Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2002N°13 - Octobre 2002 > Palestiniens mais Gitans

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


Palestiniens mais Gitans



Le gouffre culturel qui existe entre les Arabes et les Gitans explique la marginalisation de ces derniers. Nombre de valeurs des deux sociétés sont diametralement opposées. A commencer par le statut de la femme. D’ailleurs lorsque pour la premiere fois nous sommes invités par une famille gitane, ce sont elles qui nous accueillent et nous parlent, sans présence masculine. Inconcevable pour Gaza ! Bien que soumises à une structure patriarcale, les femmes gitanes jouissent d’une très grande liberté et ne sont pas perçues comme irresponsables. Ce sont elles qui subviennent aux besoins de la famille. Et beaucoup gagnent leur vie en chantant et en dansant. Mais leurs arts sont dénigrés par les musulmans, surtout dans la très traditionnaliste bande de Gaza. Ce qui ne les empêche pas d’être engagées pour des mariages ou dans les bars fréquentés par la nomenklatura de l’Autorité Palestinienne. « Ils ne peuvent pas vivre sans nous ici » nous dit fièrement une Gitane. Et être musulmanes ne les dérange pas pour pratiquer leurs arts. Généralement, les Gitans adoptent la religion de leur société d’accueil, ce qui évite les problèmes.

Mais l’heure n’est plus à la fête en Palestine. Par respect pour l’Intifada, les Gitanes refusent de danser. Beaucoup se tournent alors vers la mendicité. Peut-être plus encore à Jérusalem ou leur présence se remarque autour de la mosquée Al-Aqsa. Et même les hommes doivent chercher du travail. Il n’y a rien de honteux à ce mode de vie nous explique-t-on. Les Gitans ont toujours vécu ainsi.

Autour d’un thé, ils nous parlent des origines de leur culture. Tout remonterait à la Guerre des 40 ans qui s’est déroulée en Arabie bien avant l’apparition de l’Islam. Les Gitans sont originaires du Nord de l’Inde mais ils nous disent qu’après avoir émigré en Perse où il fut mercenaire, leur peuple arriva dans la peninsule arabique. Il y affronta une tribu locale quatre décennies durant mais fut défait. Alors, pour châtiment, les vainqueurs interdirent aux hommes de travailler, si ce n’est comme forgeron, métier maudit. Séparés de leurs femmes par la force, ils perdirent une part de leur autorité sur elles. Et les femmes furent condamnées à danser et à chanter pour les autres.

Cette guerre est célèbre au Moyen-Orient sous le nom d’Al-Bassous. Mais elle n’est pas connue pour êre à l’origine de la culture gitane ; et qui connait l’existence de conditions imposées aux vaincus ?

Ce passé permet néanmoins aux Gitans d’être fiers de leurs traditions, malgré le mépris que leur nom inspire aux Arabes. Mépris sans doute à l’origine de la culture du secret si présente parmi eux. Il est en effet difficile pour un étranger d’en apprendre beaucoup sur leur société. Les Gitans ont-ils un chef (un moukhtar) ? Continuent-ils à parler leur langue ? Des liens entre les populations gitanes de la région existent-ils ? A ce type de question les réponses divergent.

Grâce à l’histoire d’Al-Bassous les Gitans peuvent faire remonter leur présence dans la région à une quinzaine de siècles au minimum. Et légitimer leur appartenance à la communaute palestinienne. Car ils sont palestiniens et en sont fiers. C’est pourquoi ils se tiennent aux côtes des Arabes dans leur résistance face à Israël. Par tradition ils ne se mêlent pas des problèmes inter-palestiniens, mais ils se doivent d’aider leurs concitoyens en cas d’aggression extérieure. Ce sont les hommes qui parlent maintenant. Plusieurs sont affiliés au Fatah ou au FPLP et ont été emprisonnés par Israël. Ils constatent malgré tout avec amertume que leur engagement n’a pas réhausse leur image auprès de la population. Un homme qui accepterait de marier sa fille à un Gitan reste toujours une exception.

Les Gitans, comme l’ensemble des Palestiniens, résistent bien plus activement à Gaza qu’à Jérusalem. Mais la communauté de la Ville Sainte n’en est pas pour autant mieux lotie. Lorsque les Israéliens ont repris leur politique de destruction de maisons arabes dans la vieille ville, ils ont commencé par celle des Sleem. " Les Israéliens nous traitent comme des Arabes et les Arabes comme des Gitans " nous déclare Amoun Sleem. Pourtant certains Israéliens ont une opinion favorable des Gitans. Des conseillers municipaux juifs de Jérusalem voient d’un bon oeil l’association d’Amoun qui revendique notamment l’obtention du statut de minorité pour les Gitans en Israël. Selon eux, une affinité existe entre ces peuples victimes tous deux de l’Holocauste nazi. Mais leur soutien reste pour l’instant verbal. Alors les forces d’occupation israéliennes ne leur offrent pas de traitement de faveur, et les Arabes continuent de traiter de " Gitan " celui qu’ils veulent insulter.

Marion Dumand et Michael Suwwan


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net