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Résistance à l’écran

La dialectique peut-elle casser des briques ? / Inch’Allah Dimanche / Paroles de Bibs


Comme tous les mois, voici une sélection partielle (et partiale) de quelques films, plus ou moins récents, jugés intéressants au vu des thèmes sur lesquels lutte le réseau No Pasaran…
Pirouli (Paris)


Les films chroniqués ce mois-ci
La dialectique peut-elle casser des briques ?
Paroles de Bibs
Inch’Allah Dimanche

 

La dialectique peut-elle casser des briques ?

image 184 x 315 Film français de René Vienet - 1973 - 90 min.

Dans la pure tradition situationniste, "La dialectique peut-elle casser des briques ?" est le détournement d’un film de Kung-Fu nommé "The Crush". Dès le générique, une voix off annonce la couleur : les textes originaux ont été remplacés par des dialogues hautement politiques, et toute personne est invitée à faire de même avec n’importe quel film, y compris les plus mauvais : "les Godard, les Truffaut…".
Dans ce pamphlet anti-maoïste s’exprime toute l’ironie et la dérision propre aux situationnistes, prêchant la dialectique matérialiste comme arme de libération, et incitant à la création artistique libérée du spectacle par le détournement de ses formes les plus dévoyées.
Le début de l’histoire est édifiante "Il était une fois dans un pays où l’idéologie est très froide…", et le récit montre ensuite le combat des dialecticiens (qui "jouissent sans entrave et vivent sans temps morts") face aux bureaucrates.
L’ensemble est assez distrayant, très marqué par le sceau d’une époque. Malheureusement, la quantité de dialogues détournés est limitée par le peu de paroles proférées dans le film initial, d’où une certaine lassitude au bout d’une heure et demie de "Ayaaaa", "Zaplatch"… et autres bruitages effectués par l’équipe de Vienet.
A commander à La Gryffe, 5 rue Sébastien Gryphe, 69007 Lyon (120F hors frais de port).

Inch’Allah Dimanche

image 240 x 315 Film français de Yamina Benguigui - 98 min. - 2001

Yamina Benguigui, auteure du documentaire Mémoires d’Immigrés (retraçant au travers de témoignages de pères, de mères et d’enfants, l’immigration maghrébine au sortir de la Seconde Guerre Mondiale), met cette fois-ci sa caméra au service d’une fiction inspirée par l’histoire de sa mère. En 1974, Zouina quitte l’Algérie avec ses trois enfants et sa belle-mère. Bénéficiant du regroupement familial, elle rejoint son mari Ahmed, ouvrier à Saint-Quentin.
Inch’Allah Dimanche retrace dans un style tragi-comique les problèmes relationnels franco-algériens, les violences d’un mari sur son épouse, et la brutalité d’un exil forcé. Si le film est parfois dur, tout en recelant de nombreux clins d’œil plutôt comiques, le propos est au bout du compte assez banal. Et si l’on passe plutôt un bon moment, la portée politique du film n’est pas bouleversante.

 

Paroles de Bibs

image 171 x 227Film documentaire français de Jocelyne Lemaire-Darnaud - 2001 - 96 min.

Fin 1998, Grasset publie "Et pourquoi pas ?" le livre de François Michelin. Ce grand patron de l’empire du pneu y présente sa vision du monde sous un vernis théologico-économique, et fait mine de lever le voile sur le secret qui a toujours entouré la firme Michelin.
Jocelyne Lemaire-Darnaud décide alors de donner un droit de réponse aux ouvrier-e-s de l’usine de Clermont-Ferrand. Après avoir bataillé longtemps pour trouver les fonds pour tourner son film, elle se rend sur place et interviewe plus de 200 travailleur-se-s de Michelin (à qui elle prend soin de présenter le livre pour avoir leur avis). Parole de Bibs est donc une parole ouvrière (les cadres et la direction ont d’ailleurs refusé tout entretien) : une parole lucide trop souvent oblitérée à l’écran.
Le film est bouclé au moment où l’entreprise annonce un plan de licenciement de 22500 personnes. La direction refuse toujours de se prononcer d’une quelconque façon à propos d’un film trop "partisan" à son goût.
Si la réalisation est parfois maladroite (effets douteux sur l’image, étrange parti pris musical…), elle conserve le mérite de mettre face à face les écrits de François Michelin (qui ment visiblement comme un arracheur de dents) avec les récits des ouvrier-e-s qui dévoilent le quotidien d’une usine aux méthodes très dures : pressions psychologiques, accidents à répétition, méthodes de management impitoyables, cynisme de la direction… Un léger détour est même effectué pour rappeler le rôle de Michelin lors de La Cagoule dans les années 30. Mais la parole du film reste sans doute ce constat simple, et pourtant primordial, d’une ouvrière : "tout ce qu’on a obtenu chez Michelin, ça a toujours été grâce aux luttes qu’on a menées". A une époque où l’idéologie dominante considère la lutte des classes comme une relique ringarde d’un passé révolu, Parole de Bibs montre que les patrons la pratiquent toujours couramment et que la riposte est le seul langage qu’ils peuvent comprendre.


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