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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°3 - Novembre 2001 > Carte blanche
pour poursuivre le massacre !

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Tchétchénie

Carte blanche
pour poursuivre le massacre !



Vladimir Poutine a décidé de soutenir les actions de représailles des Américains contre l’Afghanistan. Cela lui a permis d’obtenir les mains libres en Tchétchénie et de faire taire les maigres critiques occidentales : le président Bush a ainsi qualifié mi-octobre les Tchétchènes de "terroristes". D’autre part Poutine espère faire rejouer à la Russie un rôle international, en particulier dans la zone stratégique de l’Asie centrale. La Russie tient à ce que les anciennes républiques d’Asie centrale de l’Union soviétique restent alignées sur Moscou. Elle soutient à bout de bras des régimes autoritaires souvent dirigés par d’anciens apparatchiks soviétiques. La signature d’accords de sécurité avec les pays de la zone permet à la Russie de maintenir des troupes dans la région. Seul l’Ouzbékistan dirigé par le dictateur Islam Karimov tente d’échapper à la tutelle russe. Il fut ainsi le premier à accepter d’accueillir les troupes américaines sur son territoire. Une partie des populations de la région sont sensibles aux sirènes islamistes synonymes pour eux de changements sociaux. Soutenir l’opération en Afghanistan pour Moscou c’est essayer de se débarrasser de cette menace intégriste et s’assurer aussi que les Américains ne resteront pas dans cette région riche en ressources naturelles.
À l’assemblée russe, la Douma, une grande majorité des députés soutiennent la politique étrangère de Poutine. Le vote de confiance sur sa politique du 17 octobre s’est traduit par 268 votes favorables, 101 votes contre et deux abstentions. Les communistes du KPRF se sont opposés essentiellement car aucun de leurs amendements n’avait été retenus. D’une manière générale la position du camp national-patriotique a sensiblement évolué. De l’embarras à choisir entre la peste "américaine" et le choléra "islamiste", il est passé à une dénonciation de l’alignement russe sur les positions américaines. L’hebdomadaire Zavtra titrait ainsi dans son numéro 39 du début octobre "Ne couvrons pas les mosquées de Kaboul avec le sang russe". Le dessinateur du journal représentait Vladimir Poutine en petit fantassin devant une Statue de la liberté menaçante, le colt à la main. L’hebdomadaire national-patriotique Duel du 2 octobre dénonçait lui aussi l’alignement de Vladimir Poutine sur la politique américaine en caricaturant le président Russe en faucon ridicule posé sur un gant de cuir, frappé d’une étoile de David. Quelques piquets de protestation contre la guerre organisés devant la Maison blanche, siège de la présidence russe, étaient trustés par l’extrême droite.
La position de Poutine passe mal dans l’armée. Selon le quotidien Nezavissimaïa Gazeta du 18 octobre "L’État-major a, à plusieurs reprises, mis en garde le Kremlin que l’apparente amélioration des relations avec les États-Unis sous prétexte de la lutte contre le terrorisme pourrait faire perdre à la Russie certaines de ses priorités militaires". La volonté d’élargir l’OTAN à d’anciens pays "frères" voire à d’anciennes républiques de l’Union soviétique (Géorgie par exemple), la mise en place du bouclier anti-missile américain (dont on voit aujourd’hui encore plus l’inutilité totale mis à part le soutien financier au complexe militaro-industriel américain) et surtout l’arrivée de troupes américaines dans ce qui est considéré par Moscou comme son "étranger proche" posent problème pour les militaires. Le malaise est d’autant plus grand que les militaires sont en train de perdre un certain nombre d’avantages : ils vont devoir payer l’impôt sur le revenu et les taxes communales par exemple. En plus les augmentations de solde de 20% au 1er septembre et de 50% au 1er décembre n’ont pas été tenues et ne le seront pas.
La population ne semble pas non plus suivre Poutine aveuglément. Elle ne soutient pas l’action de représailles anglo-américaines contre l’Afghanistan. Selon des sondages réalisés en octobre et cités par les Izvestia du 15 octobre, un cinquième des Russes interrogés soutiennent les États-Unis dans leur opération de représailles, plus de 60% ne les approuvent pas. À Moscou le soutien reste minoritaire même s’il atteint 41% des personnes interrogées. Une majorité écrasante de la population se prononce pour une participation limitée de la Russie à la guerre : transmission des informations secrètes, soutien diplomatique et compassion. Près des deux-tiers des personnes interrogées estiment que l’opération est uniquement "une démonstration de force des États-Unis". L’efficacité de toute l’opération est mis en doute par là-aussi près des deux tiers des sondés, seuls 22% d’entre eux pensent que les "États-Unis parviendront à l’élimination des organisations terroristes en Afghanistan".
Jean Raymond à Moscou


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