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Un mouvement social mal engagé ?
D’après les médias 300.000
personnes, sans doute bien plus, auraient défilé
le jeudi 20 janvier dans la plupart des villes de l’hexagone. A
priori nous devrions nous réjouir sans retenue de cette
hirondelle avant l’heure, prémisse d’un mouvement social
plus important selon certains. Seulement voilà, les
revendications corporatistes, le manque de convergence en
pratique et le raisonnement en journée
d’actions, sans appel massif à la grève
illimitée (hormis Sud Rail, la CNT) semblent
indiquer que ce mouvement risque encore une fois de tourner en
eau de boudin
Les
postiers se battent pour éviter la privatisation
totale de La Poste d’ici 2009. Dans certains tracts
(SUD ou CNT) on peut lire des notions de services
publiques, d’égalité zone rurale /
urbaine loin du souci de rentabilité
maximum. A ce sujet-là la transformation de la
Poste allemande est éloquente : 50.000 emplois
supprimés en 15 ans, des zones rurales ou
urbaines entières sans relais postal, qui
coïncident avec les zones pauvres, d’apartheid
social. Ces poches de misère ont
été construites et mises en place par
l’Etat pour stratifier la société,
séparer la population et créer une peur
permanente chez les salariés moins mal lotis (en
cas d’accident de parcours, on risque de se retrouver
en HLM de banlieue pauvre etc., une
punition (?)). La peur de
dégringoler paralyse la force de gravir.
Des revendications essentiellement
corporatistes
A la SNCF le mouvement
apparaît comme beaucoup plus corporatistes. Les
syndicats, certes, se battent pour éviter 4.000
suppressions d’emploi dans la région Île
de France notamment. Et pour la défense du
statut. Mais les syndicalistes du rail restent
arc-boutés sur leur voie à sens unique.
Ils demandent la compréhension et le soutien des
usagers, d’accord, mais combien d’entre eux s’opposent
à la répression des sans-tickets, qui
peuvent encourir 6 mois de prisons fermes et 7.500
euros d’amende ? La SNCF collabore activement à
la traque des sans-papiers, des contrôleurs
pouvant aller jusqu’à demander des papiers
d’identités à des voyageurs noirs, alors
qu’ils ont un billet valide Sans parler de la
collaboration étroite de ces mêmes
salariés avec la PAF. Qui se bat contre
ça ? Lors des réunions
préparatoires aux
campagnes de transports gratuits,
la CGT cheminots ou SUD rail soit ne nous
répondaient pas, soit nous affirmaient que
ce n’était pas leur
problème Idem lorsque les tarifs
augmentent : les syndicats restent silencieux. Une
mauvaise langue me souffle que le train est gratuit
pour les cheminots, alors le reste, qu’est ce qu’on
s’en fout, n’est-ce pas hein ?
La palme du corporatisme (et d’un
égoïsme qui confine à l’autisme
social) peut également être
décernée à la FSU, qui demande des
augmentations de salaires dans l’Education nationale
uniquement pour les échelons les plus haut,
au-delà de 260. Le projet Fillon n’est pas
interrogé par ce syndicat, alors qu’il vise
à rendre utilitariste l’Education
nationale, en permettant une meilleure
adéquation avec les besoins immédiats des
entreprises dans un bassin d’emploi donné
Pire, un ponte de la FSU éructait même
à France Inter contre la notion de
liberté pédagogique,
prétextant que les enseignants n’avaient pas
besoin de liberté et que cette liberté
allait créer des inégalités (sic
!). Là encore, la question des besoins des
élèves est totalement
évacuée Ils n’ont qu’à
suivre les cours magistraux et obéir
Grandir, c’est apprendre à courber la tête
sur la copie sans se poser de questions, t’as juste
besoin de savoir ça.
Au mieux le mouvement syndical qui
s’exprimait les 18,19 et 20 janvier vise à
préserver le statu quo, avec le maintient de
l’emploi et quelques points d’augmentations de salaires
en plus. Mêmes les rares forces syndicales qui
défendaient autre chose faisaient passer la
notion de service public, d’utilité sociale du
travail, de la relation avec l’usager-e, au second
plan. Lorsqu’ils en parlaient. Des copains et copines
syndicalistes trouveront peut-être que
j’exagère, mais quelle est la définition
du service public de leur syndicat, ou la leur ?
Au-delà des mots, pour quoi la majorité
des salarié-e-s se battent-ils ? Pour la
gratuité et l’accès à tous des
services fondamentaux ? Ou seulement pour
préserver leur confort immédiat ? Ce qui
est choquant ce n’est pas que les syndicats
défendent des acquis sociaux durement
gagnés, c’est qu’il n’y a rien au-delà de
ça.
L’échec de ce mouvement,
comme celui du printemps 2003, est-il programmé
? Fort possible, du moment que l’appel à des
conver
gences privé/public reste sur la
base de vagues incantations et ne s’appuient pas sur des liens
humains, et syndicaux, réels. Croire qu’il suffit de
demander aux ouvriers de sortir dans la rue pour qu’ils le
fassent, sans vivre leur situation, ou sans avoir
créée au préalable des liens avec eux,
revient à s’enfermer dans un monde imaginaire
Les mouvements sociaux sont
déjà joués avant le jour J :
lorsqu’au quotidien on ne se bat que pour soi, il ne faut pas
s’étonner qu’après personne d’autres ne suive.
Redéfinition du travail : de
l’individualisation à la question du lien social
Au sujet de l’éducation la loi
Fillon est attaquée sur la question des moyens et des
suppressions de postes. Les syndicats se battent à juste
titre contre les nouvelles cartes scolaires, la suppression de
postes et la remise en cause pernicieuse de la maternelle. Par
contre toute notion de contenu de l’enseignement, des relations
parents / professeurs / élèves est
évacuée : on n’entend plus les syndicats
lorsqu’il s’agit d’instituer un socle fondamentale, de
redessiner les contours du savoir au service de l’utilitarisme
économique. Ou il ne s’agira bien souvent que de la
stricte défense de son pré carré : les
profs de sciences écos ne voudront pas que leur poste
soit remis en question etc. A quel moment le programme des
sciences écos est-il questionné, dans le fait par
exemple que cette matière présente le capitalisme
comme un système économique
généreux et redistributif, malgré quelques
couacs (sic !) ?
En d’autres termes, comment peut-on
travailler 40 ans (au moins) sans jamais remettre en question
ce que l’on fait et sans penser l’utilité sociale de son
travail ?
Si ces mouvements sociaux apparaissent si
peu désirables à la population, ce n’est pas tant
à cause du miroir déformant des médias que
du manque de perspectives globales : les syndicats ne font rien
pour que la population ne se sente concernée. Par
exemple, les syndicats de l’éducation nationale ne
remettent pas en cause le regain d’autorité qu’offre aux
professeurs la loi Fillon : dans la question du redoublement,
ou celle de la minorisation du rôle des associations de
parents d’élèves, etc.
Le lien social, qui devrait être au
cur de la notion de service public, est ainsi purement et
simplement évacué : chacun fait son travail,
encaisse son salaire Obéit. Dans son coin.
Bien sûr, c’est la privatisation, ou
tout du moins la commercialisation de ces mêmes services
qui en sont aussi la cause mais la résistance ne peut
commencer qu’au quotidien : avec un autre rapport avec son
travail, en interrogeant individuellement et collectivement les
orientations de sa boîte et en
résistant pied à pied.
Comment redéfinir son travail ?
Pour un professeur cela peut consister à s’appuyer sur
des associations culturelles, alternatives Pour un
syndicat de cheminots, rencontrer des associations de
chômeurs et faire des actions communes pour
réclamer la gratuité, contre la
répression. La redéfinition ne peut pas s’appuyer
que sur les forces de personnes isolées on
finirait par être broyé par la machine - mais par
la création de liens.
Nous reviendrons sur des exemples
précis le mois prochain, ainsi que sur la question
essentielle : comment agir au quotidien ?
Raphaël
(Lecture conseillée :
Abécédaire de l’engagement, Miguel
Benasayag, Ed. Fayard)
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