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Angers - Lycéens et étudiants secouent le cocotier



L’effervescence anti-CPE n’a pas épargné la douceur angevine. Un collectif fut tout d’abord créé par quelques étudiants, regroupant en son sein des militant-e-s de divers syndicats étudiants et d’orgas politiques tels que Sud Etudiant, UNEF, MJS, LCR, la Souris verte, JC... L’action du collectif s’axa en premier lieu essentiellement sur les lycées avec un gros travail de sensibilisation et de diffusion des informations sur le CPE.Au final, les lycéens-e-s se mobilisèrent en nombre dès le début du mois de février. Le plus gros lycée de la ville fut même bloqué. Parallèlement l’allumage était beaucoup plus long sur le campus de Belle-Beille (fac de sciences et de lettres) et il fallu attendre le début du mois de mars pour que l’UFR de sciences et de lettres soit bloqué. Depuis ce jour, trois assemblées générales ont eu lieu, réunissant entre 1000 et 1700 personnes qui revotèrent le blocage avec une nette majorité (autour de 60%). Il est clair que c’est le blocage qui a permis aux étudiants de réellement se mobiliser. Sans blocage, les AG et les manifestations n’étaient guère suivies ; depuis, la participation va grossissant. La même constatation s’applique aux lycéens. À ce jour, la plupart des bahuts de l’agglo sont bloqués et la présence lycéenne est très importante dans les manifs. À l’instar de leurs voisins rennais et nantais, les étudiants sont largement soutenus par l’administration, les profs et le personnel ATOS. Au fil des jours, une convergence des luttes s’est petit à petit dessinée avec la participation des intermittents du spectacle et de quelques précaires.

Le 18 mars dernier, les étudiants ont aussi offert une place en tête du cortège aux sans-papiers qui manifestaient pour les 10 ans de l’expulsion de Saint Ambroise. Deux cortèges dessans-papiers et de soutiens avaient démarré depuis des quartiers périphériques de la ville. Les étudiants et lycéens ont, en ralentissant la manif anti-CPE, permis une jonction. Cela a permis de donner une grosse visibilité aux sans-papiers et les étudiants et lycéens doivent en être vivement remerciés ! Il y a eu aussi quelques moments d’anthologie avec une mémorable AG à la fac de Saint-Serge (pôle Droit, AES), l’UNI présent en force flippant de voir leur fac bloquée par une bande de gauchistes. Lors des comités de grève, il a clairement été émis l’envie de faire vivre la fac, du coup une commission animation s’est occupée d’établir un programme de la fac en grève à grand renfort de vidéo-projections et de débats sur des thèmes relativement variés (carcéral, féminisme, nucléaire, autogestion) mais aussi des jeux de société et de cartes. Le hall fut également entièrement redécoré avec un café solidaire, un coin bibliothèque, un point presse / infos locales, de belles affiches et de belles banderoles qui redonnent un peu de vie à une fac si terne d’habitude. Les manifestations se sont multipliées, quasiment trois par semaines ponctuées par quelques actions coup de poing : l’envahissement du hall du palais des congrès pour s’inviter à un colloque de spécialistes du tourisme, la prise d’assaut à deux reprises de la gare au grand dam des condés complètement débordés, une farandole dans le palais de justice, la prise de l’UMP, le passage quasi systématique des manifs par la rocade...

Au final un mouvement vivace qui perdure dans le temps avec un nombre croissant de lycées bloqués. Pour autant, le mouvement n’est pas exempt de difficultés. Les arrestations sont devenus quasiment systématiques à la fin de chaque manifestation. Les rassemblements devant le commissariat Lafayette en vue de demander la libération des interpellés est donc le point final de la plupart des manifestations... À chaque fois les personnes ont été relâchées. Les arrestations semblent relativement ciblées sur les franges les plus radicales du mouvement et sur les personnes qui se démènent le plus parmi les étudiants et lycéens. Il est à craindre que cela ne mène à une certaine usure du mouvement si nous ne sommes pas attentifs. De plus, cela pourrait provoquer une fracture entre « bons manifestants » et « méchants activistes »...

Nous n’y sommes pas encore mais nous devons être vigilants. Une des autres difficultés du mouvement chez les étudiants est le manque de réelle perspective politique. Si le blocage a toujours été reconduit, les AG peinent à élaborer une plate-forme de revendications. De plus, le CDI semble être perçu comme la seule alternative au CPE. À l’image du mouvement social dans son ensemble, la plupart des étudiants sont arc-boutés sur un retour au statu quo. Il me semble que nous autres libertaires investis dans le mouvement avons à faire avancer notre critique de la centralité du travail. Espérons que le temps ne va pas nous manquer.

Malgré tout cela, à nos yeux, la question des syndicats reste celle qui pourrait le plus hypothéquer les chances de victoire du mouvement. Si les bureaucraties persistent à nous trimballer de journées d’action en journée d’action, il est à craindre que le mouvement se délite. Plus de trois semaines de blocages laissent des traces : les étudiants et lycéens ont besoin du soutien des salariés et vite ! C’est d’ailleurs ce qu’ils ont exprimé il y a quelques jours en se déplaçant en cortège vers la Bourse du Travail. Les deux trois syndicalistes présents (FSU) ont fait preuve d’une forme d’autisme incroyable en refusant a priori d’écouter une déclaration des étudiants demandant leur soutien. Pour eux, on n’interpelle pas les syndicats, on ne manifeste pas devant la Bourse du Travail !

En tous cas, il y a bien longtemps qu’Angers n’a pas été aussi sévèrement secouée dans sa torpeur, il faut que ça continue !

Targa & Del Monte


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