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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°13 - Octobre 2002 > Le FN se reprend à rêver

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Le FN se reprend à rêver


Le Front national a finalement réussi à faire sa rentrée politique : malgré ses déboires pour tenir son université d’été à Annecy et son impossibilité d’organiser sa grande fête annuelle des Bleu-Blanc-Rouge (BBR), le FN et son leader ont entamé les préparatifs en vue des prochaines échéances électorales.


Il est intéressant à ce propos de rappeler que le " succès " de Le Pen au premier tour des élections présidentielles de mai 2002 a été en grande partie le résultat d’une campagne lancée plus de deux ans auparavant, dans l’indifférence générale ; que personne n’avait rien vu venir, certains experts (et pas des moindres) prévoyant même fin 1999 le " déclin durable " du FN et avec lui de l’extrême droite toute entière. On connaît le résultat de cette double réalité : un succès incontestable pour un FN qui retrouve petit à petit son potentiel de 1998, et une riposte antifasciste à la fois éphémère et décalée, loin de la réalité de l’extrême droite telle qu’elle existe aujourd’hui.

Que les bâtons mis dans les roues du parti de Le Pen pour l’empêcher de se réunir ne nous aveuglent pas. Ils ne sont en rien le signe d¹un affaiblissement des structures du parti, qui semblent au contraire se renforcer : un congrès est prévu au printemps 2003, pour préparer les campagnes régionales et européennes de 2004, et même l’élection présidentielle de 2007 : pour chacune de ces échéances, Le Pen s’est d’ors et déjà porté candidat : pour les régionales, il vise la présidence de la région PACA.

L¹université d’été du FN, qui s¹est tenue au tout début du mois de septembre, avait pour thème " la démocratie totalitaire " ; on aurait pu croire à un programme de gouvernement, il n’en est rien. Rappelant lors de son dicours de rentrée les différentes tracasseries rencontrés par le FN, Jean-Marie Le Pen s’est lamenté sur le statut de paria de son parti dans la vie politique française. Cette attitude n’est pas neuve : depuis les premiers succès au début des années 1980, Le Pen souhaite intégrer cette démocratie parlementaire et exclusive qu¹il dénonce par ailleurs. Il apparaît clairement que, loin d’être une position de principe, c¹est bien le fait d¹être mis au ban du pouvoir qui fait dire à Le Pen que le pouvoir politique, il est vrai selon lui manipulé par des mains mystérieuses (les francs-maçons pour l’occasion, le complot juif étant ces derniers temps apparut à Le Pen comme contre-productif), cherche à lui nuire par tous les moyens. Dans le même temps, ce discours, traditionnel à l’extrême droite, évolue : alors que cette mise à l’écart a été longtemps considérée par le FN comme le fait exclusif de ses ennemis, il fait pour la première fois son mea culpa, plaidant une communication parfois maladroite (faut-il voir là l’influence de Raffarin ?) ; Farid Smahi propose même à ce propos de se rapprocher des journalistes.

Soucieux donc de paraître toujours plus respectable, le Front national veut aussi relancer une stratégie qui avait plus ou moins fait ses preuves, mais qui avait été abandonnée ces quatre dernières années, faute de moyens : tisser autour du FN un réseau d’associations, de syndicats, de relais dans la société, tant sur le plan social que culturel. On se souvient de l’échec des syndicats FN dans les transports en commun, dans les prisons ou la police ; on se souvient aussi que cet échec avait en grande partie été le fruit de batailles juridiques. Il est à craindre que, cette fois-ci, le FN tire les leçons de ces échecs, agisse avec moins d’arrogance et plus de discrétion, et que la " vigilance antifasciste " des organisations syndicales et culturelles ne soit pas aussi en alerte qu’à la fin des années 1990.

Par ailleurs, les dirigeants du FN se reprennent à avoir la folie des grandeurs. Le " shadow cabinet ", le gouvernement fantôme du FN (en fait une liste de cadres frontistes auxquels est attribué qui un ministère, qui un secrétariat d’État) a été évoqué par Bruno Gollnisch ; espérons qu¹il sera aussi ridiculement drôle que celui présenter en grande pompe lors du congrès de 1997...

Face à cette situation, qui n’est pas sans rappeler le Front national d’avant la scission, les journalistes restent dans leur grande majorité obnubilés par la question de la succession de Le Pen, qui, sauf accident, n¹est pas à l’ordre du jour, et par les petites querelles qui opposent les partisans des différents courants du parti. À ce propos, l’exemple le plus grotesque de cette myopie journalistique fut sans conteste la petite phrase attribuée à Bernard Antony, qui aurait dit de Marine Le Pen, " elle est draguable ". Outre le fait que cette expression est parfaitement inusitée, il est très improbable qu’Antony l’ait effectivement prononcée. Créer de toute pièce une situation plus ou moins scandaleuse pour attacher coûte que coûte au FN l’image d’un parti un peu ridicule, c’est certes malhonnête mais surtout dangereux. Le Pen souhaite " mettre fin à cet espèce de fantasme qui bloque la situation politique en France en décrivant le FN comme ce qu’il n¹est pas " ? C¹est là également ce que nous voulons : décrire le FN tel qu’il est, à la fois dans ce qu’il est capable de faire et de devenir. La disparition plus que probable du MNR, suite aux récentes démissions qui se sont succédées (dont celle de son numéro 2, Jean-Yves Le Gallou), situation sur laquelle nous reviendrons en détail dans un prochain numéro de No Pasaran, et avec cette disparition la mise hors circuit d¹un certain nombre de militants d¹extrême droite au passé chargé, nous laisse face à un FN à nouveau hégémonique et plus homogène qu’autrefois : mis à part le courant catholique intégriste, il sera plus difficile à l’avenir de coller des étiquettes " infâmantes " sur les différents cadres du FN, car nombreux sont ceux qui n’ont pas eu d¹autres écoles de formation. Et si notre attention reste soutenue quant aux agitateurs des différents groupuscules radicaux, il faut garder à l’esprit l’émergence de cette " génération Le Pen " qui a aujourd’hui retrouvé toute sa capacité de nuisance.

Esbé, SCALP-REFLEX Paris


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