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AccueilJournalNuméros parus en 2005N°36 - Janvier 2005 > Bon, ça suffit !

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Bon, ça suffit !



Un mardi de décembre, nous avons invité une militante du Planning Familial de Nantes à venir discuter de l’Interruption Volontaire de Grossesse. Après une mise perspective historique, nous avons discuté de la nécessité de rester vigilant-e-s et mobilisé-e-s autour de cet enjeu de la libre disposition du corps : contraception et avortement libres et gratuits pour toutes !
La pratique de l’IVG existe depuis la nuit des temps, on en retrouve des représentations sur les temples égyptiens.
Sous Napoléon, l’émergence de la classe ouvrière fait sortir les femmes de la maison entraînant des revendications féministes sur l’égalité au quotidien. A la fin du XIXème siècle on trouve des groupes néo-malthusiens visant à limiter les naissances. Ce mouvement prend de l’ampleur pendant la guerre avec notamment la grève des ventres jusqu’à inquiéter le pouvoir de la troisième République. Celui-ci promulgue une loi en 1920 faisant de l’avortement un crime passible de peine de mort tant pour les femmes ayant avorté que pour les per
sonnes ayant facilité la pratique de l’IVG.
La peine de mort reste en vigueur jusqu’en 1948, date de la dernière exécution pour avortement. Dans l’intervalle cette loi n’a évidemment pas empêché la pratique de l’IVG, ni enrayé l’inégalité d’accès à ces pratiques : les femmes aisées pouvaient bénéficier de conditions d’hygiène moins dangereuses en payant des médecins alors que les femmes du peuple, recourant aux faiseuses d’ange dans des conditions d’hygiène déplorables subissaient un taux de mortalité surélevé.
Entre 1920 et 1945, de 800 000 à 900 000 avortements sont pratiqués par an (soit 4 fois plus qu’aujourd’hui en France).
Dans les années 50, des médecins créent le groupe maternité heureuse défendant le droit des femmes à contrôler leur fécondité. La revendication est publiquement et clairement énoncée : les femmes doivent obtenir le droit de choisir d’avoir ou non des enfants. Quatre ans plus tard, la maternité heureuse devient le Mouvement Français pour le Planning Familial (MFPF). Au moment de la législation de la contraception en décembre 1967, les militant-e-s du MFPF qui s’affiche comme un mouvement d’éducation populaire, déclarent que la contraception n’est pas exclusivement l’affaire des médecins.
Il faudra attendre la fin des années 60 pour que les rapports de force imposés par le MLF (mouvement de libération des femmes) et le MLAC (mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception) créent une brèche via l’adoption de la loi Neuwirth (1967) autorisant la pilule. Cependant elle n’est appliquée que deux ans après et assortie d’une interdiction de publicité. Si bien que le nombre d’avortements ne diminue pas et il reste pratiqué dans des conditions extrêmement dangereuses. En effet, les méthodes artisanales employées provoquent la plupart du temps des hémorragies et des expulsions partielles qui conduisent, en fin de
course, à l’hospitalisation. Sachant que les hôpitaux sont alors aux mains des corps religieux hostiles à l’IVG, on assiste à une véritable hécatombe de femmes. La mobilisation des féministes, des intellectuelles, jeunes médecins, avocat-e-s continue. Des séances publiques d’avortement sont organisées par le MLAC dont les réseaux se renforcent tant pour former aux pratiques de l’IVG, que pour permettre aux femmes d’interrompre leur grossesse (voyages à l’étranger, avortements clandestins, centres d’accueil) ; dans les années 70, les 343 salopes bravent la loi par leur manifeste dans lequel elles se déclarent coupables d’avoir avorté ou pratiqué des avortements. Le procès de Bobigny, jugeant des mineures victimes de viols ayant avorté, défendues par Gisèle Halimi, entraîne des déclarations de médecins solidaires
Le gouvernement Pompidou refuse de céder sur le terrain de l’IVG. Son successeur à la présidence, Giscard, ayant promis de se pencher sur cette question en charge Simone Veil, ministre de la santé. Lors du débat à l’assemblée nationale, Simone Veil présente son projet de loi et se fait harceler, insultée, et obtient malgré tout un cadre législatif à l’IVG. Hors de ce cadre, l’acte demeure juridiquement criminel. Les dispositions législatives imposent le délai de 10 semaines de grossesse (12 semaines d’absence de règles), un entretien social suivi d’une semaine de réflexion, et n’est voté qu’au titre expérimental de 5 ans. Les arguments de défenses de cette loi ne sont pas du tout dans une optique mon corps m’appartient , mais bien dans un souci de santé publique.
En outre, l’opposition à l’avortement s’organise, au début autour du Professeur Lejeune (beau-père de l’actuel ministre Hervé Gaymard) et de l’association laissez-les vivre .
On voit que c’est bien la lutte féministe qui a poussé à l’adoption d’une loi et d’une avancée en faveur du droit des femmes. Cependant, malgré la loi, la lutte reste d’actualité. Et c’est encore les militant-e-s des droits des femmes à disposer librement de leur corps qui permettent bien souvent que ce droit soit réalité.
Dès le début des années 80, les groupes anti-IVG commencent les attaques commandos, en s’enchaînant aux tables d’opération, en bloquant l’accès aux Centre d’IVG, il faut attendre de nombreuses contre-manifestations et mobilisations pour qu’en 1993 seulement la loi Neiertz soit adoptée, faisant de l’entrave à l’IVG un délit.
En Europe, les disparités sont grandes : pays où l’avortement n’est toujours pas autorisé, délais variant de 24 semaines pour l’Angleterre à 12 semaines pour la France (délai allongé en 2001). En France même, on voit que c’est de l’implication des féministes et des médecins militant-e-s que dépendent les conditions pratiques de l’IVG.
Des absurdités persistent et ne facilitent pas l’accès à l’IVG dans des conditions satisfaisantes : la tarification de l’acte d’IVG n’est pas très rémunéré, et implique donc que les médecins faisant ce choix agissent quasiment dans une démarche militante ; à cause de la restructuration des hôpitaux, on trouve au même étage (à Nantes par exemple) les services d’IVG et de traitement de la stérilité et les frictions qui peuvent avoir lieu entre les personnes fréquentant la même salle d’attente dans des optiques fort différentes .
Le relèvement de la tarification de l’acte médical d’IVG, l’allongement des délais, la dépénalisation de l’avortement hors du cadre imposé par la loi, restent des revendications portées sous le pouvoir socialiste. Martine Aubry, à qui échoit ce dossier ne veut pas en entendre parler. Elle fait réaliser par le Professeur Nizan un rapport à ce sujet, et ne souhaite pas donner suite aux préconisations qui en sont issues. C’est de nouveau sous la pression des militant-e-s, par des cam
pagnes de presse, par la présence à l’Assemblée lors des débats, par la mise en cause de la gauche dont le discours en faveur des droits des femmes n’est suivi d’aucune pratiques que l’avortement quitte le code pénal pour rejoindre celui de la santé. Les délais sont allongés : on passe de 12 semaines de grossesse (14 d’aménorrhée) ; les mineures peuvent se passer de l’autorisation des parents (pour l’anesthésie générale notamment) et être accompagnée d’un-e majeur-e de leur choix pour leurs démarches (pas forcément d’être accompagnées lors de l’acte médical lui-même).
La loi permet également l’accès médicamenteux hors des structures hospitalières.. Or, si la loi passe en 2001, il faut attendre mai 2002 pour que soient mis en place les décrets d’encadrementmais pas les décrets d’application proprement dits. Il faut attendre encore que passe Mattéi au ministère de la santé, des campagnes de presse.. pour qu’enfin Douste-Blazy promulgue le décret d’application qui annule et remplace tous les décrets précédents y compris les décrets d’encadrement légal. On se retrouve donc en 2004 avec un décret d’application d’une pratique médical qui n’est plus réglementée (quelle formation des médecins, etc). On retrouve un délai très court pour le recours à l’IVG médicamenteuse
(5 semaines de grossesse), certains médecins imposent encore le délai de réflexion d’une semaine, etc Ces délais sont extrêmement courts : on se rend bien compte que le temps de se rendre compte de sa grossesse, d’entreprendre les démarches, etc.. on arrive vite à la fin du temps imparti par la loi.
D’autre part, le déficit d’information quant à cette disposition contraceptive, ainsi que d’autre est très grave : la circulaire Royal de juillet 2001 a beau imposer que soient dispensés des modules d’enseignement sur la sexualité ce sont là encore, les féministes qui doivent se mobiliser et établir un rapport de force auprès des directeurs et directrices d’établissements scolaires pour que l’information se fasse, que les infirmières scolaires soient suffisamment nombreuses, prescrivent la pilule du lendemain, etc Rappelons que cette pilule peut-être délivrée dans n’importe quelle pharmacie en théorie parce qu’en pratique, on assiste à environ 70% de refus !
C’est la question de l’autonomie des femmes à maîtriser leur fécondité, à disposer de leurs corps qui est en jeu : les comportements et les prises de conscience sont plus que nécessaire, à l’heure où au Planning par exemple, on fait face à de très nombreuses situations de rapports forcés, et dans des conditions imposées par le mâle (port du préservatif, par exemple). Une réelle éducation à la sexualité, et on pas des cours de reproduction d’un point de vue anatomique par des profs de bio pourraient éviter ce genre de situations chez des jeunes filles et des femmes.
Les militant-e-s surveillent de près toutes les entraves de fait à l’IVG et luttent contre : en Ile de France ou en PACA par exemple, il faut un délai de trois semaines pour avoir un premier rendez-vous !!! Alors que le délai légal de l’avortement est, rappelons-le de 12 semaines !!! Les attaques directes contre l’IVG sont un réel danger : le collectif 30 ans ça suffit regroupe 32 associations anti-IVG, on voit des parlementaires donner une existence légale au ftus en proposant de créer un délit d’interruption involontaire de grossesse lors d’accident de la route par exemple, autant de brèches législatives dans lesquelles n’auraient manqué de s’engouffrer les opposants des droits des femmes à disposer librement de leurs corps.
Mélanie


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