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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°3 - Novembre 2001 > Sans-Papiers à Nantes : La lutte continue, mais laquelle ?

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Sans-Papiers à Nantes : La lutte continue, mais laquelle ?


Vendredi 19 octobre. La toile du barnum est entrouverte. Dans la lumière jaunâtre des lampadaires et les flashes des phares des bagnoles, des trombes d’eau s’abattent sur Nantes. Je me dis que les palettes de bois sous les matelas pourris et les couvertures qui puent seront utiles. Je me demande aussi ce que je fous là, à améliorer la précarité de cette trentaine d’Algériens, en grand majorité demandeuse d’asile, à batailler pour que ces 57 soient relogés, comme le stipule la loi. Je ne suis pas sœur Marie-Thérèse et pourtant, à force de les côtoyer, il m’est difficile de les considérer en tas, comme un tas en mouvement pour un hébergement auquel ils ont droit ; je connais leurs prénoms, j’entends qu’ils ont faim, qu’ils demandent tous les jours si des "soutiens" vont rester dormir avec eux…


Petit historique

Le 5 octobre, les flics débarquent à la Bourse du Travail et en expulsent cinquante sept personnes sans-papiers et demandeuses d’asile, et un "Français".
image 315 x 202 La Bourse. Proposée par la CGT, lieu d’hébergement insalubre, certes, mais qui permettait de s’y réunir, d’y dormir. Les syndicats déménageant, la mairie a voulu récupérer son bien. Donc expulsion.
Depuis, ce sont deux tentes qui ont été installées sur le parvis de la préfecture, avec une banderole " Sans-Papiers de Nantes, régularisation pour toutes et tous ". Au bout de trois semaines, les conditions sanitaires se détériorent, certains chopent des irritations de la peau, y’a pas granche à bouffer, et puis il pleut, il commence à faire froid…

Tergiversations du Collectif

Le collectif de soutien se compose d’une quarantaine d’associations et organisations fort diverses, dont les composantes les plus présentes sont la CSF, le CCFD, le GASPROM (ASTI de Nantes), le Scalp, la LCR, la LDH, et des individu-e-s. C’est dire comme le panel est large, et que ça ne facilite pas les choses.

Base des négociations

L’engagement des négociations avec la préfecture s’est fait sur la base de l’hébergement des 57 personnes expulsées de la Bourse. En fait, il y a un précédent à cette histoire de " liste " : cet été, une liste de 87 personnes, qui étaient les plus anciennes à la Bourse, a été transmise à la mairie qui les a relogées. Le cercle des listes s’est donc ouvert et on mesure aujourd’hui combien il est vicieux.
Le consensus s’est fait dans le Collectif que lorsque 80% des expulsés de la Bourse serait hébergés, on quitterait les lieux et continuerait la lutte d’une autre façon. La première semaine préfectorale, jalonnée de négociations avec le cabinet du préfet, s’est soldée par le "relogement" d’une petite trentaine de personnes. Six personnes, la deuxième semaine. En gage de bonne volonté et de "donnant-donnant", le départ de ces six a entraîné le démontage d’une des deux tentes. Du coup, rapport à l’Humanitaire, les trente restant se sont entassés dans la seconde tente… Du coup aussi, on en est à se demander si c’est à nous de jouer les flics, de dire aux derniers arrivants " on ne s’occupera pas de vous dans un premier temps, on en a 57 ; les autres c’est pour plus tard, les places sous la tente sont prises par les ’Anciens’ " ; Si on a un lieu en dur, la préf nous demande un " contrat moral " qui consiste en n’y pas accueillir toute la misère du monde, mais seulement celle des restants de la Bourse, et de ne pas remplir ce lieu au fur et à mesure qu’il se vide, au gré des solutions d’hébergement…
A la dernière entrevue avec le directeur du cabinet (fin de la troisième semaine devant la préf), la délégation s’est entendue demander quelles étaient les solutions que nous avions trouvées !!! Pendant toute cette troisième semaine, nous n’avons rien fait. Certaines personnes du Collectif estimaient en effet que le moindre mouvement un peu " brusque " de notre part raidirait la préfecture et que nous n’obtiendrions rien. Ne pas bouger, donc, surtout pas. On n’a pas bougé, et on a rien eu. D’aucuns s’en doutaient un peu…

Quels hébergements, quelles structures d’accueil ?

D’autant qu’il n’y a pas vraiment lieu de se satisfaire des solutions proposées à la liste des Trente. Certains se retrouvent dans des centres d’accueil pour personnes alcolo-dépendantes, d’autres dans des centres psychiatriques. Bref, loin des structures présentes (on le souhaite) dans les CADA (Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile). En outre, certains sont hébergés provisoirement. Certains osent même quitter ces endroits qu’on leur à trouvés au prix d’efforts incommensurables, sous le prétexte fallacieux que ça ressemble à une prison ? Ils se croient en France, ou quoi ? Voilà, on entend presque ça, en filigrane au Collectif… Cette semaine là, la primauté de l’action humanitaire a nettement pris le pas sur les préoccupations politiques. Action urgente, nécessaire et patin couffin, on le connaît le discours humanitaire, sauf que quand on a le nez dedans, c’est pas facile de dire ; "c’est pas notre boulot d’apporter la bouffe, pas notre boulot d’installer des "sommiers", pas notre boulot non plus de laisser des gars dormir dans la flotte".
Situation soluble dans l’action ? Si on parvient à pousser le collectif au cul pour qu’on se bouge, qu’on investisse des lieux, qu’on les emmerde, qu’on les dénonce à grand fracas, ces crevures du Conseil département, Mairie, Préfecture…, tous ces braves gens qui font que trente personnes dorment sous les tentes, tout en estimant cette situation "humainement insoutenable"

Dans nos rêves les plus fous…

Le Collectif est à ce point minima-liste dans ses revendications qu’on en oublierait presque qu’on est sur une lutte de sans papiers et que ceux et celles qui croient la préf quand elle dit qu’elle ne peut rien faire sur la question de l’hébergement, elle pourrait régulariser tout ce petit monde en deux-trois coups de stylos…
Dans des rêves éveillés, l’Etat, via ses préfectures se doterait des moyens d’appliquer ses propres lois (je rappelle que les demandeurs d’asile sont en situation régulière et ont à ce titre légalement droit à un hébergement).
Dans nos rêves les moins fous, les Sans-Papiers seraient vraiment associés aux prises de décisions de ce qui les concerne, les décisions seraient prises démocratiquement au sein du Collectif et pas à la plus grande gueule, les délégations à la préf auraient un mandat clair, et on ne serait pas attentifs/ves aux regrets du cabinet du préfet que la délégation ne se compose jamais des mêmes personnes.
Dans des rêves un peu plus fous, on serait assez nombreux/ses pour imposer par l’action que l’Etat se dote….. Dans nos rêves les plus fous- attention ! bientôt interdits par Vichypirate-, y’aurait plus d’Etat, plus de frontières, et la "question" des Sans-Papiers, et même celui du logement, serait réglée. On pourrait enfin se marrer et boire des bières peinard-e-s.

Melle Annie

SANGATTE : SOUTIEN AUX RÉFUGIÉS

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté le 20 octobre à Sangatte en soutien aux revendications des réfugiés à l’appel de nombreuses organisations. "Au camp de réfugiés de Sangatte plus de 1500 personnes, en majorité Kurdes et Afghans, s’entassent parce qu’on leur refuse le droit de choisir leur terre d’asile.
Tous les jours, toutes les nuits, au su et au vu de tous, ils risquent leur vie pour tenter le passage vers le Royaume-Uni, comptant vivre moins misérablement, espérant moins d’oppression politique, économique.
Bush, Blair, Chirac-Jospin, et beaucoup d’autres chefs d’Etats appellent à la guerre contre le régime rétrograde et " terroriste " des Taliban. Et pourtant, ils refusent d’accorder l’asile politique aux premières victimes de ce régime totalitaire : les Afghans qui se trouvent ici dans " nos " frontières, à Sangatte par exemple. La vérité c’est que l’économie capitaliste européenne a besoin de main-d’œuvre sans aucun statut légal qui soit obligée d’accepter n’importe quels salaire, horaire et conditions de travail.
Lorsqu’une grosse entreprise met en concurrence plusieurs sous-traitants pour un marché quelconque elle sait que très souvent la différence se fait sur la maigreur des paies des salariés des sous-traitants et que le fait d’être sans-papiers mène à accepter d’être sous payé. Il n’y aurait pas de filières mafieuses de passeurs, il n’y aurait pas d’esclavagistes et il n’y aurait pas de morts à nos frontières s’il n’y avait pas des Etats pour empêcher la libre circulation et installation des individus ou bon leur semble.
(...) Nous disons : Assez de morts aux frontières ;
Régularisation de tous les réfugiés ; Régularisation de tous les sans-papiers ; Fermeture de Sangatte et de tous les camps de rétention ; Pour la liberté de circulation et d’installation".
Sète : Un trentaine de personnes se sont rassemblés devant le centre de rétention quai maillol, qui est en travaux pour agrandissement dans le cadre de la journée internationale d’action : " PERSONNE N’EST ILLEGAL ".


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