, regarde les Verts, Voynet, Cohn Bendit et 
 consorts donnent l’exemple Il ne faut pas 
 réfléchir, ni agir, ni créer du 
 collectif, on s’occupe de vous, tout va très 
 bien se passer, allez, gentil, mange tes canines 
  
 Bon, voilà, 
 j’espère que ça suffit  
 Alors, cette rallonge de RMI, 
 ça arrive ?  
  
 Raphaël  
 (*) je compte les 5 millions de 
 chômeurs (3 millions plus ceux qui sont 
 écartés des stats), plus leur famille, 
 plus les exclus de tout, plus les retraités au 
 minimum vieillesse (4 millions de personnes !), les 
 personnes handicapées etc. et l’on arrive 
 à ce chiffre. Lorsqu’on dit qu’il y a trois 
 millions de pauvres en France, c’est du pur foutage de 
 gueule, 3 millions c’est le nombre d’inscrits à 
 l’ANPE et ce chiffre à force de manipulations, 
 d’exclusions, de remaniements des catégories ne 
 correspond plus à rien Mais, si l’on se 
 base sur le revenu réel au lieu de 
 se baser simplement sur un revenu mensuel (salaires, 
 bénéfices) les chiffres explosent. Nous 
 reviendrons sur ces manipulations comptables dans un 
 dossier sur la pauvreté, lors d’un prochain No 
 Pasaran.  
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