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AccueilJournalNuméros parus en 2004N°35 - Décembre 2004 > Amérique indienne

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Amérique indienne



Les Etats-Unis se sont construits sur un génocide non reconnu. Le génocide des peuples originaires de l’Amérique : les amérindiens. Ce sont plus de 600 peuples qui ont subi et qui subissent encore la colonisation et l’exploitation de leurs terres. Malgré plus de cinq siècles de guerres, de massacres, de maladies et de politiques d’assimilation, les peuples amérindiens continuent à résister à l’Amérique de Georges W. Bush.
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Le nombre d’amérindiens avant la conquête est estimée entre 4 à 8 millions de personnes pour les Etats-Unis. Environ cinq siècles plus tard, à la fin des soit disantes « guerres indiennes », le recensement de 1896 ne dénombrait que 254 300 amérindiens encore vivants. Même en tenant compte du fait que les épidémies consécutives à l’arrivée des colons européens ont ravagé des populations entières, ces chiffres sont accablants et démontrent qu’il y a bien eu un génocide. Un génocide non reconnus dans l’histoire officielle des Etats-Unis.

La conquête de l’Ouest
Jusque dans les années 1830-1840, l’Ouest des Etas-Unis demeure le domaine des Indiens. La déportation des tribus amérindiennes de l’Est par les troupes américaines vers le « Territoire indien » (une bande de terre au centre des USA « accordée  » aux amérindiens) marque le peu d’intérêt que les colons européens portent à cette région jugée trop aride pour être cultivé.
Tout change en 1848 avec la découverte de l’or en Californie (où là aussi de nombreuses tribus vont disparaître, exterminées pour la folie de profit des colons). Depuis les grandes villes de la côte Est des USA, des dizaines de milliers de colons vont s’élancer vers l’Ouest. S’en suivront de nombreux accrochages avec les peuples amérindiens qui habitaient les grandes plaines des Etats-Unis. Ces accrochages vont se transformer en de véritables guerres avec l’envoi des troupes américaines, envoyées par le Congrès américain pour protéger l’avancée de leurs colons. Ces guerres vont se terminer en 1890 par un triste et célèbre massacre : le massacre de Wounded Knee, où plus de trois cents Sioux-Lakotas désarmés vont être massacré par les mitrailleuses Hotchkiss du 7e régiment de Cavalerie. Les morts (hommes, femmes et enfants) dépouillés de leurs vêtements, sont jetés dans une fosse commune.
C’est le dernier massacre que les amérindiens ne pourront jamais oublier.

Survivre et résister
Fin XIXe siècle, les Indiens s’efforcent à survivre. Ils réussissent à retarder les retarder les effets dévastateurs de la Loi de Lotissement des Terres de 1887 (Loi Dawes) qui partagent les réserves en propriété privées afin de briser le concept de propriété collective de ces communautés. Le but étant de les transformer les amérindiens en de petits fermiers pauvres et de déstructurer leur mode de vie traditionnel.
En 1917, le gouvernement oblige les amérindiens des grandes plaines à vendre leurs troupeaux et à cultiver des céréales sous le prétexte que l’Amérique manque de blé, comme si les récoltes de quelques amérindiens sur les terres infertiles de leurs réserves allaient sauver l’Amérique d’une pénurie d’ailleurs totalement illusoire. En 1920, les cours du blé s’effondrent et laissent les peuples amérindiens dans la misère la plus totale. Dans un soucis assimilationniste, la citoyenneté est accordée à tous les Indiens des Etats-Unis en 1924, marquant soit disant «  l’achèvement de leur intégration à la nation américaine ». Mais en fait, ces derniers resteront écartés de ce que certains qualifient de « rêve américain ».

Renaissance indienne
En 1950, le gouvernement américain passe une Loi ayant pour but de démanteler les réserves indiennes et de déplacer leurs habitants vers les grands centres urbains. Les Indiens sans terre sont fortement incités à aller « tenter leur chance » dans les villes. On leur promet des emplois bien payés, des logements pourvus du confort moderne. On donne au candidat au départ un billet de train et un petit pécule qui leur permettra de tenir quelques semaines. Le gouvernement veille à rendre les réserves invivables afin de décourager les Indiens d’y rester. Les routes, les maisons ne sont plus réparées, on ne construit plus.
Les amérindiens ne trouvent pas en ville les conditions de vie agréables décrites dans les brochures du gouvernement. Ils logent dans des taudis. L’Indiens est toujours embauchés le dernier. Il n’a ni les connaissances professionnelles, ni le mode de vie adéquat pour s’en tirer dans le monde des Blancs. Beaucoup d’Indiens finissent dans la rue, dans les centres d’accueil des institutions charitables, dans les bars ou en prison. Le taux de suicide est énorme, l’alcoolisme galopant dans la communauté, à la mesure de la déception et du désespoir.
C’est en 1968 à Minneapolis que des Indiens Chippewa vont fonder l’American Indian Movement (AIM), une organisation inspirée de l’expérience du Black Panther Party mis en place par les africains-américains, qui se propose d’organiser la défense des habitants des quartiers indiens contre les exactions policières et racistes. Leur volonté d’améliorer le sort des Indiens des villes est sous-tendue par la nécessité de se battre pour la culture et les droits des populations autochtones de ce pays en se basant sur les 250 traités signés avec le gouvernement américain, des traités qui n’ont jamais été respectés par ce dernier. Les raisons de lutter, les jeunes militants de l’AIM iront les chercher dans les réserves, chez les derniers tra
ditionalistes qui ont toujours refusé de se soumettre au monde dominant des Blancs. Le mouvement acquiert ainsi une force et une légitimité sans pareilles. L’AIM étant un mouvement pan-indien qui essaime sur tous les Etats-Unis et le Canada, il prend une place importante dans l’histoire moderne des peuples amérindiens.

La lutte de l’American Indian Movement
Du 27 février au 8 mai 1973 se déroule l’occupation du hameau de Wounded Knee par les traditionalistes Oglala Lakota et l’AIM. Ces derniers seront encerclés par le FBI et la police de l’Etat du Dakota du Sud, équipés et conseillés par des militaires du Pentagone. Cette occupation se termine tragiquement par la mort de deux membres de l’AIM tombés sous les balles des policiers. Elle s’achève également à l’issue de promesses faites par le gouvernement américain qui ne les honora jamais. A partir de cette période, la violence s’intensifie contre les membres et supporters de l’AIM, dont 64 d’entre eux vont être assassinés en toute impunité sur la réserve de Pine Ridge entre 1973 et 1976. De plus, le FBI procéda à 562 arrestations liées à l’occupation de Wounded Knee, mais n’ouvrit jamais aucune enquête sérieuse sur ces meurtres violents. En 1975, Leonard Peltier, un militant Lakota/Anishinabe, s’engagea avec d’autres membres de l’AIM à protéger et à aider la famille Jumping Bull résidant sur la réserve et étant menacée par la police tribale. Le 26 juin 1975, deux agents du FBI, Jack Coler et Ronald Williams pénétrèrent sans mandat avec leurs voitures sur la propriété privée des Jumping Bull sous prétexte d’y arrêter un jeune indien accusé du vol d’une paire de bottes de cow-boy. Dans l’atmosphère de violence et de psychose quotidiennes qui régnait alors, l’intrusion des deux étrangers a déclenché un échange de coups de feu nourri qui laissa pour morts un jeune Indien, Joe Killsright Stuntz et les deux agents. L’intervention immédiate de plus de 150 agents du FBI, de Marshals, de troupes fédérales d’intervention armée, de la police tribale qui étaient alors massés à proximité laissa à penser que cet incident était préparé à l’avance. Avec des moyens et des armes rudimentaires, Leonard Peltier et ses compagnons ont couvert l’évacuation des femmes, enfants et personnes âgées qui constituaient alors la majorité des résidents de la propriété des Jumping Bull.Une fois tous enfuis, il s’ensuivit alors une des plus grandes chasses à l’homme menées par le gouvernement des États-Unis. Il faut noter que le jour précédant la fusillade le gouvernement tribal (hostile aux actions de l’AIM et aux ordres du gouvernement américain) a négocié en secret et en toute illégalité le transfert de 76200 acres du territoire de la réserve au gouvernement fédéral dans le but d’y exploiter un gisement d’uranium.

À la suite de ces évènements, le FBI utilisant son programme de contre espionnage interne (le COINTELPRO)
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entreprend de déstabiliser et neutraliser l’AIM. Leonard Peltier est arrêté, inculpé des meurtres des agents et condamné à deux peines de prison à perpétuité alors qu’il n’existe aucune preuve de sa culpabilité. Depuis 1976, Leonard Peltier clame son innocence. En 1981, grâce à la Loi de Liberté d’Information, sur 30 000 pages détenues par le FBI, ses avocats en obtiennent la déclassification de 12000. Dans ces pages se trouvent de nombreuses preuves des malversations du FBI dont un rapport balistique stipulant que l’arme attribuée à Leonard Peltier n’est pas l’arme du crime. Au vu de ces nouveaux éléments, un demande pour l’obtention d’un nouveau procès est déposée. Le gouvernement américain reconnaît alors qu’il « ne peut pas prouver qui, en particulier, a tué les agents. » Malgré cela, à cause d’une « technicité judiciaire », la demande d’un nouveau procès est rejetée. Leonard Peltier est devenu le symbole de la résistance des peuples amérindiens aux USA.

Aujourd’hui, l’Amérique indienne
Aujourd’hui, les amérindiens continuent à survire dans ce qu’ils appellent leur cauchemar américain. Bien que la période de répression des années 1970 se soit atténuée, ils vivent toujours dans une pauvreté endémique sur leurs réserves et font toujours face à la discrimination et au racisme au quotidien. En plus des politiques gouvernementales, les peuples amérindiens continuent à lutter pour préserver leurs cultures et leurs droits. Depuis la crise énergétique, ils font face à un nouvel ennemi : les multinationales, qui n’ont de cesse de vouloir les exproprier de leurs terres pour exploiter charbon, gaz, pétrole et uranium qui dorment sous la terre de leurs réserves. Il est de plus en plus difficile de survivre pour un amérindien, un africain-américain, un xicano, un pauvre dans le monde de Bush.

Comme l’a écrit un indien Mohawk de l’Etat de New York : « Mon regard sur l’histoire des Etats-Unis est différent : nous ne devons pas accepter la mémoire des Etats comme étant la nôtre. Les Nations ne sont pas des communautés égalitaires et ne l’ont jamais été. L’histoire de tout pays, qui serait présentée comme l’histoire d’une famille, cache de féroces conflits d’intérêts qui explosent parfois mais, le plus souvent, sont réprimés entre conquérants et conquis, maîtres et esclaves, capitalistes et travailleurs, dominants et dominés par la race ou le sexe. Alors dans un monde de conflits de cette sorte, un monde de victimes et de tortionnaires, il appartient à ceux qui réfléchissent, comme l’a indiqué Albert Camus, de ne pas être du même bord que les tortionnaires. »

Sylvain , CSIA-Nitassinan


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