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AccueilJournalNuméros parus en 2006N°48 - Avril 2006Mouvement anti-CPE > 1994 : mouvement contre le CIP

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1994 : mouvement contre le CIP



En mars 1994, le gouvernement de droite d’Édouard Balladur tente de mettre en place le Contrat d’Insertion Professionnelle (CIP), une des mesures de la loi quinquennale pour l’emploi votée en novembre 1993. Ce CIP est un contrat à durée déterminée (parfois accompagné d’une formation assurée par un « tuteur » au sein de l’entreprise) à destination des moins de 26 ans, avec une rémunération représentant un pourcentage du Smic, calculée selon l’âge de l’employé (30% pour les 16/17 ans, 50% pour les 18/20 ans, 65 pour les 21 ans et plus, et 80% pour les bac+2 chômeurs depuis au moins six mois).

Ce « Smic jeunes » provoque un mouvement de résistance dans de nombreuses universités et IUT. Alors qu’en 1990, on avait surtout vu les lycéens des quartiers-ghettos dans la rue, cette fois, ce sont surtout les classes moyennes qui manifestent. Nouveauté, le mouvement de contestation est aussi fort, voire plus fort en province qu’à Paris. Après le succès de la manifestation unitaire nationale du 17 mars, un certain nombre d’universités se mettent en grève, mais pas de façon massive. Ainsi, à Paris, seule la fac de Tolbiac est bloquée (la Sorbonne a été fermée pour éviter une occupation) ; à Nantes et Rennes, deux villes où le mouvement est très important, l’université restera en grève environ deux semaines...

Cependant, les manifestations et actions se développent à un rythme croissant, souvent de façon autonome : les syndicats étudiants, en particulier l’Unef-ID, proche du PS, qui souhaitent que le mot d’ordre se limite au retrait du CIP, sont vite débordés. La contestation peut s’appuyer dans certaines villes sur des campagnes lancées dès la rentrée universitaire, comme le soutien aux étudiants étrangers, et la convergence des luttes devient une réalité lorsque les chômeurs en lutte rejoignent les étudiants. Occupations, manifestations spontanées, concerts... La lutte prend des formes variées, tandis que dans les manifestations, la colère s’exprime de plus en plus violemment, avec de nombreuses dégradations et des voitures incendiées (mais sans agression des autres manifestants). Le ministre de l’Intérieur de l’époque est, comme en 1986, Charles Pasqua. Malgré le traumatisme causé dix ans plus tôt par la mort de Malik Oussekine, c’est la manière forte qui est préconisée : plus de 1500 interpellations, interventions violentes de civils dans les cortèges, provocations en tous genres (y compris bris de vitrine...) par les forces du désordre... Le discours, lui aussi, reste le même : la police prétend n’avoir pas les moyens de maintenir l’ordre, et réclame des mesures « anti-casseurs » lui permettant une plus grande liberté d’action. Notons que très vite, dans les AG de grévistes, la question de la répression est au cœur et des revendications et des actions, avec la constitution d’un grand nombre de comité de soutien aux manifestants interpellés.

Sur le plan politique, Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget, rôde sa stratégie qu’il ressortira dix ans plus tard : après avoir, dans un premier temps, affirmé le retrait du CIP « impossible », il proposa une « période d’essai » de six mois pour « en tester l’efficacité » lors d’un débat télévisé avec des jeunes, à l’issue duquel il se plaignit d’avoir dû discuter avec « un jeune qui a raté trois fois son BEP ». Il tenta ensuite de se poser en interlocuteur avec les leaders syndicaux étudiants, avant d’annoncer lui-même le retrait du CIP, retrait présenté comme une sorte d’initiative personnelle...

On le voit, le mouvement étudiant de 1994 contre le CIP présente de nombreuses analogies avec le mouvement actuel : spontanéité du mouvement, violence de la répression, double discours du pouvoir, et finalement un sentiment d’inachevé, car les promesses de poursuite de la lutte sont le plus souvent restées lettres mortes...


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