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Réseaux bruns en Autriche



Cela recommence à bouger dans le marais brun autrichien : encouragées par les remous bleus et bruns qui agitent le FPÖ de la base au sommet, les activités de la scène néo-nazie sont en augmentation. Il y a eu ainsi en avril 2002 une manifestation néo-nazie sur la Heldenplatz à Vienne, autorisée par les autorités, organisée avec le concours de Burschenschaften pangermanistes qui pratiquent le duel à l’épée et gravitent autour du FPÖ. Le 8 mai, le jour de la Libération, différentes personnalités d’extrême droite se sont réunies pour rendre hommage ensemble à la mémoire des criminels nazis qu’ils vénèrent tant : on a vu Marcus Ullmann, un ancien cadre de la Volkstreue Ausserparlamentarische Opposition (VAPO), dissoute dans les années 1990, faire le service d’ordre, et divers adhérents de Burschenschaften, dont l’avocat du FPÖ, Ewald Stadler. La scène néo-nazie autrichienne agit en partie de façon officielle, en manifestant, en distribuant des tracts ou bien sur le web de façon plus ou moins risible, et en partie de façon clandestine, mais toujours en maintenant d’étroits contacts avec le FPÖ.

Au début du mois d’août 2002, la police a mis à jour une cellule néo-nazie appelée Unité combattante SS Prinz Eugen : à cette occasion, elle a trouvé une cache d’armes importante, tandis que des perquisitions plus poussées faisaient apparaître du matériel de propagande national-socialiste, des plans et des explosifs. Trois personnes ont été arrêtées au cours de cette action de la police : Herbert Amand Tatschl, Matthias Budil et Rudolf Hammer. Le champs d’action publique des néo-nazis était la Döblinger Initiative Autofahrer Rechte (DIAR) , qui selon ses propres dires "a été fondée en 1991 par un groupe de dix camarades, qui étaient déjà militants politiques à l’extrême droite avant cela". Leur slogan était "Aggression is our Success" et leur financement provenait de "fortunes personnelles conséquentes" et de "dons" ; ils avaient donc suffisamment d’argent pour se fournir en armes diverses et variées, munitions et autres explosifs.

Les liens avec le FPÖ

Le chef de la DIAR et de l’Unité combattante SS Prinz Eugen était Georg Gasser, décédé en juin 2002 et membre du FPÖ jusqu’en 2000 ; connu pour son extrême violence, il avait commencé sa carrière politique à la fin des années 1970 à l’Aktion Neue Rechte (ANR) , et était membre du bureau de la Table ronde de Vienne, une Burschenschaft qui, à l’époque, était considérée comme trop extrémiste, y compris dans le milieu d’extrême droite. Il y participait aux côtés d’un certain Wolfgang Haberler, qui est aujourd’hui non seulement vice-président de la section de Basse-Autriche du FPÖ et conseiller régional à Vienne mais fut aussi pendant longtemps réputé pour les liens très amicaux qu’il entretenait avec la scène néo-nazie : il écrivit ainsi en 1988 dans la revue d’extrême droite intitulée Der Völkerfreund un article sur les répercussions catastrophiques du "diktat de Saint-Germain. En 1990, il confia la clé du local du FPÖ à quelques jeunes qui se donnaient le nom de Sturmgruppe Ost : ils y fabriquèrent des affiches sur lesquelles on pouvait lire : "L’Autriche était, est et restera allemande." En 1994, on le vit chanter le Horst-Wessel-Lied ainsi que d’autres chants nazis à une fête du solstice. Par la suite, il achemina des armes en Croatie et posa fièrement dans une tranchée : tout cela semble être ce qu’il y a de mieux pour faire rapidement carrière au FPÖ ! Les pistes conduisent aussi, en lien avec l’Unité combattante SS Prinz Eugen à un ancien conseiller municipal FPÖ de Vienne, Wolfgang Fröhlich. Mais les autorités ne font visiblement pas de leur mieux pour trouver Fröhlich : ce négationniste notoire peut en effet, malgré un mandat d’arrêt lancé contre lui depuis deux ans, continuer à diffuser sa propagande d’Autriche par voie postale, sans être aucunement gêné. Ce néo-nazi, également auteur du pamphlet intitulé Die Gaskammernlüge se fait même envoyer son courier à une adresse en Autriche et retire régulièrement de l’argent de son compte de solidarité.

L’extrême droite dans l’appareil judiciaire

Il n’y a pas que le FPÖ qui entretienne d’excellents contacts avec la scène néo-nazie, les représentants de l’appareil étatique aussi : Harald Eisenmenger en est un exemple tout à fait remarquable : ce procureur général, connu aussi sous son nom de Burschenschafter " Wahnfried " a commencé son engagement à l’extrême droite dans le Ring Freiheitlicher Studenten (RFS) et dans la Burschenschaft européenne Arminia Zurich à Vienne. La Burschenschaft Arminia était affiliée au Delegierter Convent Europäischer Corporationen (DCEC) , tout comme que la Table ronde de Vienne, déjà évoquée dans cet article. Eisenmenger militait avec Gasser dans l’ANR, et tous deux y ont eu une pratique politique (interdite par la loi contre la Wiederbetätigung ) jusqu’à ce que l’organisation s’auto-dissolve, anticipant ainsi une interdiction officielle que tout laissait présager. Il semblerait qu’un tel passé n’empêche aucunement de faire carrière en Autriche, bien au contraire : Eisenmenger, dans ses fonctions de procureur général a pu faire en sorte d’enterrer l’affaire des indicateurs de la police, qui mettait en cause Haider et sa clique.

Néo-nazi partagerait appartements...

Un autre militant de la Table ronde de Vienne, Wilhelm Ehemayer, a longtemps milité avec Gasser : à la National-Konservative Union (NAKU) , qui a appelé à voter FPÖ aux dernières élections législatives. Il n’y a là rien d’étonnant, étant donné que Ehemayer est lui aussi un ancien cadre du RFS. Aujourd’hui, Ehemayer continue à faire parler de lui : ainsi, il a pris la parole le 13 avril 2002 devant une assemblée de militants d’extrême droite qui manifestaient contre l’exposition de la Wehrmacht ; il possède également une maison dans le deuxième arrondissement de Vienne, en copropriété avec Gottfried Küssel, l’ancien dirigeant de la VAPO, qui a été mis en libération anticipée . Küssel y a monté un " magasin bio nationaliste ", qui s’appelle " Naturnah " . Mais d’autres militants d’extrême droite bien connus se sont installés dans cette maison, comme par exemple Stefan Tanzcos, qui appartenait autrefois à la VAPO. Différents projets sont mis sur pied par ces militants d’extrême droite : en ce moment, il s’agit principalement d’organiser une aide " nationale " en direction des victimes des inondations de cet été : en fin de compte, il y a aussi des gens " de chez eux " parmi les gens touchés par les inondations, comme ils le constatent dans leur appel avec beaucoup d’ingénuité, en indiquant le cas d’une " famille à Langenlois " sans donner pourtant de nom. Par ailleurs, le plus intéressant dans tout cela reste la liste des gens et organisations qui expriment leur soutien : à côté de nombreuses organisations d’extrême droite bien connues (comme l’organisation Initiative für Umwelt und Kultur de Ehemayer, la Table ronde de Vienne, la Burschenschaft des élèves Germania de Vienne), on trouve différentes entreprises menées par des personnalités d’extrême droite : l’entreprises d’installations électroniques Tanzcos & Pirzl KEG, la Oberda et Zeidl KEG et le magasin bio de Küssel. À côté de ça on trouve d’autres soutiens tels que : la radio Krone-Hit, le magasin de reprographie Melzer et... le ministère de l’Intérieur. Ehemayer entretient aussi de très bons contacts avec Horst Jakob Rosenkranz qui édite la revue Fakten. Au bureau de l’ancienne association des éditeurs, il y avait jusqu’en 1991 pas moins de cinq membres de la VAPO, parmi lesquels Stefan Tanzcos. D’autre part, la femme de Rosenkranz, Barbara Rosenkranz, dirige le groupe parlementaire du FPÖ en Basse-Autriche, et elle a reconnu à plusieurs reprises qu’il lui arrivait fréquemment de relire les textes de son mari pour y apporter d’éventuelles corrections.

La dernière activité à la mode : fabriquer des bombes

En effet, les militants de l’Unité combattante SS Prinz Eugen ne sont certainement pas les seuls à bricoler les explosifs : il y a peu de temps, on a appris qu’un néo-nazi de Linz, Stefan Topitz, s’était grièvement blessé en essayant de bidouiller une bombe. Topitz essaie de donner une image publique de lui qui soit celle d’un apolitique, mais tout le matériel de propagande national-socialiste trouvé chez lui et son passé montrent qu’il en est bien autrement : ainsi, ses contacts avec le NSDAP-AO et le groupe néo-nazi américain National Alliance (NA) étaient très bons.

Le cas d’un autre militant d’extrême droite adepte de la fabrication de bombes a fait brièvement la une : il s’agissait du fils de 22 ans du président des conseils d’écoles de Carinthie, Heiner Zechmann, qui trahit à l’évidence un lien avec le FPÖ. Depuis lors, on essaie consciencieusement d’enlever toute coloration politique à ce cas : dans ce but-là, le fabricant de bombes a été interné en hôpital psychiatrique, et il n’est plus question de sa famille, l’une des plus ancrées dans la tradition d’extrême droite dans toute la Carinthie. Non seulement Papa Zechmann était connu pour faire des déclarations racistes et antisémites pendant ses cours, mais Grand-Papa Heinrich Zechmann était un dirigeant de l’administration régionale nazie et participa après-guerre à la création du FPÖ. De même, les contacts avec la scène skinhead néo-nazie, présents au départ dans le rapport d’enquête, disparaissent comme par enchantement, de même que l’examen des techniques employées pour construire la bombe : la bombe qui a été trouvée intacte est une bombe qui se présente sous la forme d’un tuyau rempli de clous ; il s’agit donc d’un engin conçu pour être le plus meurtrier possible, à l’instar des bombes utilisées par les organisations néo-nazies (comme Combat 18) contre leurs adversaires politiques ou contre les groupes de la société qui leur déplaisent.

Retour de flammes

Ces cas actuels montrent clairement que la version officielle, qui voudrait que la scène néo-nazie ou le mouvement d’extrême droite autrichien soient quasi inexistants, est tout simplement fausse. De nombreux militants se sont simplement retirés au fil des ans des groupuscules ouvertement néo-nazis pour rejoindre des organisations qui gravitent autour du FPÖ : ainsi, la VAPO s’est partagée entre différentes Burschenschaften pangermanistes adeptes du duel à l’épée, afin d’y poursuivre leur propagande, mais sous leur protection, et grâce à leurs réseaux de contacts d’obtenir des postes dans l’appareil d’État ou de la Justice. Mais avec la participation du FPÖ au gouvernement en 2000, il y a de nouveau une activité néo-nazie importante à la marge du FPÖ et de ses organisations-satellites ; les agressions commises par des " nazis de la rue " sur des immigré(e)s, des gens de gauche et leurs structures ont augmenté. La nécessité de s’opposer à ce renouveau d’activisme néo-nazi se fait chaque jour plus pressante.

Rosa Antifa de Vienne


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