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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°13 - Octobre 2002 > Retour sur la marche zapatiste

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Retour sur la marche zapatiste


Suite à la défaite du PRI, les Zapatistes sont partis marcher vers Mexico. A leur coté, de nombreux et observateurs et de nombreuses observatrices. Parmi cela, avec une caméra, les réalisateurs Jacques Kébadian et Joacquin Hocqueghem. Des images tournées lors de cette marche est sorti le film La Fragile armada. Rencontre avec les deux réalisateurs peu de temps après la projection du film au festival du cinéma / ar gouel ar filmoù de Douarrnenez.


NP : Bonjour, pouvez-vous nous présenter votre film. Qu’est-ce qui vous a motivé pour aller au Chiapas ?

Jacques Kébadian : Ce qui m’a motivé, c’est le fax que Joacquin m’a envoyé, alors il pourrait peut-être dire ce qu’il a écrit...

Joacquin Hocqueghem : C’était au tout début de l’année 2001, le gouvernement venait de changer au Mexique, et j’ai donc écrit à Jacques que suite à cela les Zapatistes allaient entreprendre un tour du Mexique pour aller défendre leurs positions en prenant au pied de la lettre le fait que le nouveau président Fox avait dit " c’est le changement, c’est la fin du vieux régime mexicain qui durait depuis 1929². Jacques a donc cherché les moyens, et on est arrivés au Chiapas quelques jours avant le départ sans réellement savoir comment cela allait se passer. Arrivés sur place, on a vu que peu à peu, les indiens se regroupaient, se rassemblaient dans un grand cortège d’autobus, accompagnés par des gens de tout le Mexique, mais aussi de d’autres pays. Puis peu à peu, on a fait des rencontres et on a essayé de traduire ces rencontres qui étaient carrément extraordinaires.

JK : En même temps, ce fax, c’était aussi le fax de quelqu’un avec qui j’avait déjà fait un film il y a dix ans, alors quand il ma dit " moi, j’y vais avec un stylo, si tu peux trouver une caméra, viens ", j’ai sauté sur l’occasion : les événements du Chiapas, même si je n’avais pas suivi cela de près. Je pense qu’il y a des moments dans l’histoire qui révèlent quelque chose, et cette histoire d’indiens qui vont à la rencontre d’une nouvelle situation, qui traversent le pays. Je me disais que se serait un moment formidable pour raconter ce qui se passe dans ce pays avec Joacquin qui habite à Mexico depuis 20 ans. Je savais donc qu’avec lui, on serait dans l’intimité de cette histoire.

D’après toi, qui habite au Mexique, comment les Zapatistes sont-ils perçus ? JH : moi, je suis au Mexique depuis l’année 1975, mais je n’avais pas été au Chiapas, j’avais suivi les événements à travers l’écho qu’il y avait dans tout le pays, et j’avais l’impression d’une force réellement très grande à partir de 1994, que ce qu’ils racontaient avec une force réellement très très grande dans ce Mexique où il y avait un régime très formel, des gens qui ne croyaient pas en la politique, et brusquement cette voix des indiens du Chiapas, plus que celle de Marcos à laquelle on ramène tout, c’était vraiment quelque chose qui avait un écho. J’ai pensé qu’au moment de la marche, on allait pour voir qui étaient ces Zapatistes et ce sans passer par les médias,. Aussi on allait pouvoir voir des gens qui voyaient les zapatistes pour la première fois dans leur région. Donc, on a été avec eux depuis le Chiapas, sur tout leur voyage et j’ai été sidéré de l’accueil qu’ils ont reçus, et je ne pouvais pas savoir qu’ils auraient une réponse aussi forte. Après la marche, j’ai pu lire comment des journaux français ou européens ont couvert l’événement, et je dois dire que cela ne rendait pas du tout l’événement qui c’était produit là bas. Je pense qu’il y avait une soif de sincérité formidable et cette sincérité sans faille qui a fait qu’ils ont été écoutés. Et il me semble que cette traversée du Mexique a été l’occasion pour eux de déballer beaucoup de choses, et ce n’était pas le chaud de Marcos, comme on peut l’imaginer à travers les articles de la presse en France, c’était d’autres gens qui parlaient assez mal l’espagnol dont la première langue était la langue maya, et qui racontaient ce qu’ils pensaient ça nous atteignait au coeur d’une manière formidable, en partie parce que leur espagnol était très influencé par la langue indienne. Jacques a filmé pour montrer un point de vue politique, mais aussi pour mettre la caméra là où on ne l’attendait pas, en discutant, en filmant les réactions. Ce n’est donc pas qu’un film d’exaltation politique, mais aussi un film de diversité de visages de personnes que l’on connaît mieux à travers le film au fur et à mesure des étapes.

Joacquin Hocqueghem qui arrivait pour la première fois au Chiapas, de Paris, comment as-tu ressenti la caravane ?

JK : C’était mon premier voyage au Chiapas, mais j’avais déjà été faire un film au Mexique, et j’avais déjà rencontré cette réalité indienne. Je n’ai donc pas découvert une réalité, sauf que là, les indiens étaient avec des passes montagnes, des foulards. La nouvelle réalité était donc de filmer des gens qui se cachaient. Ils ont accepté la caméra parce que l’on est allés dans leur communauté au début, on a dormi là-bas, mais en dehors du Chiapas, seuls les Zapatistes avaient le visage couvert. Moi, ce qui m’a plu c’est la ferveur autour de la caravane, et que toutes les catégories sociales étaient là, mais surtout beaucoup de jeunes et j’ai retrouvé le même type de flamme que celle que j’avais pu filmer en 1968.

Après la marche, je me suis dit, il va se passer des choses. Bon, là, c’est de nouveau le silence du coté des Zapatistes, mais il semble que des choses évoluent au Mexique.

Joacquin Hocqueghem : de Mexico, sens-tu un changement dans les mentalités depuis cette marche ?

JH : Il y avait plusieurs buts dans cette marche : reprendre un dialogue de paix arrêté en 1996, et le respect des accords signés. Mais le gouvernement n’a pas respecter ces promesses. Les Zapatistes sont donc retournés au silence quelques jours avec le vote d’une lois mascarade qui reprenait le nom d’un accord mais pas son contenu. Certaines personnes leur reprochent ce retour au silence, mais ce qui est évident, c’est qu’ils ont dit tout ce qu’ils voulaient et que se serait presque du bavardage d’en rajouté, et puis au travers des rencontres, d’autres gens ont repris leur discours, leur manière de parler. Ainsi, cet hiver, dans un village indien, proche de Mexico, qui devait être rasé, pour construire un nouvel aéroport, une résistance s’est mise en place, machette aux poings. Ils n’ont blessé personnes mais l’un d’entre eux est mort suite aux brutalités policières, et brusquement il y a trois semaines, le gouvernement a renoncé à son projet d’aéroport. La manière dont ces gens ont parlé aux médias, tout un rapport à la terre qui est ressortie est très très important pour eux, et le deviendra pour nous.

Interview faite au festival de Douarnenez (Rico SCALP Brest)


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