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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°13 - Octobre 2002 > Résistances à l’écran

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Résistances à l’écran


Comme tous les mois, voici une sélection partielle (et partiale) de quelques films, plus ou moins récents, jugés intéressants au vu des thèmes sur lesquels lutte le réseau No Pasaran...


Titre original : Address Unknown

Film coréen de Kim Ki-Duk ­ 117 min. ­ 2001

Magistrale réalisation signée par le réalisateur de L’Île (le seul film qui, sans jamais rien montrer d’horrible, réussit à faire bondir et grincer des dents à toute la salle), Adresse Inconnue confirme le talent du jeune réalisateur au travers d’une fiction autobiographique hautement politique.

Sans verser dans l’anti-américanisme primaire, Kim Ki-Duk met en scène la tension de la vie en Corée du sud, déchirée entre une base militaire américaine et une bourgade où la promiscuité réchauffe les querelles. Cette vie qui fut en grande partie la sienne (la quasi-totalité des détails incroyables et croustillants du film sont véridiques !), pose la question de l’identité, dans un monde où deux cultures ne se mélangent que pour mieux détoner.

Un singulier éventail de protagonistes révèle la diversité des positions adoptées face à une culture impérialiste qui broie pour mieux digérer, et une réaction qui fomente sa propre tristesse dans la dénégation. Qu’il s’agisse des jeunes caïds coréens qui apprennent l’anglais, échangent Playboy avec des bidasses et violent sans scrupule, de la jeune fille borgne qui voit dans un soldat de passage son potentiel prince charmant, du boucher raciste qui tue sa viande (de chien) à coups de batte de baseball, ou du retraité de guerre coréen qui peste contre l’injustice qui lui a ôté la médaille qu’il méritait, cette détonante galerie se soude dans le rejet du métis américano-asiatique, incarnation vivante de la tension entre une culture capitaliste écrasante et un rejet identitaire réactionnaire.

Adresse inconnue bouleverse irrémédiablement, sans jamais verser dans la facilité ni la complaisance, tout au long d’un étonnant parcours à la fois sérieux et grinçant, ô combien politique et pourtant personnel, parfois comique et souvent tragique. Si les ¦uvres de Kim Ki-Duk retournent souvent (parfois même au sens propre tant les images sont dures), la seule règle le concernant est d’imaginer le pire et de se faire délicieusement surprendre par plus insoutenable encoreŠ La sortie prochaine d’Adresse Inconnue (le film est encore en festival) ne doit passer inaperçue sous aucun prétexte.

Une part du ciel

Film franco-belge de Bénédicte Liénard ­ 85 min. ­ 2002

Joanna est en prison pour avoir pété les plombs à l’usine. Son amie Claudine continue son travail syndical mais hésite à témoigner en sa faveur, car elle risque son poste. Entre la liberté d’une ouvrière qui travaille à la chaîne et la condition d’une détenue, les frontières s’estompent. La question même du travail comme aliénation n’a pas besoin d’être expliquée, elle se ressent telle une chape de plomb au travers de laquelle nulle lumière ne perce. On comprend aisément que Bénédicte Liénard ait fait ses classes auprès de Depardon et des frères Dardenne. Si les principaux protagonistes d’Une part du ciel sont des femmes (chose rare s’il en est), le film révèle un autre phénomène peu courant : un personnel de prison ayant des états d’âme et se posant des questions existentielles sur le bien-fondé humain de leur tâche. Naïveté, quand tu nous tiens...

11’09’’01 september 11

Film de Youssef Chahine, Amos Gitaï, Shohei Imamura, Alejandro Gonzalez Inarritu, Claude Lelouch, Ken Loach, Samira Makhmalbaf, Mira Nair, Idrissa Ouedraogo, Sean Penn, Danis Tanovic ­ 140 min. ­ 2002

Onze courts-métrages de onze minutes et des poussières pour l’attaque terroriste sur les Twin Towers de Manhattan, le tout réalisé par onze réalisateurs plutôt célèbres.

Comme la plupart des patchworks, 11’09’’01 est inégal, tant dans la forme que dans le fond. Des oeuvres éminemment politiques côtoient des productions lyophilisées. De magnifiques plans succèdent à des images ternes et sans vie. Le ton est quelquefois drôle, souvent dramatisant. Etonnamment (quoique...), les oeuvres les plus plastiquement réussies sont souvent niaises ou moralisatrices (comme celle d’Imamura : " contre tous les extrémismes " - à lire d’un ton niais et syncopé -, ou d’Inarritu, qui nous rappelle que mourir c’est pas sympa). On peut tout de même rendre hommage à Ken Loach qui signe une réalisation forte et poignante dans laquelle l’acuité du propos affine celle des images de la destruction du gouvernement Allende. On voit Bush affirmer que les ennemis de la liberté ont frappé : en effet, les images nous montrent alors les forces armées américaines bombarder le Chili afin d’y installer Pinochet pour une dictature économiquement bien plus rentable.

Si la vague médiatique du premier anniversaire de l’évènement le plus chroniqué de l’année 2001 ne vous a pas encore donné la nausée, allez-donc risquer l’indigestion avec quelques courts-métrages parmi les plus banals de la rentrée 2002.

La cage

Film français d’Alain Raoust ­ 101 min. ­ 2002

Anne Verrier est libérée à 25 ans, après six ans de prison purgés pour un crime qu’elle a commis avant sa majorité. Si l’approche initiale est intéressante (décliner le thème de l’enfermement dans le travail salarié, et plus globalement la société moderne), la métaphore finit, à force d’être filée, par devenir sérieusement pesante. " Abolition du travail aliéné " peignait Debord en 1963 ; à chaque plan sa cage, à chaque visage son grillage, répond Raoust à peine quarante ans plus tard. Malgré quelques longueurs, on peut néanmoins passer quelques instants intenses si l’on prend garde à ne pas lire les résumés du film (sauf celui-ci bien sûr) qui gâchent tous invariablement le visionnage en dévoilant la totalité du scénario.

Pirouli (Paris)


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