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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°3 - Novembre 2001 > Résistances à l’écran

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Résistances à l’écran


Comme chaque mois, voici une sélection partielle (et partiale) de quelques films, plus ou moins récents, jugés intéressants au vu des thèmes sur lesquels lutte le réseau No Pasaran…

Pirouli (Paris)

Les films chroniqués ce mois-ci
Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures
Film français de Claude Lanzmann - 2001 - 95 min.
Documentaire sur des libertaires dans la guerre d’Algérie
+ plein d’idées ciné


image 236 x 315 Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures
Film français de Claude Lanzmann - 2001 - 95 min.

De 1974 à sa sortie en 1985, Claude Lanzmann (qui est aussi Docteur Philosophiae Honoris Causa de l’Université Hébraïque de Jérusalem) travaille sur Shoah, monument cinématographique de 9 heures consacré entièrement à l’holocauste nazi. C’est alors, en 1979, qu’il interviewe Yehuda Lerner, qui fut partie prenante de la seule révolte jamais réussie dans un camp de concentration : à Sobibor, le 14 octobre 1943 à 16 heures. Devant un témoignage si poignant, Lanzmann ne peut se réisgner à l’intégrer à Shoah et décide d’en faire un film à part entière.

La première image du film est un très gros plan du visage de Lerner qui explique n’avoir jamais tué avant Sobibor : cet aveu déguisé de meurtre semble presque incongru. Puis défilent des images (récentes) d’un trajet jusqu’à Sobibor, alors que Lerner raconte en voix off son périple jusqu’au camp. Enfin réapparaît le visage de Lerner, pour entreprendre un récit minutieux, minute après minute, de la révolte.

Le suspens du récit, tant vanté par les médias, provient d’une identification progressive avec le narrateur. Le premier plan nous le montre très étranger, avec cette référence au meurtre. Puis le trajet, retransmis en caméra quasi-subjective, amorce l’entrée dans le récit, le plongeon au sein de l’année 1943, sur les lieux mêmes de Sobibor. Enfin, la vision de Lerner racontant, séparée de la compréhension effective de ses paroles (la traduction effectuée en direct lors de l’entretien a été conservée telle quelle), augmente petit à petit l’identification au personnage (ses mimiques le rendent de plus en plus humain au fur et à mesure qu’il se replonge dans les évènements). L’effet du propos est alors saisissant.

Devant le film, on devient petit à petit ce mystérieux inconnu, qui avoue ne pas avoir tué avant la révolte de 1943. Même cet aveu de meurtre prend peu à peu tout son sens. Cette révolte était nécessaire. Et, face aux questions très intimes de Lanzmann, les propos de Lerner ne cessent de le répéter : non la question du remord ne se pose pas, car il était question de vivre ; non le meurtre ne l’a pas bouleversé, car il n’y avait rien d’autre à faire ; non la question n’était pas d’avoir peur ou pas, mais d’être humain, d’être libre - c’est-à-dire non pas faire ce qu’il voulait, mais faire ce qu’il fallait. La révolte apparaît alors inéluctable, dernier rempart face à l’inhumain, à l’innommable. Non pas qu’il était impossible de ne pas se révolter (très peu de camps ont été témoins de tels mouvements), ou que la révolte ne pouvait pas échouer (Sobibor est le seul lieu où une révolte ait abouti), mais qu’il s’agissait bien dela seule et unique chose à faire. Face à l’horreur du nazisme et de la destruction systématique, seule la révolte était envisageable.

C’est en cela que le film de Lanzmann est un grand film. Cette nécessité de la révolte, évidence qu’explique Lerner au cours de l’interview (il n’y avait pas le choix : c’était ne plus être humain ou se révolter, c’était mourir ou tuer), la construction du film la met en scène brillamment. Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, révèle quelque chose de fondamental, quelque chose qui est à la fois profond et trivial : face à la barbarie, lutter, c’est vivre…

Quelques sorties récentes à aller voir :

image 207 x 276 image 204 x 315
No Man’s Land, de Danis Tanovic, un bon film sur la guerre en ex-Yougoslavie ;
La question, de Laurent Heynemann, tiré du livre éponyme d’Henri Alleg qui raconte la torture pendant la guerre d’Algérie ;
Le cas Pinochet, de Patricio Guzman, sur le déroulement de l’affaire Pinochet de 1998 à janvier 2001.

Et éventuellement :
Quand les hommes pleurent(de Yasmine Kassari, sur l’immigration et le travail clandestin en Espagne) ; Danny Balint (de Henry Bean, l’histoire d’un jeune skin néo-nazi américain) ; Vacances au pays (de Jean-Marie Teno, entre le Cameroun et l’Europe : un point de vue critique sur la modernité occidentale) ; et l’excellent Bronx-Barbès (d’Eliane de Latour, un grand film sorti l’année dernière sur les ghettos africains et les méfaits de l’Occident).

Documentaire sur des libertaires dans la guerre d’Algérie

On oublie trop souvent que les réseaux de " porteurs de valises " qui ont soutenu les indépendantistes algériens pendant la Guerre d’ Algérie n’ont pas débuté leur existence en 1957 avec les réseaux Jeanson puis Curiel.
Au lendemain de l’insurrection de la Toussaint 1954, les seules organisations françaises à soutenir l’indépendance algérienne se situaient à l’extrême gauche. Il s’agissait du Parti communiste internationalise (PCI) et de la Fédération communiste libertaire (FCL). C’est précisément l’action de cette seconde organisation, ainsi que celle de sa branche algérienne, le Mouvement libertaire nord-africain (MLNA) que ce documentaire, essentiellement fondé sur les témoignages des militant(e)s de l’époque, étudie. La FCL et le MLNA seront liquidés par la répression policière et l’acharnement judiciaire courant 1957. Ses principaux animateurs connaîtront la clandestinité, puis la prison. Ce documentaire intelligemment réalisé est constitué de témoignages forts, souvent touchants de militants qui montrent comment des anarchistes ont pris part, et parmi les premiers, aux mouvement de libération national algérien. oeuvre salutaire à plusieurs égards.

Tout d’abord pour son apport à l’histoire de l’anarchisme. L’engagement des libertaires dans les luttes de l’époque est retracé dans très peu de livres, hormis dans ceux de Daniel Guérin ou de Georges Fontenis. Cette absence contente certains libertaires, enfermés dans leur dogmatisme et leur pureré idéologique pour qui le soutien aux peuples opprimés signifie complicité avec le nationalisme le plus étroit.
Ensuite parce que ce film et, ésperons-le tous les débats qui l’accompagneront, donne une autre version de l’histoire du mouvement révolutionnaire. Les libertaires ont été impliqués dans beaucoup des grandes luttes, des mouvements d’émancipation à mai 1968 en passant par la résistance antifranquiste. Cette réalité là, ceux qui ont fait l’histoire des combats politiques des années 60-70 l’ont sciemment occultée (comme Hamon, Rotman ou Geismar), préférant - et c’est sans doute de bonne guerre - mettre l’accent sur l’action de leurs familles politiques, maoistes et troskistes. A nous, comme nous l’avons fait pour la Révolution espagnole - en contrant la version officielle des évenements fortemment influencée par le Parti communiste - d’écrire notre histoire. Personne ne le fera à notre place (bien au contraire). Ce documentaire apporte une pierre à l’édifice.

Une résistance oubliée (1954-1957), un film de Daniel Goude et Guillaume Lenormant.

Pour commander la vidéo, adresser un chèque de 60 F (50F+10F de frais de port) à l’ordre d’Alternative libertaire à Alternative libertaire, BP 177, 75967 Paris cedex 20.


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