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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°3 - Novembre 2001 > Réunion de l’Action Mondiale des Peuples

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Réunion de l’Action Mondiale des Peuples


Voici un résumé de la 3e conférence de l’Action Mondiale des Peuples (1) qui s’est tenue à Cochabamba. Un " sommet " des bases pour approfondir la lutte anti-capitaliste. Franc succès pour cette dernière qui s’est tenue - contre vents et marées ! - du 16 au 23 septembre à Cochabamba, Bolivie. Les mouvements populaires démontrent qu’ils peuvent s’auto-organiser, avancer des propositions concrètes pour changer leur vie, aujourd’hui et ouvrir des perspectives nouvelles, des alternatives au capitalisme autres que que les solutions avancées par un mouvement comme ATTAC de nouvelles régulations du système sans le transformer radicalement.


La conférence a permis d’avancer sur beaucoup de niveaux, malgré des débuts difficiles provoqués par les évènements de New York. Bon nombre de déléguéEs sont arrivéEs en retard, d’autres n’ont pas pu arriver du tout, désorganisant passablement les premiers journées. (...) Le chaos des transports a empêché la participation de tous les états-uniens sauf un. Pire, le nouvel ordre mondial répressif que Bush compte imposer à la faveur de l’attaque a eu des répercussions immédiates : l’immigration bolivienne a déclaré que "tous les visas pour l’AMP sont annulés". Même des personnes qui avaient déjà passé la frontière ont été raflées dans l’aéroport et menacées d’expulsion. Un bus entier de déléguéEs de Colombie, Equateur et Pérou a été bloqué à la frontière, la délégation asiatique a dû patienter à Genève. Le gouverneur de Cochabamba a déclaré que nous étions tous des "terroristes potentiels" coupables d’avoir organisé les "émeutes" de Quebec, Prague, Gênes, etc. Quand Evo Morales, le leader des Seis Federaciones del Tropico (le plus puissant des mouvements paysans du pays et l’hôte de la conférence) a osé condamner autant l’attaque de New York que le terrorisme gringo en Iraq ou Amérique Latine, l’ambassadeur US a lancé un véritable fatwa, déclarant publiquement que M. Morales ne devait pas être surpris de ce qui pourrait lui arriver. La conférence débuta donc dans un climat un peu tendu. Heureusement, la pression politique de nos hôtes et des organisations des droits humains a eu son effet. Finalement 170 déléguéEs ont pu entrer, mais 25 sont restés bloqués à la frontière. (...) Avec les participants boliviens, la conférence a ainsi réunie 230-250 personnes de plus de trente pays, y compris pratiquement toute l’Amérique Latine, une dizaine de déléguéEs d’Asie, des nouveaux venus de Papouasie, d’Australie, d’Afrique du Sud - une belle brochette ! Les délégués indiens nous ont amené d’excellentes nouvelles. Le mouvement paysan est à présent coordonné au niveau national (apparemment en partie grâce à la dynamique lancée par la Caravane Intercontinentale en Europe !). Une série de mobilisations monstres ont lieu à peu près chaque mois dans différentes régions du pays à Bombay, New Delhi (50.000 personnes arrêtées !), etc. Le KRRS du Prof. Nanjundaswamy et d’autres mouvements (...) espèrent obliger le gouvernement indien de retirer l’agriculture de l’OMC. Ils ont donné jusqu’au 5 novembre au gouvernement pour distribuer 20 millions de tonnes de stocks de grain. Sinon ils le feront eux-mêmes pour le sommet du Qatar. Parmi les nouvelles organisations il y avait trois représentants de l’énorme Fédération indonésienne, un délégué de la Fédération paysanne du Népal et quatre représentantEs des remarquables mouvements sud-africains (sans-terre, forum contre les privatisations, luttes pour le logement et les services).

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Malheureusement, les autres délégués africains n’ont pu obtenir de visas. D’Amérique Latine, il y avait des représentants de certains des mouvements les plus puissants : les paysans des Seis Federaciones de Bolivie, de la CONFEUNASSC d’Equateur, du MST du Brésil) ; les Confédérations nationales d’indigènes de Bolivie (CONAI) et de Colombie (ONIC), des représentants des Afro-américains (PCN et ODECA) ainsi que des peuples indigènes du Guatemala, des Kuna du Panama, des Mapuche d’Argentine et Chile, des Miskitos du Nicaragua et, bien sûr, de nombreux représentants des Quechua de la région andine. Il y avait aussi des représentants du Mouvement des femmes notamment de Colombie (Mouvement National des Femmes) et du Mexique. Enfin, nouveauté importante, il y avait des jeunes de réseaux urbains qui s’étaient mobilisés spécifiquement pour les Journées d’Action Mondiale du 1er Mai, de Prague ou contre l’ALCA (Traité de "libre" échange des Amériques). Ces nouveaux venus illustrent une grande force de ce mouvement, la circulation internationale de nouvelles formes de luttes. Au départ de l’AMP, l’action directe venue de l’Inde a mobilisé l’Europe, qui à son tour a inspiré Seattle. Repassant l’Atlantique, les mobilisations se sont encore amplifiées à Prague et surtout à Gênes. Aujourd’hui, le courant passe aussi du Nord au Sud, notamment l’idée de s’organiser pour l’action en réseaux horizontaux. Des sites Indymedia se créent dans divers pays. La présence de personnes de groupes du Nord qui ont organisé l’action directe à Londres, Prague, Genoa, Quebec, Goteborg, Barcelona, Melbourne et Davos (Reclaim the Streets, Ya Basta, Comité de Luttes Anti-Capitalistes du Quebec, le MRG de Catalogne, la Coordination Anti-WTO de Suisse, etc.) a aussi marqué les avancées énormes du mouvement dans le Nord depuis la dernière conférence. A présent on sait que le mouvement au Nord existe aussi et ne sert pas seulement à organiser la solidarité avec le Sud. Les résultats de la conférence ne peuvent pas tous être cités. Relevons parmi d’autres : un appel est, bien sûr, lancé pour une Journée d’Action Mondiale pour le Qatar. Parmi les propositions, celles de bloquer les centres boursiers et financiers, d’empêcher la participation des divers ministres de commerce extérieur ou encore d’organiser des consultations populaires. Un autre appel est fait pour se mobiliser contre la prochaine réunion de l’ALCA en mars en Equateur. Des campagnes à plus long terme ont été décidées. Celle, déjà lancée, contre le militarisme, le paramilitarisme et le terrorisme d’Etat, notamment dans la région andine, devra continuer, et - par les temps qui courent - devra sûrement s’élargir ! Une deuxième campagne sur le thème de "Territoire et Souveraineté" réunira les mouvements concernés par la question de la terre, de la privatisation de l’eau et d’autres biens communs. La question fondamentale étant le droit des communautés humaines d’organiser librement leurs sociétés, leurs moyens d’existence et leur rapport avec la nature (ce que les peuples originaires appellent leur "cosmovision"). Cette campagne sera enrichie des expériences multiples amenées à la conférence concernant : les privatisations de l’eau (notamment la lutte exemplaire des habitantEs de Cochabamba) et les luttes pour la terre (mettant en relief les étendues incroyables de terres que les multinationales s’approprient sur tous les continents - un véritable jeu de Monopoly joué avec les moyens de subsistance de millions de personnes). Plusieurs modifications importantes ont été décidées dans les textes et principes de base de l’AMP. Le premier principe a été modifié pour ajouter "un rejet clair du féodalisme, du capitalisme et de l’impérialisme" à celui du "libre" échange. Cette radicalisation ne fait que confirmer une évolution déjà marquée à la dernière conférence autant par les grandes organisations du Sud que celles du Nord. Le quatrième principe a été modifié pour lire : "Un appel à l’action directe, la désobéissance civile et le soutien aux luttes des mouvements populaires, mettant en avant des formes de résistance qui maximisent le respect pour la vie et les droits des peuples opprimés, ainsi qu’à la construction d’alternatives locales au capitalisme mondialisé." Il s’agissait surtout de remplacer le terme "non-violent", source de malentendus culturels et politiques inextricables, par une phrase qui affirme clairement la volonté de respecter au maximum la vie sans prétendre imposer un moyen unique de lutte. (Ce souci avait fondé, dès la fondation de l’AMP, l’invitation adressée à l’armée zapatiste, considérée "non-violente" dans son contexte.) Le manifeste de l’AMP a été repris pour introduire une perspective de genre dans tous les domaines traités. Enfin, un paragraphe concernant le changement climatique a aussi été ajouté à la fois pour signaler cette ultime limite à notre économie, mais aussi pour dénoncer la marchandisation de l’atmosphère (des "droits de polluer") présentée comme "solution" au problème. Enfin, les principes organisationnels de l’AMP (de son comité de pilotage, groupe de soutien, publications, etc.) ont été profondément modifiés. En effet, l’expérience a montré qu’autant l’efficacité que le respect de l’autonomie plaidaient en faveur d’un fonctionnement encore plus décentralisé. L’avenir doit mettre plus l’accent sur les réunions régionales, des "caravanes" impulsant le débat global à partir de la base, les initiatives de la base, bref : "le pouvoir au réseau !" Signalons encore l’accueil inoubliable organisé par les paysans boliviens pour les délégués au Chaparé : 20 000 personnes rassemblées pour écouter des délégués du monde entier ! Un moment de solidarité très fort avec une partie de cet énorme mouvement populaire qui tient tête à l’impérialisme dans toute la région des Andes.

Olivier, Caravane anticapitaliste

(1) L’action Mondiale des Peuples est un Réseau international qui s’est construit dans l’hexagone en 1998 lors du passage de la caravane intercontinentale et que l’on retrouve dans le Réseau Sans Titre dont vous pouvez procurer l’excellent bulletin à No Pasaran.

Dans le cadre des mobilisations contre la réunion de l’OMC qui se tient au Quatar du 9 au 13 novembre, de nombreuses manifestations se tiendront dans tout l’hexagone et notamment une manifestation se déroulera le samedi 10 novembre devant l’Institut Locarn situé près de Karaez (en Bretagne), à l’appel de plusieurs associations dont des groupes No Pasaran de l’Ouest. L’Institut Locarn, très marqué à droite pour ne pas dire plus, réunit des dirigeants d’entreprises bretons dans de nombreux domaines (industriel, agricole, commercial, culturel) pour faire de la Bretagne "un tigre économique dans une Europe fédérale".


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