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 | UNE (VIEILLE ?) HISTOIRE DE CHOIX
 
 Pour les 30 ans de la loi Veil, pourquoi 
 ne pas se payer une petite réflexion sur la question du 
 choix, du choix de la défense de l’avortement ou 
 non, pas celle du choix individuel (il est évident que 
 ce n’est pas dans No Pasaran qu’on trouvera un avis 
 prescriptif) ? Se dire pro-choix concernant l’avortement, 
 est-ce que cela n’impliquerait pas de mener une 
 réflexion de fond sur ce que c’est que choisir ? 
 Et cela pour voir si choisir est toujours un acte libre, et 
 aussi afin de comprendre ce que signifie ne pas avoir le droit 
 de choisir pour ceux qui, contre nous, se disent  pro-vie 
 (comme si le choix, c’était à 
 l’inverse la mort). 
  
 Dans la 
 question du choix, on peut séparer deux champs 
 à analyser : le premier est le sens 
 irréductiblement individuel, il concerne la 
 question de la liberté. Le deuxième, 
 c’est le sens du choix dans une culture / 
 société donnée et de 
 l’interaction qui existe entre le choix personnel 
 et le choix prescrit par le modèle social.  
 Le choix, qu’est-ce que 
 c’est ? 
  
 Tout d’abord, le choix, 
 qu’est ce que c’est ? Un acte ? Un 
 état intérieur ? Un sentiment ? Une 
 sensation ? C’est où ? C’est quand ? 
 C’est un terme simple, et globalement tout le 
 monde comprend quand on dit  j’ai choisit 
 un tee-shirt noir plutôt que rouge . Mais 
 si on veut cerner précisément ce 
 qu’est le choix, on va alors très vite 
 tomber dans l’indéterminé. Une 
 chose si évidente est tout d’un coup floue 
 et imprécise.  
  
 On peut dire que le choix, 
 c’est le passage à l’acte 
 après la décision : le choix, c’est 
 ce qui se voit.  
  
 On peut dire aussi que le choix 
 c’est un ensemble de choses : analyse des 
 circonstances, goût, pesée du pour et du 
 contre, action. C’est de cette manière 
 qu’on a longtemps expliquer le 
 phénomène du choix,  les 
 procédés de la volition  (Thomas 
 d’Aquin, Somme théologique). Pendant des 
 siècles les philosophes se sont acharnés 
 à catégoriser le choix, à en 
 cerner les limites, en donner une belle 
 définition rationnelle. Mais pourtant, quelque 
 chose résiste à ces belles 
 théories : tout cela ne nous dit pas ce 
 qu’est le choix mais qu’en penser a 
 posteriori. C’est une grille de lecture 
 arbitraire. Et ayant inscrit l’homme  
  
 dans un projet intangible (celui 
 de dieu), toute manifestation de l’homme pour 
 sortir de ce projet (c’est à dire tout 
 choix assumé sans référence 
 à la volonté de Dieu) est pour ce 
 modèle inacceptable, irrationnelle. A partir de 
 cela, le mauvais choix est celui de l’homme qui 
 est incapable de voir ou d’entendre le projet de 
 Dieu. Il est alors soit un pécheur, soit un fou. 
 
  
 Illusion de la liberté, 
 l’idéologie moderne du choix  
 Ce prisme chrétien 
 n’est pas forcément celui dont on se 
 réclame habituellement : la modernité 
 s’est fondée sur l’illusion 
 d’une absolue liberté de l’individu. 
 Cette liberté mythifièe (au point de 
 devenir l’étendard des libéraux) 
 est une liberté théorique qui ne 
 s’applique pas. L’individu moderne se pense 
 comme libre de ses choix tout en faisant rarement usage 
 de cette liberté. De plus, on peut parler 
 d’une  illusion  de liberté 
 pour des individus que le système social 
 façonne pour en faire des esclaves (de la 
 consommation, de différentes formes 
 d’autorité politiques, économiques 
 ou culturelles). Si certains s’opposent à 
 la vision chrétienne du choix, ils peuvent le 
 faire en pensant que pour eux, le choix est 
 l’expression naturelle d’une liberté 
 qui existe et serait apportée par le contexte 
 politique (des Etats Démocratiques 
 Européens, par exemple). Mais on ne peut que 
 s’étonner devant la naïveté du 
 propos ;est-ce bien de la naïveté, ne 
 serait-ce pas plutôt la plus pure forme du 
 cynisme ?  
  
 En effet concernant la dimension 
 socia 
  
 le du choix, des choix anodins 
 peuvent être expliqués par le contexte 
 social et les déterminations observables 
 d’une culture particulière (ça 
 c’est le boulot de la sociologie). La conception 
 du choix que nous utilisons est une conception à 
 la base fixée par le prisme de la 
 chrétienté, à mi chemin entre la 
 basse condition de la créature, et 
 l’immense champ de détermination (le 
 monde) ouvert à notre liberté, mais en 
 tout cas un prisme centré sur l’individu. 
 Esclaves déterminés au malheur (version 
 chrétienne), maîtres malgré tout de 
 nommer et de connaître le monde (illusion 
 moderne). A la fois déterminé et 
 indéterminé. Le cul entre deux chaises. 
 Et le plus, important, là dedans, c’est 
 que notre conception du choix provient de ce contexte : 
 la culture occidentale s’est construite sur la 
 représentation du choix comme misère (de 
 soi) et comme pouvoir (sur les autres). 
  
 Et nous, là dedans ? 
  
 Choisir , d’un point de vue 
 libertaire, ne peut être que la volonté 
 d’affirmer la liberté de l’individu 
 face à l’oppression sociale qui cantonne 
 la femme dans un rôle de  mère 
 (Marie) ou dans un rôle de  pute 
 (Marie-Madeleine, Eve, Lilith) ; et 
 l’homme dans un rôle de  bon fils- 
 bon père  (Joseph, Jésus, les 
 martyrs, Abel) ou de  traître  
 (Judas, Caïn, le pécheur). Le 
 manichéisme est ici un moyen de 
 l’oppression sociale et culturelle sur les 
 individus. Simplifier l’horizon du choix, avec 
 d’une part un bien quasi absolu et d’autre 
 part un mal qui l’est tout autant, c’est 
 enlever à chacun la liberté de se 
 comprendre autrement,  
  
 de se projeter dans un autre 
 modèle.  
  
 A l’opposé, faire un 
 choix se serait alors une articulation entre le 
 donné extérieur social 
 (s’apercevoir de l’oppression) et notre 
 capacité à 
 l’autodétermination (lutter contre 
 l’oppression). Le positionnement se fait donc 
 d’une part face au manichéisme des  
 pro-choix , et d’autre part face à 
 ceux qui considèrent que le choix est possible 
 et acquis. 
  
 Revenons un peu sur nos chers 
 cathos 
 Pourquoi fait -on du choix 
 d’avorter ou non une démonstration 
 centrale du choix aujourd’hui ? En effet, peu de 
 choix sont autant nommés et pris en compte comme 
 tels : comme si c’était là la seule 
 pertinence publique ou commune de cette capacité 
 éminemment privée. Il me semble 
 qu’en nous disant  pro-choix, nous mettons 
 en avant cette faculté individuelle 
 d’autodétermination.  
  
 A l’inverse, les anti-IVG 
 catholiques pensent que la valeur  spirituelle 
 de l’individu en formation est au moins 
 aussi importante que celle de celle qui le porte. Leur 
 discours se fonde  sur un donné 
 transcendant, supérieur, qui est  
  
 la vérité 
 religieuse révélée. Dans 
 l’argumentation  pro-vie , la 
 question du choix individuel est présente mais 
 fermée : le seul bon choix est le choix de la 
 vie.  
  
 Pour les pro-choix, le lieu 
 crucial du problème, c’est la 
 possibilité de déterminer soi même 
 ce qu’est le bon choix.  
  
 D’une part, on a 
 l’obéissance à 
 l’impératif d’une loi morale 
 transcendante, que l’individu ne peut remettre en 
 cause car il lui est forcément inférieur 
 (créature du péché et 
 faillible, l’homme n’a pour eux rien 
 à dire face à ce qu’ils 
 considèrent comme des ordres divins).  
  
 D’autre part, on place la 
 détermination de la règle en connaissance 
 des circonstances particulières : 
 l’individu est capable de générer 
 sa propre légitimité, et donc sa propre 
 éthique comportementale. Cela veut dire que 
 s’opposer radicalement à 
 l’idéologie des pro-vie, c’est 
 d’abord prôner une indépendance 
 morale possible pour les individus, et pas seulement un 
 ensemble de valeurs opposées. 
  
 Que nous disent les cathos 
 hystériques d’SOS Tous Petits (pour parler 
 d’un discours en particulier et 
 particulièrement bien barré dans son 
 style) ?  
  
 Que la vie humaine est à 
 respecter en tant qu’elle est sacrée (= 
 susceptible de devenir chrétienne), donc celle 
 de l’embryon.  
  
 Que l’innocence de 
 l’embryon en fait une créature encore plus 
 sacrée que les autres (l’innocence 
 étant l’absence de péché, 
 forcément l’embryon l’est). Notons 
 que dans cette perspective, ce qui est pur (et donc 
 bon) c’est ce qui n’a pas le choix , 
 c’est donc logique que pour eux des gens 
 prônant l’autonomie leur paraissent les 
 derniers suppôts de Satan (nous !).  
  
 Que le caractère 
 mortifère de l’avortement et de la 
 contraception est le signe de la décadence des 
 murs et de l’individualisme forcené 
 et a-spirituel de la modernité. Leur discours se 
 fonde donc non pas sur le statut du choix mais sur la 
 nécessité de respecter un ordre du monde 
 qui est censé être meilleur car 
 révélé. La valeur de la vie, le 
 respect de l’Innocence (pas l’innocence 
 juridique, l’innocence morale, la blancheur imma 
  
 culée de 
 l’âme), la détermination d’une 
 culture de mort  (Encyclique Pro vitae de 
 Jean Paul II, reprise des problématiques 
 pauliniennes et augustiniennes), tout cela se combine 
 dans une conception figée de ce que doit 
 être la vie des hommes et des femmes. Ce qui 
 entraîne la condamnation sociale de tous ceux qui 
 dévient de cette représentation de 
 l’ordre du monde . 
  
 Le choix, cette éternelle 
 source d’emmerdes pour l’humanité 
 selon les chrétien, c’est la 
 possibilité du mal (nous, c’est 
 irréductiblement l’inverse). Donc, 
 forcément dans leur discours, le choix 
 n’est pas ce qui doit être mis en avant. 
  
 En effet, on ne choisit pas sa 
 sexualité dans un monde où cette 
 sexualité est marquée du fer rouge de la 
 luxure. On ne choisit pas de donner la vie ou non quand 
 on est une pauvre créature pécheresse, 
 cause de la ruine du bonheur humain (= une femme), 
 à peine capable de cerner les contours complexes 
 du bien et du mal. Combien de saintes pour racheter la 
 multitude des pécheresses qui de part le monde 
 n’en finissent plus de  salir  la 
 douce, blanche, pure évocation de la 
 Vierge (toute cette blancheur, cette 
 pureté, ça donne envie d’être 
 charbonnier et suppôt de Satan, vous trouvez pas 
 ?) ? 
  
 Tout ça pour quoi ? 
  
 Les théories de 
 l’ordre transcendant, de l’ordre moral 
 supérieur, ne font la plupart du temps qu 
 entériner les valeurs sociales les plus 
 réactionnaires. Placer l’idée 
 d’un Bien ou d’un Vrai au dessus de sa 
 tête, c’est rentrer dans la construction 
 d’un ordre de valeurs qui finira par se 
 prétendre  naturel , et qui 
 empêchera au maximum l’individu de 
 s’autodéterminer. Entre faire appel 
 à une réalité immuable pour 
 justifier sa conduite et limiter la morale à la 
 construction individuelle, on trouve une immense 
 différence de projet. L’un est 
 imposé au nom d’une  nature , 
 l’autre implique une construction constante, une 
 véritable autonomie (voilà enfin le mot). 
 
  
 Mais toute personne pro-choix ne 
 se fait pas forcément le héraut de 
 l’autonomie. Pour beaucoup, cela reste une 
 position de principes. Alors, à ce moment 
 là, l’opposition entre pro-choix et  
 pro-vie  devient une opposition nom de nature 
 mais de point de vue. Seulement, à un ordre de 
 valeur présenté comme immuable, on ne 
 fait qu’en substituer un autre. On peut donc dire 
 que si nous nous disons pro-choix, c’est au sens 
 radical : il ne s’agit pas de dire que nos 
 valeurs sont incommensurables, mais que c’est le 
 principe même de valeurs supérieures et 
 indiscutables qui nous pose problème. Ce que 
 nous voulons signifier par :  Ni dieu, ni 
 maître, ni ordre moral ! .  
  
 Kanine 
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