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Haro sur la Turquie
Il paraîtrait qu’il y a eu
des élections européennes au mois de juin
2004 Alors allez comprendre que c’est maintenant
que l’on discute de deux points importants : la
constitution et la Turquie. Sur ces deux sujets, les
positions des dirigeants des divers partis politiques
institutionnels sont très hétéroclites et
relèvent à la fois de choix stratégiques
et tactiques.
L’élargissement
dans les prochaines années de l’Europe
à la Turquie donne lieu à de belles
envolées xénophobes et de belles
déclarations d’intentions sur les droits
de l’homme. A droite Chirac défend
l’adhésion, mais il reste pour
l’instant isolé. Il est vrai que ce
n’est pas les droits démocratiques qui
doivent l’interpeller. Il revient d’un
voyage en Chine où lles dirigeants
d’entreprises ont martelé qu’il ne
fallait pas mélanger Economie et droits de
l’homme On l’avait bien compris et
depuis fort longtemps. C’est d’ailleurs ce
que pense Guy Sorman, un des chantres du
libéralisme à la mode américaine
qui est pour l’entrée de la Turquie :
Compte tenu du
déficit démographique occidental, il sera
préférable d’avoir une
main-d’uvre turque européenne que
des travailleurs immigrés plus difficiles
à maîtriser. () (Le Figaro 6 novembre 2002). Dans le camp de
la droite, c’est haro sur la Turquie, mais la
palme de la xénophobie revient à
l’agité du bocage qui
ne s’entoure pas de litotes pour dire tout haut
ce que Le Pen pense (tout bas) lui aussi tout haut. De
Villiers : Si,
comme moi, on considère qu’un grave
problème d’immigration se pose à
l’Europe et singulièrement à la
France, avec 600 000 clandestins, selon le
ministère de l’Intérieur, et
l’entrée de 340 000 étrangers
réguliers ou irréguliers sur notre
territoire ; si l’on veut bien reconnaître
que l’intégration n’a pas
fonctionné, que la communauté musulmane
est abreuvée d’argent en provenance des
pays islamiques dures, et donc d’idées
hostiles il est évident que l’islam
à l’horizon de quinze ans peut
représenter 20% de la population
française, ce que je n’accepte pas ! Il ne
s’agit nullement d’opposer un club
chrétien au pays de l’islam, mais
de défendre l’histoire et la grandeur de
notre pays auxquelles je suis fondamentalement
attaché. En acceptant l’adhésion de
la Turquie, l’Union européenne
installerait en son cur une sorte de gigantesque
réservoir de bombes géopolitiques Rien
que ça ! Et Le Pen en plus
concis, se plaignant de la reprise de ses idées
par De Villiers : La
Turquie ne peut pas faire partie de l’Europe,
elle n’est européenne, ni par la
géographie, ni par l’histoire, ni par la
culture, ni par l’ethnie des peuples . Pour éviter de faire
dans la surenchère à droite et voyant
tout le danger de se laisser entraîner dans ce
type de débats, les dirigeants se bornent
à expliquer que dorénavant, il fallait
arrêter l’intégration de nouveaux
Etats et trouver de nouveaux procédés de
partenariat. Sauf que la Turquie a demandé il y
a déjà plusieurs dizaines
d’années à faire partie de
l’Europe en tant que tel et que le 8 octobre, la
Commission de Bruxellles a annoncé que la
Turquie respectait suffisamment les critères
politiques de Copenhague. La décision finale
devant être prise le 17 décembre.
Balladur : Je
souhaite qu’on envisage pour la Turquie, comme
désormais pour tous les pays candidats, afin de
ne froisser aucune susceptibilité, et de
ménager la dignité d’un grand
peuple, une situation de partenaire
privilégié.
Si les positions de droite
étonnent peu, on s’attendait, par contre,
à entendre à gauche un discours
d’ouverture. Mais globalement en dehors de
Noël Mamère, c’est plutôt le
même discours qu’à droite. Fabius :
la meilleure
formule, c’est le partenariat . Et pour ne froisser personne
Hollande de dire au nom des socialistes qu’il faut poursuivre la
négociation avec la Turquie, poser des
conditions strictes, notamment sur les droits de
l’homme, la démocratie, la reconnaissance du
génocide arménien, et ouvrir les deux
options, celle de l’adhésion ou celle du
partenariat renforcé. Au Parti socialiste aussi on
s’inquiète de l’opinion Une
opinion frileuse (raciste ?), à qui on a
bourré le mou sur la question d’un
islamisme conquérant et sur les
délocalisations dans les pays limitrophes de
l’Europe avec une main-d’uvre bon
marché, alors que ces dernières
représentent une part infirme des suppressions
d’emplois (5%),
les 95% étant celles
liées aux spéculations ou autres
recherches de profits maximums des entreprises.
constitution, quand tu nous
tiens...
Loin de moi l’idée
de dire que la Turquie représente un summum de
la démocratie, il suffit de voir sa position sur
le génocide arménien, son traitement de
la question des minorités et spécialement
vis-à-vis des Kurdes, la torture, etc. Mais
combattre sur ces points n’est pas en faire un
ennemi de notre civilisation. Quand Guy Sorman, invoque
1492 et les valeurs des Lumières (entretien au Figaro du 6 nov.2002), pour parler de notre civilisation on peut
effectivement rappeler les 5 siècles de
domination, les politiques génocidaires,
esclavagistes, etc.
Si l’Europe n’est pas
une question géographique mais une idée,
une utopie d’un autre type de relations entre
peuples, il semblerait normal que la Turquie au
même titre que d’autres pays puissent en
faire partie*. Et c’est là qu’on en
arrive au débat sur le Traité
constitutionnel. En effet l’Europe se construit
depuis cinquante ans à l’aune du
marché libre-échangiste. Tout pour la
liberté d’entreprendre, pour le commerce,
etc. rien pour le social. A entendre les politiques
favorables au Oui, les anciens accords (Nice et
consorts) étaient très mauvais ce
qui n’a pas empêché la droite et la
gauche de les ratifier en nous
expliquant avec fortes bonnes
raisons pourquoi il fallait voter oui à
Maastricht, etc.
Fabius, avec son Non au
traité a jeté un pavé dans la
mare. Non que sa personne le pousse a entré en
rébellion, mais en politicien averti, il
s’est dit que si le Non l’emportait, il
gagnerait la mise au Parti socialiste, voir
au-delà. Je ne reviendrai pas sur
l’ensemble des points du traité
constitutionnel (voir L’humanité Hebdo du
15 octobre) qui ont été
rabâché par l’ensemble des
médias. Il s’agit plutôt de savoir
en quoi le Non serait salvateur pour les
résistants à l’ordre
libéral.
Du chaos** est né un
nouveau monde certes. Le problème est que
les adeptes du Non sont très
hétéroclites et rien ne les rassemble. A
la droite extrême et à
l’extrême droite, c’est
l’Europe des patries, des souverainetés
nationales que l’on défend en écho
à la campagne sur le non à la Turquie.
S’étant battu depuis plus de 20 ans contre
l’Europe de la xénophobie,
sécuritaire et nationalistes, on n’a
vraiment rien à attendre de ce côté
là. Et en termes de poids électoral, cela
représente plus de 20% aux élections
européennes.
Sous l’égide de la
Fondation Copernic, un appel Dire non au traité constitutionnel
pour construire l’Europe avec Besançenot (lcr), Wurtz
(pc), Bové, M. Dolez (ps), Bavay (verts) a pour
mots d’ordre
Face à la mondialisation libérale et aux
firmes transnationales, nous avons besoin
d’Europe. Mais celle qui se fait
aujourd’hui n’est pas l’Europe dont
nous avons besoin.
Laisser
l’Europe actuelle continuer sur sa lancée
favorise l’essor dangereux des populismes
réactionnaires, des droits souverainistes, de
l’extrême droite xénophobe . Pour un non de gauche en rupture avec le
système libéral . Très bien. On est
d’accord avec l’analyse comme quoi le
libéralisme quoique que l’on
pourrait employer le mot capitalisme, mais ça
doit les choquer est un élément
essentiel de cette installation dans le paysage
politique européen d’une droite
extrême, qui ne l’oublions pas est au
gouvernement dans plusieurs pays (Autriche, Italie).
Au sein des mouvements
libertaires, si l’on va au-delà de
l’incantation anti-électorale, quelle
campagne pourrions-nous développer ? Doit-on se
lancer comme le propose Alternative Libertaire dans une
campagne « Pour un
Non anticapitaliste et internationaliste » ? Pourquoi ne pas afficher la
couleur en défendant le
fédéralisme libertaire, qui est un des
concepts clefs des idées et des pratiques
anti-autoritaires ; Comment faire vivre une utopie
mobilisatrice pour tirer de ce refus une autre
conception du monde et de la société ?
Rien qu’en le disant, je
reste sceptique. Mais du doute au combat, il n’y
a qu’un pas qu’il faut franchir si
l’on ne veut pas perdre la bataille avant de
l’avoir mené.
Laurent
* Pour la FIFA (football), la
Turquie fait partie de l’Europe, elle joue en
effet en Champions League...
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